« Elle joue un rôle essentiel dans la sécurité nucléaire », ont admis dans un communiqué commun les participants au sommet sur la sécurité nucléaire qui a eu lieu la semaine dernière à Washington, s’agissant de l’AIEA. Ils ont réaffirmé aussi leur appui à cette agence et une promesse de lui apporter davantage de contributions pour mettre en œuvre ses programmes visant à fournir des informations et des conseils ainsi que d’autres aides à ses Etats membres. Siégeant au 5 Wagramer Strasse, à Vienne, en Autriche, quel est exactement le rôle de cette agence ? Et dépendant directement du Conseil de sécurité des Nations-Unies, les travaux de cette agence sont-ils entravés et contrôlés par le veto américain quand il s’agit d’Israël ?
L’histoire de cette agence a commencé le 8 décembre 1953, quand le président Eisenhower a proposé, dans un discours intitulé « Atoms for peace » (l’atome au service de la paix), prononcé à l’Assemblée générale de l’Onu, la création d’une agence internationale de l’énergie atomique. Selon le Statut de l’AIEA, approuvé le 23 octobre 1956 par 81 pays, l’Agence a pour attributions « d’instituer et d’appliquer des mesures visant à garantir que les produits fissiles spéciaux et autres produits, les services, l’équipement, les installations et les renseignements fournis par l’Agence, à sa demande, sous sa direction ou sous son contrôle ne sont pas utilisés de manière à servir à des fins militaires ; et d’étendre l’application de ces garanties, à la demande des parties, à tout accord bilatéral ou multilatéral, ou à la demande d’un Etat, à telle ou telle des activités de cet Etat dans le domaine de l’énergie atomique ».
Elle entre officiellement en fonction le 29 juillet 1957. En 1968, avec la ratification du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP), l’AIEA devient le responsable de la surveillance de la bonne application du traité. Ce traité empêche les Etats signataires d’augmenter leur nombre d’armes nucléaires et pour ceux qui n’en ont pas de chercher à en avoir. Le rôle de cette agence devient de plus en plus actif, notamment suite aux chocs pétroliers dans les années 1970, plusieurs pays envisagent d’utiliser massivement l’énergie nucléaire pour leurs besoins énergétique. La catastrophe de Three Mile Island en 1979, et principalement celle de Tchernobyl en 1986, viennent apporter des réserves momentanées sur ces demande. Suite à ces catastrophes, l’AIEA augmente ses efforts dans le domaine de la sûreté nucléaire. En fait, l’AIEA poursuit cette mission avec diverses fonctions. Citons des inspections des installations existantes pour s’assurer d’un usage pacifique, informations et publications de standards pour la stabilité et la sûreté des installations nucléaires et le lien pour la recherche d’application et l’utilisation pacifique des technologies nucléaires.
L’AIEA en situation délicate
Malgré ce rôle, cette agence est fortement critiquée par les antinucléaires, accusant l’AIEA de favoriser la prolifération d’armes nucléaires via le développement du nucléaire civil. Ceux-ci voient que, si le but de cette agence est le développement de l’énergie nucléaire pour la production d’électricité dans tous les pays membres, la production de combustible militaire peut être effectuée, ou en tout cas facilitée, à partir de certains types de centrales nucléaires civiles. De plus, les inspections menées par l’agence rencontrent souvent de nombreux obstacles, ce qui l’empêche de contrôler parfaitement les activités de certains Etats. Certains pays comme l’Inde, Israël et le Pakistan se sont invités parmi les puissances nucléaires sans que l’AIEA ne puisse contrôler les programmes clandestins de ces pays non signataires du TNP.
Quant aux dossiers nucléaires de l’Iran et d’Israël, la partialité de cette agence est évidente. On remarque alors deux types d’AIEA : une AIEA sévère pour l’Iran, et une AIEA complaisant pour Israël. Mohamad ElBaradei, l’ancien président de l’agence, a récemment avoué que cette agence est « politisée malgré sa nature technologique ». Dans le dernier rapport de l’AIEA sur les activités iraniennes d’enrichissement, l’agence a fait, pour la première fois, état de ses inquiétudes concernant des activités en cours de l’Iran alors que dans les précédents rapports, il n’était question que d’activités passées. Selon le rapport, Téhéran a bien commencé à enrichir son uranium à un niveau élevé, soit 19,8 % dans son usine de Natanz, entre les 9 et 11 février. Et ce processus d’enrichissement a commencé sans attendre l’arrivée des inspecteurs de l’agence onusienne. Ce rapport a suscité la colère de Téhéran en dénonçant le « parti pris » du chef de l’AIEA, Yukiya Amano. « Il est évident qu’une partie de ce rapport répond à des recommandations et à l’influence d’éléments étrangers », dit Rafsandjan, ancien président iranien. Les Etats-Unis font déjà pression sur le Conseil de sécurité de l’Onu pour que celui-ci impose un quatrième train de sanctions à l’Iran, et ce rapport leur facilite bien cette affaire.
Une partialité évidente. Quand il s’agit d’Israël, l’agence croise les mains devant son arsenal atomique. En fait, le régime sioniste dispose d’un impressionnant arsenal nucléaire dans la région et développe, depuis un demi-siècle, un programme nucléaire militaire sans que l’Agence n’en ait le moindre contrôle. Une première dans l’Histoire, l’Assemblée générale de l’AIEA a voté, en septembre dernier, une résolution arabe appelant l’Etat hébreu à abandonner l’arme nucléaire. Depuis 1991, une telle résolution n’avait été adoptée à l’Agence internationale de l’énergie atomique contre Israël. Les pays occidentaux avaient toujours trouvé une majorité pour barrer la route à une résolution rappelant qu’Israël s’est doté de l’arme atomique. Mais toujours cette résolution n’est pas réactivée. Israël n’avait pas assisté à haut niveau à la Conférence internationale dans la crainte que les Etats arabes profitent de cette rencontre pour l’obliger à ouvrir ses installations nucléaires aux inspections de l’AIEA.
Aliaa Al-Korachi