Par Christian Merville | 27/04/2010
Le pointL'analyse prête à sourire aujourd'hui. À l'époque, elle avait suscité quelques froncements de sourcils et pas mal de récriminations de part et d'autre. La date : juin 2007. Les acteurs : George W. Bush et Ehud Olmert, alors Premier ministre. Le lieu : la Maison-Blanche. Le Hamas vient de gagner la « bataille de Gaza » d'où le Fateh est expulsé. En janvier de l'année précédente, l'organisation créée par cheikh Ahmad Yassine avait remporté haut la main les élections législatives, avec 76 sièges sur 132 contre 43 à son rival. Le président américain et son visiteur passent en revue la situation née de ce véritable coup d'État et aboutissent à une conclusion pour le moins ahurissante : « Une nouvelle occasion ("window of opportunity") se présente au monde. » Comment ? On est prié de suivre le cheminement de l'implacable logique des deux hommes : l'éclatement du gouvernement palestinien péniblement mis en place dans la foulée des réunions de La Mecque, en mars, permettra de consentir des concessions majeures à Mahmoud Abbas, ce qui accroîtra son prestige aux yeux de ses concitoyens et renforcera sa position face à son adversaire islamiste. Mais alors pourquoi avoir, des années durant, encouragé la montée en puissance de l'islam radical dans les territoires occupés1 ? Personne, pour l'heure, ne veut le dire.
Pour la petite histoire, on retiendra que jamais autant d'échecs patents n'auront débouché sur d'aussi nombreuses « nouvelles occasions », toutes ratées, bien entendu. Passons.
La vérité, que nul ne veut avouer et les principaux intéressés encore moins que les Américains ou l'Union européenne - pour des raisons évidentes - est que tous les dirigeants sionistes sont d'accord pour refuser l'idée même d'un État palestinien. Tout au plus seraient-ils favorables, sous de strictes conditions, à l'aménagement de quelques enclaves (ou bantoustans). Il s'agit, la formule est de l'ancien chef d'état-major Moshe Ya'alon, d'« ancrer profondément dans l'esprit des Palestiniens l'idée qu'ils constituent un peuple vaincu ». Dès lors, Benjamin Netanyahu peut clamer à chaque chant du coq qu'il veut, tout comme les Américains, « enclencher immédiatement un dialogue de paix » ; l'émissaire US George Mitchell peut insister, à chacune de ses navettes dans la région, sur l'aspect « productif et positif » de ses entretiens, ils ne sont pas nombreux ceux qui y croient. Pas plus qu'il ne se trouve des optimistes à tout crin pour imaginer que le temps travaille en faveur d'une solution pacifique de la crise. Après tout, depuis soixante-deux ans que cela dure, la crise n'a fait qu'empirer, et dix-sept années de négociations en pointillé n'ont abouti qu'à une drôle de paix en ligne continue.
Les signes d'une détérioration de la conjoncture, lente mais de plus en plus nettement perceptible, se multiplient. C'est un ancien ambassadeur américain, Martin Indyk, qui tire la sonnette d'alarme, relevant l'absence d'Israël au sommet convoqué la semaine dernière par Barack Obama et consacré à l'examen des ambitions nucléaires iraniennes parce que, écrit-il, il voulait éviter de voir les participants soulever la question de l'arsenal israélien. À propos, celui-ci, à en croire la publication anglaise spécialisée Jane's Intelligence Review, compte quelque 400 bombes d'une puissance d'ensemble de 50 mégatonnes, soit 3 850 bombes d'Hiroshima. C'est aussi le journaliste Roger Cohen qui relève la fixation que fait l'actuel gouvernement sur la montée en puissance de l'Iran et de ses deux protégés régionaux, le Hamas et le Hezbollah.
C'est enfin Yossi Alpher, ancien directeur du centre Jaffee des études stratégiques de l'université de Tel-Aviv, qui se dit inquiet de la montée en puissance de la droite, alors que la gauche, elle, a pratiquement disparu, victime de ses mauvais paris. Il note au passage qu'à la Knesset, un projet vient d'être approuvé en première lecture exigeant de toute ONG bénéficiant de subsides de l'extérieur de déclarer être « agent de l'étranger » pour peu qu'elle cherche à influencer un organisme officiel ou même l'opinion publique.
