dimanche 28 février 2010

Produits des colonies : Dans le doute, les droits sont dus

publié le samedi 27 février 2010
Gilles Milecan
 
Les produits originaires des colonies israéliennes en Cisjordanie ne peuvent bénéficier du régime douanier accordé aux produits israéliens. L’arrêt de la Cour est politiquement sensible.
Avant de rendre une décision sur le fond, une juridiction financière allemande a posé, le 1er septembre 2008, une question préjudicielle à la Cour européenne de justice. Il s’agissait pour le Finanzgericht de Hambourg de se faire préciser quels sont les tarifs douaniers à appliquer à des marchandises originaires des colonies israéliennes en Cisjordanie.
En effet, deux accords commerciaux distincts pouvaient être pris en compte. Celui qui lie, depuis 1995, les Communautés européennes, leurs Etats membres et Israël ou celui conclu en 1997 par la Communauté européenne et l’OLP agissant pour le compte de l’Autorité palestienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Ces deux accords prévoient une exemption de droits de douane pour les produits industriels. Condition posée : une collaboration de l’exportateur pour déterminer l’origine exacte des produits bénéficiant du régime préférentiel. Pas question en effet d’importer en Europe des marchandises produites ailleurs sans payer les droits de douane qui seraient dus s’ils venaient en ligne directe du pays producteur.
La firme allemande Brita entendait donc voir appliquer cette réglementation favorable aux marchandises que son fournisseur, dont le site de production est implanté à Mishor Adumin, en Cisjordanie, à l’est de Jérusalem, lui vendait.
Pour bénéficier d’un des accords douaniers, il fallait donc certifier que les marchandises fournies par Soda-Club, société israélienne, étaient produites en Israël.
Les autorités allemandes ont demandé aux autorités douanières israéliennes de confirmer que l’origine des produits que Brita souhaitait importer n’était pas située en territoires occupés.
La réponse des Israéliens évoquait "un territoire sous la responsabilité d’Israël" mais sans donner de précision quant au lieu de production.
L’Allemagne a donc considéré qu’il n’y avait pas de certitude concernant l’origine des marchandises et a refusé d’appliquer l’accord CE-Israël. Brita introduit donc un recours en justice pour voir l’accord commercial appliqué. La juridiction saisie préféra interroger la Cour de justice avant de se prononcer.
En filigrane de la réponse apportée à cette question purement commerciale, il était donc vraisemblable de lire une position politique exprimée par la Cour : les colonies israéliennes font-elles ou non partie du territoire d’Israël ?
L’arrêt est clair et s’en tient au champ d’application territorial de chacun des accords commerciaux.
L’accord CE-Israël ne s’applique pas car il n’est pas démontré que les marchandises proviennent d’Israël, et que cet accord ne s’applique pas à la Cisjordanie. L’Union considère, en effet, que les produits obtenus dans des localités qui sont placées sous administration israélienne depuis 1967 ne bénéficient pas du traitement préférentiel défini dans cet accord.
Le contrôle de l’origine des marchandises étant plus aisé pour le pays exportateur, c’est à lui qu’il revient de certifier l’origine. Cependant, l’accord prévoit que lorsqu’un doute existe à propos du lieu de fabrication, il appartient à l’Etat exportateur de fournir des renseignements suffisants pour déterminer l’origine réelle des produits. La Cour estime que la réponse fournie par Israël était insuffisante
L’accord CE-OLP ne s’applique pas davantage. Cet accord vise les marchandises produites en Cisjordanie et dans la bande de Gaza mais pour autant que l’autorité certifie qu’il s’agit de marchandises palestiniennes. Or, tant la société Brita que les autorités israéliennes affirment que les produits sont originaires d’Israël.
En se basant sur le déficit d’information du pays exportateur, et donc en établissant un manquement aux obligations prévues par l’accord CE-Israël, la Cour évite soigneusement le cœur du sujet. Les autorités allemandes ne sont pas tenues d’accorder le tarif préférentiel. Et le litige reste uniquement commercial.
publié par la Libre Belgique
http://www.lalibre.be/actu/internat... Titre modifié et chapeau : C. Léostic, Afps