jeudi 22 avril 2010

Pour Israël, le silence du Hizbollah en dit des tonnes

jeudi 22 avril 2010 - 08h:07
Robert Fisk - The Independent
Si le Liban avait un indicateur dans le genre de ceux utilisés par les Etats-Unis, avec des codes de couleur pour évaluer « la peur de la guerre » et allant du blanc au pourpre, nous sommes en ce moment - grâce au président israélien Shimon Peres, au porte-parole de la Maison Blanche et à Sayyed Hassan Nasrallah, dirigeant du mouvement libanais du Hizbollah - quelque part entre le rose et le rouge, écrit Robert Fisk.
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Défilé de la résistance libanaise à Beyrouth, en commémoration du dirigeant de son aile militaire, Imad Mughniyah, assassiné par les Israéliens - Photo : AFP
La Syrie a-t-elle fourni au Hezbollah une série de missiles sol-sol Scud à envoyer sur Israël ? Les avions israéliens peuvent-ils les attaquer si le Hezbollah dispose également de missiles anti-aériens ? Et l’armée libanaise peut-elle prendre ces armes au Hizbollah avant que tout cela n’explose ?
Cette saga remonte à loin, bien sûr, et Israël était impatient de marquer son propre retour contre le mouvement de guérilla le plus discipliné au monde. Vous pouvez oublier al-Qaïda quand il s’agit de l’efficacité du Hizbollah - après la performance lamentable de l’armée israélienne en 2006, lorsqu’elle s’était engagée à détruire le Hizbollah puis s’était arrêtée, après l’habituel massacre de plus de 1000 civils, pour demander un cessez-le feu. Au cours des derniers mois, Sayyed Nasrallah a humilié les Israéliens en leur promettant qu’une attaque de missiles israéliens sur l’aéroport de Beyrouth serait suivie d’une attaque du Hizbollah à la roquette sur l’aéroport Ben Gourion à Tel-Aviv.
Mais la semaine dernière, une affirmation par Péres que le Hizbollah avait reçu des missiles Scud en provenance de Damas - ou de l’Iran via la Syrie - et le refus par le Hizbollah de même simplement discuter de son propre désarmement au sein d’un « dialogue national » libanais présidé par le président Michel Suleiman, a obscurci le ciel de printemps sur le Liban et Israël. Le secrétaire de la Maison Blanche, Robert Gibbs, a déclaré cette semaine que les États-Unis avaient exprimé leur préoccupation à la fois aux gouvernements syrien et libanais sur « l’armement sophistiqué ... prétendument transféré ».
Péres a déclenché tout cela un jour plus tôt en déclarant que « la Syrie affirme vouloir la paix, mais en même temps elle offre des Scuds au Hizbollah, dont le seul but est de menacer l’Etat d’Israël. »
Tous ces cris sont toujours très hypocrites. Les Scuds - même si le Hezbollah en possède - sont aussi dépassés que notoirement imprécis. Lors de la guerre du Golfe en 1991, les Scuds de Saddam Hussein ont causé moins d’une centaine de morts. Plus Péres lancera des cris d’alarme sur le danger qu’ils représentent, plus les alliés du Hizbollah en Iran - supposés construire une arme nucléaire - occuperont une place de choix dans l’imaginaire du public face à la colonisation israélienne illégale et ininterrompue des terres palestiniennes.
Quant à Sayyed Nasrallah, il avait promis il y a un an que le désarmement du Hizbollah ne pouvait pas être discuté avec le gouvernement libanais - mais uniquement dans le cadre d’un ainsi-nommé « dialogue national ». Et à présent que le « dialogue national » a commencé, l’organisation a clairement fait savoir qu’elle n’avait pas l’intention de discuter de son désarmement avec les autres partis politiques libanais.
Les problèmes sont légion. Le Hizbollah est lui-même représenté au Parlement libanais et en vertu de l’accord de Doha qui a suivi la prise de contrôle militaire par le Hizbollah, en une seule journée, de Beyrouth-Ouest en mai 2008, il a également un droit de veto sur les décisions prises par la majorité du Conseil des ministres libanais.
Et même si les adversaires du Hizbollah chiite au sein du Cabinet - ils sont largement musulmans sunnites avec un important contingent chrétien - ordonnaient à l’armée libanaise de saisir les armes du mouvement, celle-ci serait incapable de le faire pour une raison simple. Au moins la moitié des membres de l’armée - peut-être les deux tiers - sont eux-mêmes musulmans chiites, et s’opposeraient bien évidemment à l’ordre d’attaquer les maisons de leurs frères, fils et pères qui appartiennent au Hizbollah.
Un indice de la gravité avec laquelle à présent tout le monde prend en compte la possibilité de la guerre, se révèle dans une remarque faite par un porte-parole américain anonyme qui a averti que le transfert de missiles Scud au Hizbollah constituerait un « risque sérieux » pour le Liban. Non pour Israël, vous remarquerez - mais pour le Liban. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’une allusion aux menaces faites fréquemment par les Israéliens eux-mêmes que dans une nouvelle guerre contre le Hizbollah, le gouvernement libanais serait tenu pour responsable, et qu’en conséquence les infrastructures du Liban seraient rasées.
Cela ne résonne pas au Liban comme ailleurs. Lors de sa dernière guerre du Liban - la cinquième depuis 1978 - les Israéliens ont accusé le gouvernement libanais d’être responsable de l’existence du Hizbollah et ils ont en conséquence détruit les routes du pays, les ponts, les viaducs, le réseau électrique et l’industrie civile, tout en massacrant plus de 1000 civils. Les victimes côté israélien se chiffraient par centaines, des soldats pour la plupart. Que peut faire de pire Israël désormais contre le Hizbollah, après les accusations de crimes de guerre portées contre la canaille impitoyable de son armée ?
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16 avril 2010 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/opinio...
Traduction : Nazem
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8576