mardi 27 avril 2010

Amalek et l’Etat d’Israël

publié le lundi 26 avril 2010

Mohamed El Bachir

 
LEtat d’Israël vient de franchir un nouveau pas dans son comportement d’Etat hors la loi internationale.
Torpillées en quelques heures par l’annonce de la construction de 1600 logements dans Jérusalem -Est, les négociations israélo-palestiniennes indirectes, après 15 mois d’impasse - depuis la guerre à Gaza début 2009 - semblent déjà condamnées à l’échec. Cette annonce accompagne une autre mesure non moins importante, à savoir, l’inscription au patrimoine israélien du Tombeau de Rachel à Bethléem et du Caveau des patriarches à Hébron. Les injonctions des dirigeants occidentaux et en particulier ceux du Président Américain Obama n’ont rien changé à l’attitude intransigeante et méprisante des dirigeants israéliens. Au contraire, l’Etat d’Israël vient de franchir un nouveau pas dans son comportement d’Etat hors la loi internationale.
En effet, un ordre de l’armée, va permettre l’expulsion ou l’arrestation de dizaines de milliers de Palestiniens séjournant en Cisjordanie. Cet ordre vise notamment les Palestiniens détenteurs d’une carte d’identité avec une adresse dans la bande de Gaza, ou qui sont nés dans ce territoire, ainsi que leurs descendants. Le décret militaire du 13 octobre 2009 vise également les Palestiniens nés en Cisjordanie qui ont, pour diverses raisons, perdu leur statut de résident à la suite, par exemple, d’un séjour à l’étranger. En d’autres termes, l’Etat d’Israël met en place une politique de déportation, en cohérence avec le développement de la colonisation d’une grande partie de la Cisjordanie. La colonisation aggravée par de futures déportations massives, si on se réfère au décret militaire, préfigure l’Etat palestinien tel que le conceptualisent les responsables politiques et militaires israéliens. Interrogé par le journal Le Monde (9/03/10), le Président israélien, Shimon Pérès, donne un aperçu de l’Etat palestinien tel que le mur est entrain de le configurer. A la question du journaliste Laurent Zecchini, « « mais la Cisjordanie représente 12 % de la Palestine historique, contre 22 % en 1967 ». De quel Etat s’agit-il ? », le Président israélien Shimon Pérès affirme que « Ce n’est pas la question de la taille d’un Etat qui compte, mais le niveau de son développement. La viabilité d’un Etat dépend de la modernité de son économie, pas de son agriculture ni de sa terre. Nous ne sommes pas fous : nous ne voulons pas avoir un Etat palestinien qui souffrirait. Nous voulons un Etat palestinien heureux, indépendant et qui nous respecte. »
Pour compléter la définition de « viabilité d’un Etat » selon Shimon Pérès, il faut ajouter l’autonomie administrative et économique sous tutelle que l’Etat d’Israël est disposé à accorder aux palestiniens.
Face à cela, la Communauté Internationale ne fait rien pour contrecarrer la judaïsation de la Cisjordanie. Tout indique qu’à l’ombre de la diplomatie internationale, la Judée- Samarie est entrain de naître sur 60% de la Cisjordanie. Une naissance qui fera de l’avènement d’une Palestine souveraine, une chimère. En dernière analyse, l’Etat d’Israël est sur la voie de parachever l’avènement du « Royaume biblique d’Israël » en annexant Jérusalem-Est et la “Judée- Samarie” . C’est une question de temps. C’est pour cela que l’Etat d’Israël sabote toute initiative diplomatique. Elle discrédite ainsi l’Autorité Nationale Palestinienne et par là même, marginalise le droit international, tout en présentant le Hamas comme l’ennemi irréductible. Le but est de transformer le conflit israélo-palestinien en un conflit religieux. Cela sert doublement l’Etat d’Israël : légitimer son propre discours religieux et aiguiser les contradictions inter- palestiniennes. Dans un tel contexte, la politique de développement économique en Cisjordanie, du Premier Ministre Palestinien Salam Fayed- louée par les responsables européens et américains- tout en améliorant les conditions de vie des palestiniens, joue le jeu israélien. A son corps défendant, la politique de Salam Fayed corrobore d’une certaine manière la réponse de Shimon Pérès au journal Le Monde. Il va sans dire que la persistance de deux autorités palestiniennes, dans la bande de Gaza, et en Cisjordanie, favorise les desseins israéliens. La sécurité d’Israël étant l’alpha et l’oméga de toute politique occidentale dans cette région, rien ne sera entreprit qui affaiblirait cet Etat. Une fois de plus, tout semble démontrer que la question palestinienne est, pour les chancelleries occidentales, une monnaie d’échange dans leurs relations avec les pays arabes et non une question existentielle du peuple palestinien. Une monnaie qui sert à gagner le soutien des dirigeants arabes face à l’Iran. Le nucléaire iranien étant la priorité des priorités du gouvernement israélien. Sur ce point, Shimon Pérès éclaire les intentions d’Israël et des alliés occidentaux dans l’entrevue accordée au journal Le Monde. A la question : « Le Proche-Orient fait-il face à de nouveaux dangers ? », le Président Israélien confirme que : « Oui, car nous sommes confrontés à de nouvelles ambitions. Les Perses veulent de nouveau contrôler le Proche-Orient. Que ce soit pour des motifs religieux importe peu... »
