jeudi 4 mars 2010

Ouverture de la première session du Tribunal Russell sur la Palestine à Barcelone

publié le mercredi 3 mars 2010

TRP

 
Dans l’imposante « Sala d’Actes de l’Illustre Collegi d’Advocats de Barcelona » s’est ouverte ce lundi 1er mars 2010 la première session du Tribunal Russell sur la Palestine. Du 1er au 3 mars, experts et témoins vont mettre en évidence les manquements de l’Union européenne par rapport à l’application des règles du droit international par l’Etat d’Israël, puissance occupante de la Palestine.
A la séance d’ouverture, Pierre Galand, ancien sénateur belge, président de ECCP (European coordination of comitees over Palestine) présenta les objectifs de ce tribunal d’opinion et son président d’honneur, Stephane Hessel, Ambassadeur de France et co-rédacteur de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. 
Celui-ci exprima son plaisir de se trouver à Barcelone, ville qui a montré son attachement au droit international et à la paix pour y vivre une expérience remarquable se situant dans le sillage de Bertrand Russell qui mis sur pied le premier tribunal d’opinion dédié au Vietnam afin que ce pays bénéficie de la paix. « Nous sommes dans une situation comparable : nous sommes scandalisés de la façon dont les Palestiniens subissent de telles destructions et que les pays qui devraient défendre le droit international ne font pas respecter, pour la Palestine, les droits imprescriptibles figurant dans les textes internationaux. Nous agissons au nom du droit de chaque individu de faire pression sur les instances internationales afin de mettre en œuvre les mesures pour faire appliquer la paix mais aussi les sanctions envers ceux qui n’appliquent pas le droit et violent les prescriptions des Nations unies. Nous ne pouvons laisser impunis ceux qui violent ces droits. »   Plusieurs personnalités [1] ont lu le long « réquisitoire » détaillant les violations des règles du droit international, perpétrées par Israël depuis 1948 dans les territoires occupés. Une politique visant avant tout à priver le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination, un « Droit acquis de haute lutte par les peuples colonisés », signé Hocine Ouazraf, rédacteur de ce rappel des textes juridiques et déclarations politiques qui fondent le droit international.   Pierre Galand présenta ensuite l’organisation du tribunal et les nombreux appuis dont il bénéficie et notamment celui de la municipalité de Barcelone qui a soutenu cette session malgré les pression dont elle a fait l’objet et le soutien des comités nationaux d’appui, des nombreuses organisations et des particuliers qui ont financé ce tribunal afin qu’il soit parfaitement indépendant sur le plan financier.  Il souligna le souci exprimé par le président européen M. Van Rompuy concernant la Palestine et son ouverture vis-à-vis de la société civile et ce travail de l’opinion publique qui pourra aider les Etats à trouver une solution pour la Palestine et Israël. Pierre Galand rappela les principes qui fondent le travail, du tribunal : la coexistence de deux Etat, la reconnaissance de deux peuples. Une solution est donc possible, dit-il, grâce à la mobilisation des opinions publiques comme ce fut le cas lors de la guerre du Vietnam, contre les dictatures en Amérique latine, contre le régime d’apartheid. Ce sont les mobilisations de l’opinion publique qui ont pu rétablir les droits fondamentaux des peuples et la construction d’Etats nationaux. Une mobilisation qui se poursuivra pendant les sessions suivantes du tribunal qui se tiendront dans d’autres pays pour se pencher sur d’autres violations du droit international frappant le peuple palestinien.     
Un jury de réputation internationale
Le jury est composé de personnalités de premier plan au niveau mondial : Michael Mansfield (avocat britannique), Gisèle Halimi (France, présidente de la commission d’enquête du tribunal Russell sur les crimes de guerre internationaux au Vietnam), José Antonio Martin Pallin (juge à la Cour suprême espagnole), Ronald Kasrils (leader anti-apartheid et ancien ministre d’Afrique du Sud), Mairead Corrigan-Maguire (Irlande du Nord, lauréate du prix Nobel de la Paix 1976), Cynthia McKinney (USA, ancienne membre du Congrès et candidate présidentielle pour le Green Party), Aminata Traoré (Mali, militante pour les droits humains, écrivaine et ancienne ministre), Alberto San Juan (espagnol, acteur et militant pour les droits humains), Arcadi Oliveres (Espagne, professeur d’économie à l’université autonome de Barcelone et militant pour la justice sociale et la paix), Juan Guzman Tapia (Chili, juge retraité, n’était pas présent lors de cette session mais siègera lors des sessions suivantes du tribunal).   
Les six points portés devant le tribunal
Ce jury, lors de cette session, devra se prononcer sur les manquements de l’Union européenne à ses obligations de faire respecter la loi internationale sur les six points suivants : 
