Palestine Monitor
La première pollution est la présence israélienne en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. (ndt)
Il y a 121 colonies en Cisjordanie, hors Jérusalem-Est. Dans la plupart, la violence contre la population locale palestinienne est coutumière. Dans d’autres, cependant, c’est la pollution qui est le problème majeur. Une pollution par les eaux usées des colonies qui détruisent les cultures et les arbres, souillent le sol et les réserves d’eau potable, abîment la terre, nuisant à la faune et aux communautés qui en dépendant.
Palestine Monitor examine ci-dessous 3 cas.
Elqana
Elqana
Sur la route n° 5, au sud-est et près de Qalqilya, dans le nord de la Cisjordanie, descendant de la colonie israélienne d’Elqana, une canalisation déverse les eaux usées ménagères nauséabondes de la colonie dans la vallée palestinienne.
La terre est propriété d’agriculteurs de la ville palestinienne voisine d’Az Zawiya. Les eaux usées s’écoulent aussi dans une rivière utilisée comme source d’eau pour la ville.
Dans la montée, deux grands réservoirs indiquent l’emplacement de l’usine pour la clarification de l’eau en cours de construction. Cette usine qui est expérimentée par le ministère israélien de l’Infrastructure et la société d’Economie de l’Administration locale israélienne, devrait faire cesser l’écoulement des eaux usées. Mais ici il y a un problème : la station d’épuration se construit illégalement, non seulement au regard du droit international qui est carrément ignoré en Cisjordanie, mais aussi de la loi israélienne. Elle se construit sur deux dunums (2 000 m2) de terres palestiniennes expropriées.
Un panneau à Elqana détaille les travaux de construction sur la station d’épuration.
Traduction : « Le conseil local d’Elqana est heureux d’annoncer que le ministère de l’Infrastructure et la société d’Economie de l’Administration locale procèdent à la modernisation et à l’agrandissement de la station d’épuration d’Elqana. La construction de la station d’épuration est réalisée au profit des résidents. »
L’ONG israélienne Yesh Din est spécialisée dans la saisine des tribunaux israéliens contre les constructions illégales au regard de la loi israélienne, en Cisjordanie. Dans une situation semblable, il y a plus d’un an, où était impliquée la colonie d’Ofra, près de Silwad, l’ONG a déposé un recours devant un tribunal israélien pour faire arrêter la construction d’une usine de traitement de l’eau. L’usine était construite sans permis, sur une terre palestinienne expropriée illégalement, pour un coût de 8 ou 9 millions de NIS (nouveau shekel israélien - 1,6 à 1,8 million €).
La station d’épuration d’Elqana en cours de construction.
Le recours a été un succès, mais il a un coût. Depuis que la station d’épuration a été bloquée, construite à 90%, la colonie continue de laisser ses eaux usées se déverser sur la terre palestinienne, nuisant toujours à l’environnement et aux communautés locales. Ce cas met en lumière le difficile compromis entre pragmatisme et principes : laisser faire la construction illégale d’usines de clarification d’eau, ou laisser l’eau usée continuer de s’écouler sur la terre palestinienne.
Dans le cas d’Elqana, l’équipe de Yesh Din a d’abord consulté la communauté pour savoir si celle-ci voulait qu’un recours soit déposé. La communauté a opté pour le pragmatisme : laisser continuer une construction illégale, afin d’arrêter la pollution des eaux et d’assainir la terre palestinienne pour l’agriculture. Mais cela peut difficilement être appelé une victoire, car, en premier lieu, la terre n’aurait jamais dû être polluée. Ce sont les résidents d’Elqana qui ont tout à gagner avec une telle décision, ils y trouvent une légitimité dans le consentement de la ville d’Az-Zawiya à la construction.
Les eaux usées s’écoulent hors de la station d’épuration de Revava non terminée.
Elles descendent jusque dans la vallée voisine.
Elles descendent jusque dans la vallée voisine.
Ariel
La situation à Ariel, à l’est d’Elqana, est la même. La station d’épuration ici est opérationnelle, mais elle est mal entretenue, et elle est incapable de faire face à l’augmentation de la population de la colonie - d’environ 10 000 à plus de 16 000 colons - depuis sa construction, au début des années 1990.
De multiples sources polluent la vallée près de Salfit.
