jeudi 3 septembre 2009

La pax americana et la crétinerie des Arabes

Palestine - 02-09-2009
Par Abdel Bari Atwane
Le président américain prépare une nouvelle initiative de paix pour régler le conflit arabo-israélien qui sera présentée à la prochaine réunion de l'assemblée générale des Nations Unies prévue pour fin septembre.
Le sénateur George Mitchell, véritable artisan de cette initiative, préfère travailler dans le secret le plus absolu et loin des médias, mais les bruits qui courent laissent entendre que cette initiative se concentre sur l'initiative de paix arabe affectée de certaines modifications essentielles telles que l'annulation du droit au retour et l'introduction d'une formule "nébuleuse" faisant de Jérusalem la capitale des deux Etats, en fait en introduisant quelques retouches à la situation actuelle.


L'application de cette initiative se fera probablement à l'inverse du planning de l'initiative arabe, de sorte qu'elle commence par la normalisation préalablement au retrait israélien des territoires arabes occupés, conformément aux conditions posées par Netanyahu. Ce qui peut expliquer les intenses pressions américaines exercées sur les Etats arabes, surtout dans le Golfe et au Maghreb, en vue de produire des "premiers pas" de normalisation, tels que l'ouverture de bureaux de représentation commerciale et l'autorisation de circulation en toute liberté dans l'espace aérien pour les avions de la compagnie aérienne israélienne El Al, en contrepartie du gel de la construction des colonies en Cisjordanie, mais pas à Jérusalem.

Ces pressions de l'administration Obama pourraient donner des résultats dans les prochaines semaines, et il ne serait pas étonnant que l'on assiste à des rencontres, des réunions et des échanges de sourires entre des responsables et des leaders arabes et Netanyahu en marge des réunions de l'assemblée générale des Nations Unies, histoire de rompre la glace, et que ces gesticulations soient suivies de démarches diplomatiques effectives.

Du côté palestinien, les préparatifs vont bon train, avec des soins et une minutie exceptionnels, conformément aux directives américaines et européennes et avec la bénédiction israélienne indirecte, de manière que la société palestinienne soit parfaitement et entièrement disposée à intégrer la nouvelle initiative.

Ces préparatifs peuvent être résumés dans les points suivants :

1) Le président de l'autorité de Ramallah, Mahmoud Abbas, a réuni le congrès du Fatah, et procédé à l'"élection" d'un nouveau comité exécutif qui comprend quatre des anciens responsables de la sécurité et dont ont été exclus, d'une manière ou d'une autre, la plupart des membres de l'ancienne garde opposée au processus d'Oslo ; il faut reconnaître cependant que certains des nouveaux membres du comité jouissent d'une bonne réputation et sont considérés comme des personnalités indépendantes et dévouées à la cause nationale.

2) Monsieur Abbas a bien réussi à convoquer le conseil national palestinien en une réunion extraordinaire "en présence des présents" pour compléter la légitimité du comité exécutif de l'OLP et l'élection de six nouveaux membres, parmi lesquels deux personnes responsables des négociations: Ahmad Qorei (Abou Ala') et Saeb Erekat. On peut en conclure qu'ils seront appelés à négocier prochainement sur la base de la nouvelle initiative de paix, non en tant que représentants de Fatah, mais au nom de l'OLP, seul représentant légitime du peuple palestinien.

3) Salam Fayad, le premier ministre palestinien, a révélé qu'il préparait un nouveau projet pour l'infrastructure de l'Etat palestinien qui sera prêt dans deux ans. Ce projet se compose de deux volets : le premier sécuritaire avec la mise sur pied des forces de sécurité palestiniennes sur la base des critères américains et sous la supervision du général Dayton, et les bénédictions israélienne, jordanienne, égyptienne et palestinienne. Le deuxième économique visant à améliorer le quotidien de la population de la Cisjordanie afin de lui faire oublier l'intifada et l'éloigner définitivement de la résistance considérée comme un facteur d'instabilité et de souffrance.

L'entourage du président Mahmoud Abbas a réussi, sur instructions de Tony Blair "envoyé de la paix" européen, à réduire la cause palestinienne à la "Cisjordanie", à l'amputer de son essence qui est la "cause des réfugiés" et à en faire une question purement économique gouvernée par les conditions de vie des habitants de la Cisjordanie. Et c'est bien là sa plus dangereuse réussite.

