lundi 1 mars 2010

Beyrouth fait l’impasse sur les injonctions de Clinton à Damas

Par Khalil FLEYHANE | 01/03/2010
Dans les coulisses de la diplomatie
Secrétaire d'État US, Hillary Clinton presse Damas de cesser ses immixtions dans les affaires intérieures libanaises. Elle lui enjoint, en outre, de mettre un terme à la livraison, comme à la transmission, d'armes au Hezbollah. En soulignant que ces deux questions indisposent fortement Washington.
Concerné au premier chef, le Liban officiel ne réagit nullement à cette sortie. Plus remarquable encore, on n'enregistre aucune réaction de la part des prosyriens du cru.
Ces derniers font du reste écho, si l'on peut dire, au président syrien, Bachar el-Assad, qui n'a pas du tout commenté les propos de Clinton concernant le Liban. Alors qu'il lui a répondu de se mêler de ce qui la regarde, quand elle avance que la Syrie doit se démarquer de l'Iran. Ajoutant qu'il n'en fera rien, bien au contraire. Pour conclure, sur un ton sarcastique, que c'est bien plutôt de la secrétaire d'État qu'il compte s'éloigner... Cela au moment où il tenait sommet, chez lui, avec Ahmadinejad, pour bien montrer ce qu'il en est. Les deux présidents décidant, de plus, d'abolir les visas entre leurs deux pays. Afin, selon leurs termes conjoints, « de renforcer les liens et les intérêts communs intéressant les deux peuples ».
On aura noté, par ailleurs, que Clinton n'a pas évoqué la reprise des négociations israélo-syriennes indirectes cornaquées par la Turquie. Selon des diplomates, ce serait parce que pour le moment sa priorité va à des pourparlers palestino-israéliens rapprochés bien que, de son propre aveu, cela semble difficile.
En marge du silence du pouvoir libanais, et en privé, des responsables locaux se demandent s'il est bien opportun, de la part de Clinton, de semoncer la Syrie au moment où ce pays amorce une amélioration de ses rapports officiels avec le Liban. Cela après la visite du président du Conseil libanais, Saad Hariri, à Damas. Où, comme il le répète, il a voulu surtout consacrer le principe de relations fraternelles, mais d'État à État, par le biais des institutions. Ces cadres ajoutent que Clinton a tout l'air de considérer la mise en place de relations diplomatiques libano-syriennes comme un simple coup d'épée dans l'eau. Cela pour estimer qu'il doit y avoir anguille sous roche, du côté de Washington, d'autant que Clinton s'est exprimée devant la commission du Sénat chargée de l'octroi des crédits...
Pour ces sources, Clinton a créé un climat qui va rendre la mission de Robert Ford, le nouvel ambassadeur américain envoyé à Damas après cinq ans de rupture, extrêmement compliquée. Elles ajoutent que la prise de position de Clinton risque d'affecter le volet de ces rapports libano-syriens que certains autres interlocuteurs occidentaux, la France notamment, pensent en voie de normalisation. Tout comme l'Arabie saoudite d'ailleurs. Avec l'espoir de voir le tracé des frontières, surtout à Chebaa, prendre enfin corps, ainsi que le démantèlement des bases palestiniennes hors camps. En même temps que le désarmement de petits camps palestiniens qui n'ont pas de population civile, comme le camp de Riit dans la Békaa.
Les responsables libanais cités mettent en garde contre le péril d'une perte de confiance au sein du gouvernement. En indiquant que Saad Hariri a formulé une mise en garde claire et franche à ce propos lors du dernier Conseil des ministres. Ils soulignent qu'il faut traiter sans tarder ce début de méfiance, pour consolider l'immunité du pays face aux redoutables développements extérieurs. Avec un risque certain d'attaque israélienne contre le Liban. Ce que le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, confirme indirectement en qualifiant la situation qui prévaut actuellement au Liban-Sud de « bien précaire ». En pressant les Libanais de se retrouver sans tarder à la table de dialogue national dirigée par le président Michel Sleiman, pour établir une stratégie de défense réglant la question de l'armement de la Résistance.