-  le droit à l’autodétermination du peuple palestinien,
-  le blocus de Gaza et l’opération « Plomb fondu »
-  le droit du peuple palestinien à la pleine souveraineté sur ses ressources naturelles,
-  l’annexion de Jérusalem-est par Israël
-  la construction du Mur par Israël dans les territoires palestiniens occupés
-  les accords signés entre l’union européenne et l’Etat d’Israël.
Le droit à l’autodétermination du peuple palestinien
Durant cette première journée, neuf témoins et experts ont détaillé les trois points suivants : le droit à l’autodétermination du peuple palestinien, l’annexion de Jérusalem-est, les colonies et le pillage des ressources naturelles.
Ainsi, l’Algérien Madjid Benchikh, professeur émérite à l’Université de Cergy-Pontoise (Paris Val d’Oise), ancien doyen de la Faculté de droit d’Alger, expliqua que la mise en échec du droit à l’autodétermination du peuple palestinien n’aurait sans doute pas connu le succès si plusieurs grandes puissances dont l’UE, n’avaient pas choisi de soutenir Israël et de sauvegarder son impunité. Il rappela l’importance de la résolution 242 du Conseil de sécurité qui interdit le recours à la force et en tire les conséquences en demandant le retrait d’Israël des territoires occupés par la guerre de juin 1967 ; cette même résolution 242 doit servir de base pour déterminer l’assiette territoriale de l’Etat palestinien. Le droit à l’autodétermination doit dès lors s’exercer sur les territoires palestiniens de Cisjordanie y compris Jérusalem-Est et sur la bande de Gaza, tels que tous ces territoires étaient configurés avant la guerre de juin 1967.
Cette position a toujours été affirmée par l’Union européenne. Cependant, l’UE n’a pas mis en œuvre ses moyens diplomatiques et politiques pour faire respecter le droit international. Bien plus, en prônant le rehaussement de ses relations avec Israël, elle encourage cet Etat dans son recours à la force pour occuper et exploiter des territoires qui ne lui appartiennent pas. L’Opération « Plomb durci » à Gaza en fut la conséquence.
Tout en reconnaissant la réalité des violences, des crimes de guerre et contre l’humanité perpétrés par Israël, « aucune initiative n’est sérieusement avancée par l’UE, ou par la France ou le Royaume Uni de Grande Bretagne, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité et en tant que membre influent du Quatuor, pour décider des sanctions contre les agressions perpétrées contre le peuple palestinien. », explique M. Benchikh. Ceci implique donc une responsabilité, souligne l’expert. « En faisant passer la sécurité d’Israël avant le droit international on fait payer au peuple palestinien des crimes qu’il n’a jamais commis ! », conclut-il.
Quelle solution apporter à cet état de fait ? Il est possible d’engager un processus pour stopper les violations du droit international en réunissant le Conseil de sécurité et mettre à l’ordre du jour ce droit du peuple palestinien à l’autodétermination. Il y a des précédents lorsque cela menace la paix et la sécurité internationale. Or, le bombardement de Gaza le justifie. De plus, les violations des accords d’association EU-Israël, dont les points liés aux droits de l’homme, justifient aussi des mesures de rétorsion. Enfin, il faut continuer avec à lutter avec la société civile afin de faire pression sur les pays membres de l’UE pour mettre à l‘ordre du jour les sanctions et les réparations nécessaires en faveur des Palestiniens.
Un deuxième expert, l’Espagnol David Bondia, s’attacha à démontrer si Israël est oui ou non coupable de crime d’apartheid. Celui-ci est défini comme « des actes inhumains commis dans le contexte d’un régime institutionnalisé ou de l’oppression systématique et la domination par un groupe racial sur n’importe quel autre groupe et commis dans l’intention de maintenir ce régime. »
Point par point, l’expert démontra que cet Etat est bien responsable du crime d’apartheid : en assassinant de manière ciblée des militants palestiniens, en restreignant la liberté de circuler, en démolissant des maisons et des infrastructures ce qui inflige des dommages physiques et moraux aux populations vivant dans les territoires occupés, en torturant des prisonniers palestiniens, adultes et enfants, par des arrestations arbitraires et illégales (les détentions administratives prolongées même pour des personnes de moins de 18 ans), la fermeture des frontières de Gaza empêchant l’approvisionnement en médicaments, en nourriture et condamnant ainsi la population à la famine… Selon l’expert, tout le système légal israélien vise à créer la ségrégation entre les populations palestiniennes et israéliennes en favorisant les juifs par rapport aux arabes palestiniens, en interdisant le retour des réfugiés sur leurs terres et d’y jouir de leur nationalité. L’Etat occupant a détruit l’infrastructure économique palestinienne, bloque les exportations, rend les Palestiniens dépendant plus que jamais de l’aide internationale et empêche les travailleurs de gagner leur vie en Israël. Enfin, Israël persécute et impose des restrictions aux opposants à ce régime de ségrégation et à ceux qui dénoncent les violations des droits humains, il interdit les manifestations de ceux qui s’opposent au Mur et à toutes les discriminations en matière de terre, d’eau et d’infrastructure.
