jeudi 24 septembre 2009

Le Viet Nam d’Obama

mercredi 23 septembre 2009 - 06h:40

Graham Usher - Al Ahram Weekly


Huit années après les attentats du 11 septembre, Obama a sur les bras en Afghanistan une guerre qu’il ne peut que perdre, écrit Graham Usher.

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Bien que sur-équipés, sur-entraînés, bardés d’électronique et de gilets pare-balles, les soldats de l’OTAN sont les victimes maintenant quotidiennes d’une insurrection anti-coloniale classique qualifiée d’asymétrique.

Lors d’une réunion en août avec des vétérans de l’armée, le Président Barack Obama avait justifié la « bonne guerre » menée en Afghanistan par opposition « à la guerre sourde et muette » perdue en Irak.

« Ce n’est pas une guerre où nous avons le choix, » a-t-il dit. « C’est une guerre nécessaire. Ceux qui ont attaqué l’Amérique le 11 septembre [2001] complotent pour récidiver. Si on les laisse faire, l’insurrection des Talibans créera encore un plus grand refuge où Al-Qaeda fera ses plans pour tuer plus d’Américains. Ainsi c’est non seulement une guerre au combat valeureux. C’est fondamental pour la défense de notre peuple. »

Obama a été cohérent avec son discours. Une de ses premières décisions en tant que commandant en chef des forces armées a été d’expédier 21 000 soldats supplémentaires en Afghanistan, faisant passer le total des troupes à 68 000 — le plus grand déploiement depuis que les Etats-Unis et leurs alliés afghans ont évincé le régime taliban en novembre 2001.

Une augmentation similaire est instamment sollicitée dans un rapport déposé sur le bureau du Président Obama par le général Stanley McChrystal, son commandant nouvellement nommé pour les troupes des Etats-Unis en Afghanistan. Mais le président doit encore prendre son téléphone. Et son ardeur pour la « bonne guerre » s’est refroidie. Comme c’est le cas pour l’Amérique.

La plupart des Américains sont maintenant contre la guerre en Afghanistan, avec une majorité absolue opposée à l’envoi de troupes supplémentaires. Le propre Parti Démocrate d’Obama est circonspect. « Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de soutien pour envoyer plus de troupes en Afghanistan - que ce soit dans le pays ou dans le Congrès, » a dit la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi du parti Démocrate, le 10 septembre, alors qu’elle était interrogée sur la requête de McChrystal pour disposer de plus de soldats.

Froidement soutenue à domicile, la guerre laisse de glace à l’étranger. Les Pays Bas et le Canada retireront respectivement leurs troupes d’Afghanistan en 2010 et 2011. Le 6 septembre dernier, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France, membres de l’OTAN, ont réclamé une conférence des Nations Unies qui superviserait et accélérerait une augmentation rapide des forces de l’armée et de la police afghanes, non pas parce qu’ils imaginent que ces forces soient prêtes à assurer la sécurité en Afghanistan, mais parce que leurs opinions publiques considèrent la guerre comme futile et veulent voir rentrer leurs soldats.

Et avec raison. Rarement autant d’argent et de troupes venant de l’étranger ont été investis en Afghanistan, mais jamais l’insurrection n’a été aussi violente, l’influence des Talibans plus étendue, le gouvernement afghan soutenu par l’OTAN si peu crédible et le coût en vies si élevé parmi les civils, les soldats [des troupes d’occupation] et les combattants.

Selon le groupe de Conseil International en Recherche et Politique sur la Sécurité et le Développement (ICSD), les Talibans disposent maintenant d’une présence sur 80% de l’Afghanistan, alors que cette présence était de 54% en 2007. Dans de larges zones les combattants Talibans ne sont pas que présents mais ils administrent un gouvernement de l’ombre, avec des cours de justice, des forces de police et des percepteurs d’impôt, et demandent une loyauté passant avant celle accordée au « vrai » gouvernement.

Alors que l’insurrection se transforme en soulèvement général, les pertes civiles font un bond, beaucoup de gens étant tués par les Taliban et leurs cohortes, mais encore plus par des soldats des Etats-Unis et de l’OTAN et particulièrement dans des attaques aériennes. La confiance de l’OTAN dans sa puissance aérienne était une politique que McChrystal voulait justement changer après sa nomination comme commandant des Etats-Unis en juin, conscient du fait que rien n’aliène d’avantage l’opinion dans le pays que de devoir retirer des cadavres de maisons réduites en miettes. Mais rien n’a pas changé.

Le 4 septembre les soldats allemands de l’OTAN ont requis l’intervention d’avions de chasse américains après que les combattants Talibans aient détourné deux camions-citernes dans la province de Kunduz, une région du nord de l’Afghanistan jusque récemment épargnée par l’insurrection. Les premiers rapports de l’OTAN ne faisaient état que de Talibans tués dans le bombardement. Mais une organisation afghane des Droits de l’Homme, en se basant sur des interviews de riverains, a fait savoir que ce sont plus de 60 civils qui ont été tués en même temps qu’une dizaine de combattants.

La colère des Afghans a encore grimpé d’un cran après une opération foireuse de l’OTAN, menée par les Britanniques pour sauver un journaliste britannique et un journaliste afghan capturés par les Talibans. Le journaliste britannique a été libéré mais son collègue afghan et plusieurs civils ont littéralement été laissés pour morts. Les organismes de presse afghans ont condamné l’OTAN pour son imprudence et ses « doubles standards » dans la protection des journalistes étrangers et afghans. Ils ont condamné également les Talibans pour l’utilisation des enlèvements comme moyen de guerre.

Il a été annoncé le 10 septembre que le président Hamid Karzai avait remporté 54 % des voix exprimées lors de la récente élection présidentielle en Afghanistan, donc suffisamment pour lui garantir un deuxième mandat de cinq ans. Le gouvernement du premier mandat de Karzai avait été décrit par ses alliés de l’OTAN comme inepte, corrompu et prédateur. La victoire était à peine proclamée que la Commission des plaintes des Nations Unies [ECC : Electoral Complaints Commission] annonça « une fraude claire et évidente » à l’occasion du scrutin du 20 août.

La Commission des plaintes a éliminé du comptage des voix 83 bureaux de vote et a mis les voix en quarantaine dans 600 autres. Les bureaux en question sont principalement dans le sud Pashtun et dans l’est de l’Afghanistan, là où la participation était la plus basse et l’insurrection la plus forte et où Karzai est censé disposer de sa base. Mis face à l’accusation de fraude massive, favorisée par le gouvernement lui-même, le président a réagi sans aucun émoi. « Il y avait fraude en 2004, et il y a fraude aujourd’hui, et il y aura fraude demain. C’est hélas inévitable dans une démocratie qui se construit » a déclaré Karzai au journal Le Figaro.

Obama et ses alliés de l’OTAN avaient espéré que la seconde élection présidentielle en Afghanistan pourrait au moins endiguer une marée qui pendant les trois dernières années a vu se rétrécir l’appui aux institutions mis en place par les forces d’occupation, et se développer l’insurrection. Tout au contraire, Obama et ses alliés entrent dans l’année la plus critique en Afghanistan depuis le 11 septembre, menant une guerre déjà perdue, avec des appuis en baisse et la perspective d’une absence de gouvernement, ou d’un gouvernement dont la seule motivation semble avoir été vol. Les Américains appellent cela être à une mauvaise place. D’autres appellent cela le Viet Nam d’Obama.

17 septembre 2009 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2009/965...
Traduction : Claude Zurbach