Aujourd'hui, au lieu de comparer la situation actuelle du peuple palestinien avec celle qui prévalait lors de la première ou de la deuxième intifada, ou celle qui existait en 1965 lorsque la première balle de la résistance a été tirée et que la Cisjordanie et Gaza étaient arabes, on oppose la dégradation des moyens de subsistance et de la sécurité à Gaza sous la domination de Hamas à la prospérité de la Cisjordanie sous le règne de l'autorité. A Gaza, la situation économique est détériorée en raison du blocus asphyxiant que tout le monde a décidé d'oublier, et la sécurité est maîtrisée sous la poigne de fer de la police du Hamas, qui s'est illustrée par l'attaque sanguinaire et sans précédent contre la mosquée Ibn Taymiyah à Rafah pour en "extraire" le mouvement Ansar Jund Allah, et par l'interdiction de toute opération de résistance et de lancement de missiles.

Quant à la prospérité économique de la Cisjordanie, elle est surtout redevable à l'afflux dans les poches de l'autorité de milliards de dollars en provenance des Etats-Unis, de l'Europe et des pays arabes, la générosité de ces derniers résultant plus des injonctions américaines que du devoir moral de solidarité.

Mais il faut se rappeler que cette prospérité correspond à la mise en oeuvre à la lettre du plan Netanyahu et du précédent plan de "paix économique" de Tony Blair. Une paix qui signifie dans la pratique l'oubli, même temporaire, des fondamentaux de la cause palestinienne.

La question à laquelle personne ne veut répondre c'est comment cet Etat palestinien qu'on nous promet, va-t-il pouvoir exister en présence de 249 colonies israéliennes où vivent un demi-million de colons, sans oublier les 600 checkpoints israéliens supposés assurer la sécurité ?

Les subtilités byzantines du discours actuel ne portent pas sur la légalité des colonies, mais plutôt sur leur croissance naturelle, sur l'admissibilité légale totale ou partielle de cette croissance et sur la contrepartie que les Arabes devront payer en termes de "normalisation".

On constate que le chantage israélien a remarquablement réussi à dicter ses conditions, et pas seulement au plan de l'évacuation du droit au retour, de la "dilution" de la question de Jérusalem occupée, mais aussi par le lien créé entre le moindre "gel provisoire" des colonies (considéré comme une énorme concession) et l'imposition d'un blocus maritime, aérien et terrestre total contre l'Iran.

De la même façon que la conférence pour la paix de Madrid avait servi en 1991 à frapper, détruire et isoler l'Irak, on veut rattacher aujourd'hui la nouvelle initiative de paix américaine à la question du nucléaire iranien et donc procéder au démantèlement des installation iraniennes par voie militaire ou par voie de sanctions, en échange de promesses, de simples promesses, d'une solution américaine à la question palestinienne et conformément à une formule qui ne fâche ni Israël ni les régimes arabes « modérés ».

Remarquez qu'au lieu de mettre en parallèle un réacteur israélien qui a produit à ce jour 300 têtes nucléaires et un réacteur iranien encore en gestation, on a établi un rapport entre le réacteur iranien et une liste d'abdications arabes sur les fondamentaux palestiniens en contrepartie de promesses de solution, qui viennent s'ajouter aux nombreuses promesses qu'on nous a fait dans le passé et qui ont disparu les unes après les autres après avoir servi les objectifs américains.

Mais le grand problème aujourd'hui c'est la faiblesse du front du refus arabe, la détérioration du camp du refus palestinien, la préoccupation syrienne par l'ouverture sur l'Amérique et la réception de ses envoyés dans le but de l'amadouer, et la concentration des efforts sur la constitution du gouvernement libanais comme si c'était la priorité des priorités au niveau régional, tandis que le Hamas est empêtré dans le "piège" de Gaza, la subsistance alimentaire d'un million et demi de Palestiniens et les ouvertures sur l'Occident pour régler le dossier de Gilad Salit.

A notre grande désolation, Hamas ne porte plus aujourd'hui la bannière de la résistance avec la force qu'on attendait du mouvement islamique jihadiste. Ajoutons qu'il existe en son sein un courant qui lui porte préjudice par les efforts qu'il déploie en vue de gagner la reconnaissance de l'Occident, en tissant des contacts et, bien plus, en participant à des conférences à Genève en présence d'Israéliens, dans le but de convaincre le monde que Hamas est un mouvement réaliste et modéré avec lequel on peut travailler et qui mérite de rester au pouvoir.

La cause palestinienne telle que nous la connaissons se trouve actuellement sous le scalpel du chirurgien "esthétique" américain, pour une opération qui va lui refaire la face, le produit sera ensuite commercialisé par des experts en communication arabes et surtout palestiniens et vendu à tous ceux qui croient à la paix économique, à la sécurité et à la prospérité de la Cisjordanie.


Photo ci-dessus : rencontre entre le Vice Premier Minister israélien Silvan Shalom et le Ministre palestinien de l'Economie Bassem Khoury à Jérusalem aujourd'hui 2 septembre (photos JINI pour Haaretz).
Traduction : Nadine Acoury