Le résultat, assez inattendu, on l'avouera, est que le « danger » iranien se trouve relégué au second plan, remplacé par la crise avec Washington. C'est cher payé un projet d'habitations dans la partie arabe de Jérusalem.
Deux généraux, James L. Jones, conseiller à la sécurité nationale, et David H. Petraeus, chef du CentCom, rejoints en cela par le secrétaire à la Défense Robert M. Gates, sont convaincus que le conflit arabo-israélien met en danger les intérêts de l'Amérique dans le monde. Et, mieux que les diplomates peut-être, ils sont bien placés pour en juger.
Pour la petite histoire, on retiendra que jamais autant d'échecs patents n'auront débouché sur d'aussi nombreuses « nouvelles occasions », toutes ratées, bien entendu. Passons.
La vérité, que nul ne veut avouer et les principaux intéressés encore moins que les Américains ou l'Union européenne - pour des raisons évidentes - est que tous les dirigeants sionistes sont d'accord pour refuser l'idée même d'un État palestinien. Tout au plus seraient-ils favorables, sous de strictes conditions, à l'aménagement de quelques enclaves (ou bantoustans). Il s'agit, la formule est de l'ancien chef d'état-major Moshe Ya'alon, d'« ancrer profondément dans l'esprit des Palestiniens l'idée qu'ils constituent un peuple vaincu ». Dès lors, Benjamin Netanyahu peut clamer à chaque chant du coq qu'il veut, tout comme les Américains, « enclencher immédiatement un dialogue de paix » ; l'émissaire US George Mitchell peut insister, à chacune de ses navettes dans la région, sur l'aspect « productif et positif » de ses entretiens, ils ne sont pas nombreux ceux qui y croient. Pas plus qu'il ne se trouve des optimistes à tout crin pour imaginer que le temps travaille en faveur d'une solution pacifique de la crise. Après tout, depuis soixante-deux ans que cela dure, la crise n'a fait qu'empirer, et dix-sept années de négociations en pointillé n'ont abouti qu'à une drôle de paix en ligne continue.
Les signes d'une détérioration de la conjoncture, lente mais de plus en plus nettement perceptible, se multiplient. C'est un ancien ambassadeur américain, Martin Indyk, qui tire la sonnette d'alarme, relevant l'absence d'Israël au sommet convoqué la semaine dernière par Barack Obama et consacré à l'examen des ambitions nucléaires iraniennes parce que, écrit-il, il voulait éviter de voir les participants soulever la question de l'arsenal israélien. À propos, celui-ci, à en croire la publication anglaise spécialisée Jane's Intelligence Review, compte quelque 400 bombes d'une puissance d'ensemble de 50 mégatonnes, soit 3 850 bombes d'Hiroshima. C'est aussi le journaliste Roger Cohen qui relève la fixation que fait l'actuel gouvernement sur la montée en puissance de l'Iran et de ses deux protégés régionaux, le Hamas et le Hezbollah.
C'est enfin Yossi Alpher, ancien directeur du centre Jaffee des études stratégiques de l'université de Tel-Aviv, qui se dit inquiet de la montée en puissance de la droite, alors que la gauche, elle, a pratiquement disparu, victime de ses mauvais paris. Il note au passage qu'à la Knesset, un projet vient d'être approuvé en première lecture exigeant de toute ONG bénéficiant de subsides de l'extérieur de déclarer être « agent de l'étranger » pour peu qu'elle cherche à influencer un organisme officiel ou même l'opinion publique.
Le résultat, assez inattendu, on l'avouera, est que le « danger » iranien se trouve relégué au second plan, remplacé par la crise avec Washington. C'est cher payé un projet d'habitations dans la partie arabe de Jérusalem.
Deux généraux, James L. Jones, conseiller à la sécurité nationale, et David H. Petraeus, chef du CentCom, rejoints en cela par le secrétaire à la Défense Robert M. Gates, sont convaincus que le conflit arabo-israélien met en danger les intérêts de l'Amérique dans le monde. Et, mieux que les diplomates peut-être, ils sont bien placés pour en juger.
(1) Le grand aveuglement : Israël et l'irrésistible ascension de l'islam radical, par Charles Enderlin - éd. Albin Michel