Concernant les pays arabes, le Président ajoute « … La plupart des Arabes en sont profondément préoccupés. Ils ont peur d’une agression de l’Iran, et ils ne savent pas quoi faire... Israël n’est plus le principal problème pour eux, c’est l’Iran, qui utilise le conflit israélo-arabe comme une excuse pour ses ambitions...Ils ne le diront jamais ouvertement bien sûr. Mais aujourd’hui, les contacts secrets sont plus importants que les contacts diplomatiques. L’Iran a aujourd’hui deux agences de terreur : le Hezbollah et le Hamas. Ils ont divisé le Liban et divisé les Palestiniens. Le Hezbollah ne permet pas au Liban de revenir vers la paix, et le Hamas - pas nous ! - ne permet pas aux Palestiniens d’avoir un Etat.. ».
D’une part, Shimon Pérès décline toute responsabilité israélienne quant à l’impasse dans laquelle se trouvent les négociations avec les palestiniens et écrit l’agenda de la diplomatie occidentale dans le Proche-Orient, d’autre part. C’est pour toutes ses raisons qu’il est légitime de poser la question suivante : L’Etat d’Israël veut-il la paix ?
Perses au lieu de Iraniens, le choix du terme n’est pas anodin dans la bouche de Shimon Pérès. L’affirmation présidentielle concernant « les perses » traduit en langage laïc et plus diplomatique, la déclaration du Premier ministre israélien Benyamin Netannyahou à Auschwitz, le 28 janvier 2010 : « Nous nous souviendrons toujours de ce que nous a fait l’Amalek nazi, et nous n’oublierons pas de nous tenir sur nos gardes face au nouvel Amalek qui apparaît au devant de l’histoire, et menace à nouveau d’exterminer les juifs. Nous ne prendrons pas les choses à la légère en nous faisant croire qu’il s’agit d’intimidations en l’air. »
Le terme « Perses » resitue la question existentielle israélienne dans le mythe biblique. Le concept “sécurité”, constant dans le discours politique israélien, trouve sa racine dans la Bible avec le “Amalek antique”. Pour Shimon Pérès et Benyamin Netannyahou, le « nouvel Amalek » est « la Perse qui de nouveau veut contrôler le Proche-Orient ». Mais qui est le « Amalek biblique ? »
Dans le Deutéronome, XXV 17-19, il est écrit : « Souviens-toi de ce que t’a fait Amalek, sur le chemin, à votre sortie d’Egypte. Il te rencontra en chemin, démembra tous les gens affaiblis sur tes arrières ; toi, tu étais las et épuisé, et lui ne craignait pas Dieu. Ce sera lorsque le Seigneur ton Dieu t’aura donné le repos de tous tes ennemis alentour, dans le pays que le Seigneur ton Dieu te donne en héritage pour l’occuper, tu effaceras le souvenir d’Amalek de dessous les cieux, ne l’oublie point. ...Lorsque Moïse tenait ses mains levées, Israël l’emportait, et quand il les laissait retomber, Amalek l’emportait. » Amalek est donc le roi du peuple ayant attaqué, à Refidim, les enfants d’Israël à leur sortie d’Egypte, et dont, selon la Bible, un descendant Perse, Haman, conseiller du roi Perse Xerxès I - dit Assuérus – (485 à 465 avant J.C), avait projeté d’exterminer tous les juifs du royaume. Mis au courant par Esther, fille adoptive du Juif Mardochée et femme de l’Empereur Perse, Xerxès I mit fin à l’entreprise d’aman et le destitua. Enfin, selon la bible, Amalek est polymorphe.
Dans les discours des milieux politico-religieux, notamment chez les colons, Amalek est toujours présent. Ce qui signifie que le peuple israélien et la population juive, en général, « doit se souvenir et ne doit pas oublier » qu’elle est sous une perpétuelle menace. Pour Israël, le danger est indéfini et l’adversité permanente. « ... Le particularisme d’Israël n’est plus dans “l’élection”, ni même dans l’impunité (héritage de la mauvaise conscience de l’Europe), mais avant tout dans l’adversité, dans le besoin d’adversité. » [1] On est tenté d’ajouter que l’Etat d’Israël se nourrit de l’adversité. C’est pour cela qu’elle l’entretient.
[1] article : Israël, le syndrome d’Amalek, Salah Guemriche
20/04/2010
publié par Le Grand Soir