En outre, une canalisation venant de la zone industrielle voisine de Burkan libère les eaux usées industrielles et chimiques de ses différentes entreprises. Les règlements industriels sont beaucoup moins stricts en Cisjordanie qu’ils ne le sont en Israël, ce qui incite beaucoup d’entreprises à s’installer ici plutôt qu’en Israël.
La ville avait reçu, à un moment, entre 60 et 70 millions de NIS (12 à 14 millions €) du gouvernement allemand pour installer un système d’assainissement efficace. L’Autorité civile israélienne, qui contrôle les zones C de Cisjordanie, a insisté pour qu’Ariel soit raccordée à ce même système. Quand Salfit a refusé, elle fut contrainte par l’Autorité civile israélienne de rendre l’argent. Comme Ariel et Salfit ont abouti à une impasse, l’eau polluée continue de couler.
Vidéo : Les eaux usées s’écoulent d’Ariel et Salfit.
(Avec l’aimable autorisation de B’Tselem)
Revava
(Avec l’aimable autorisation de B’Tselem)
Revava
Revava est une autre colonie avec des infrastructures insuffisantes pour faire face au traitement des eaux usées qu’elle génère. Celles-ci s’écoulent vers une vallée à 1 500 ou 3 000 mètres de la colonie. Quand nous y sommes allés, cependant, la vallée était sèche. En visitant la colonie, un travailleur du bâtiment - ironie du sort, c’était un Palestinien, comme la plupart des travailleurs de la construction sur les colonies - nous a indiqué qu’il y avait un réservoir rempli d’eaux usées tout près de la colonie. Quand, périodiquement, il est rempli, on libère les eaux usées stockées en une seule fois.
Fondrières pleines d’eaux usées de la colonie de Revava.
En dépit de sa proximité de la colonie, la terre polluée est une oliveraie palestinienne. Le travailleur du bâtiment nous a informés que l’agriculteur palestinien qui possède la terre a renoncé à venir s’occuper de ses olives, l’été, en raison de l’odeur que les eaux usées dégagent et des moustiques qu’elles attirent.
Les eaux usées ménagères s’écoulent en plein milieu d’un chemin à la limite de Revava.
La station d’épuration de Revava est complètement envahie par les herbes.
Des déchets ménagers emportés par les eaux, abandonnés, sèchent à même le sol.
« La plus grande architecture »
« La question vraiment intéressante est de savoir comment l’occupation crée une réalité écologique insoutenable » dit Dror Etkes de Yesh Din. « Ce n’est pas un avant-poste à lui seul qui pollue avec ses eaux sales ».
Naturellement, du point de vue d’un agriculteur dont la terre est polluée ou qui en a été exproprié pour qu’on y construise une station d’épuration, son seul cas peut avoir de l’importance. « Mais la chose vraiment intéressante est l’architecture, la plus grande architecture qui bloque tout développement durable ».
Les colonies israéliennes sont construites dans le cadre d’une expansion accélérée de la colonisation. Les maisons sont souvent non encore terminées que les colons s’y installent - et ces maisons sont agrandies lorsque le couple a des enfants ou qu’il exige plus d’espace.
Comme dans la plupart des politiques israéliennes concernant les Territoires occupés, la préoccupation urgente est de créer des faits favorables à l’occupant sur le terrain, faits qui pourront être utilisés comme point d’appui pour régler des préoccupations juridiques. Dans le cas des eaux usées, les colonies commencent par les générer et les déverser à l’extérieur de la colonie ; ce n’est qu’après, quand il y a le temps et l’argent, qu’une station est construite.
De cette manière, ils ont plus de poids pour obtenir des usines illégales. Yesh Din a même été accusée par des associations de colons de ne pas se soucier de l’environnement, dont elle est censée s’occuper, en faisant fermer des usines illégales comme Ofra, aux dépens de l’environnement naturel. La véritable accusation, cependant, devrait toucher ces colonies dont l’entretien n’est pas efficace. (*)
Le panneau de la station d’épuration non terminée de la colonie d’Elqana affirme que « la construction de la station d’épuration est réalisée au profit des résidents ». Ceci devrait pouvoir se dire pour toutes les installations de ce type en Cisjordanie.
(*) Rappelons que si les avant-postes sont illégaux au regard de la loi israélienne, ce sont toutes les colonies côté palestinien de la Ligne verte, y compris à Jérusalem, qui sont illégales en vertu du droit international. La première pollution est la présence israélienne en Cisjordanie. (ndt)
22 avril 2010 - Palestine Monitor - Photos : Palestine Monitor - traduction : JPP