L’expert souligne le silence consternant de l’Union européenne et de ses Etats membres qui ne dénoncent pas ce crime d’apartheid et donc s’en rendent complices et permettent sa perpétuation. Or, la société civile réclame l’application du droit international. Les Etats devraient s’en inspirer. Des possibilités juridiques s’ouvrent également : ainsi la révision du traité concernant le Tribunal pénal international dont la Palestine pourrait devenir membre et aussi l’application de la loi sur la juridiction internationale et enfin les mesures de boycott et de désinvestissement économique sur des produits provenant de zones de violations de droits humains et d’apartheid.
Pour clôturer la matinée, la parole a été donnée à Daragh Murray (Irlande/Palestine), avocat au Centre palestinien pour les Droits de l’Homme. Il remplace Rajiv Surani qui n’a pu quitter Gaza à cause du blocus israélien. Il souligne que le silence de la communauté internationale permet à Israël de perpétrer ses crimes. Pourquoi la population de Gaza est-elle privée de ses droits élémentaires ? La fermeture illégale de la bande de Gaza, la violation du droit de disposer des ressources naturelles et enfin, le refus du droit à une nationalité propre. La dignité humaine est un choix mais comment avoir le choix lorsque les commerces doivent fermer leurs portes, lorsque les étudiants n’ont plus droit à l’école, lorsque les ressources naturelles sont inaccessibles et que l’on dépend entièrement de l’aide internationale ? Les Palestiniens ne disposent pas de carte d’identité, pas d’existence propre, Israël les soumet à un régime sans précédent en violation claire au droit humanitaire. Et le témoin de dresser le portrait catastrophique de la situation des habitants de Gaza, plongés dans le dénuement le plus total à cause du blocus. Le droit à l’autodétermination est violé par Israël de manière cohérente ; tant que l’occupation continuera les droits humains seront bafoués.
Ainsi les assassinats extrajudiciaires (plus de 700 personnes depuis 2001) sont une habitude chez Israël. Or, les Etats ne réagissent pas. Le fait que des passeports européens aient été détournés par Israël est une opportunité pour les gouvernements européens de réagir. Se pose aussi la question de l’utile réforme des Nations unies… Gaza est un précédent dangereux et ne pas réagir est périlleux pour tous.   
L’annexion de Jérusalem-Est   
L’annexion de Jérusalem-Est fut le thème de l’intervention de la palestinienne Ghada Karmi. L’ experte décrivit les formes prises par la colonisation israélienne dans Jérusalem-Est : colonisation politique en faisant de la ville la capitale d’Israël, colonisation physique avec la démolition de maisons arabes remplacées par des colonies juives, changement démographique par des politiques de judaïsation en limitant le droit de résidence des habitants arabes, en limitant leurs droits, en ne leur donnant pas de permis de construire. Ainsi, une population 100 pc arabe en 1967 est passée à 30 pc ! Même l’archéologie a servi cette politique par des fouilles extensives dans la vieille ville et à Silwan afin de prouver la présence historique juive de ces sites. Ces fouilles menacent les fondations des sites islamiques anciens et menacent de détruire les traces historiques des périodes islamiques et pré-islamiques.
Des colonies et l’extension du Mur ont privé les Palestiniens de parties considérables de leur territoire. Et la restriction sévère de la mobilité des Palestiniens les coupe de ce qui fut un centre majeur de la vie palestinienne.
Or, tout en rappelant le droit et en condamnant maintes fois ces agissements, l’Union européenne n’a jamais exercé de véritables pressions ni sanctions contre l’Etat d’Israël et n’a jamais demandé réparation des destructions des installations qu’elle avait financé. Au contraire, elle a renforcé ses liens politiques, économiques et scientifiques avec cet Etat, se rendant ainsi complice de ses violations des lois internationales.  Cette première session s’est terminée par la question des colonies et le pillage des ressources naturelles, évoquée par l’Irlandais James Phillips, expert et par Michael Sfard (israélien et témoin) ainsi que le témoin Charles Chamas.
La deuxième journée de la session devait répondre aux questions suivantes : les accords d’association EU-Israël, le blocus de Gaza et l’opération « plomb durci », le mur construit dans les territoires palestiniens occupés. 

[1] Felicia Langer (Allemagne), Bruno Kreisky (Allemagne), Vicky Pena (Espagne), Gustave Massiah (France), Pilar Sampietro (Espagne), Luis Llach (Espagne).
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