jeudi 3 septembre 2009

La nouvelle génération de Bi’lin

mercredi 2 septembre 2009 - 06h:46

Jody McIntyre
The Electronic Intifada


Chaque vendredi, les habitants palestiniens du village cisjordanien de Bi’lin marchent en direction du mur d’apartheid israélien qui a volé plus de la moitié de leurs terres. Mais aujourd’hui nous étions mercredi, et c’était au tour des enfants de manifester.

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Octobre 2006 - Un jeune palestinien de Bilin participe à une manifestation pour protester contre l’arrestation par l’armée israélienne d’un caméraman du village - Photo : Oren Ziv/ActiveStills

C’était une belle matinée, le moment rêvé pour ajouter une nouvelle pierre à la résistance non-violente de Bi’lin. Alors que l’armée israélienne kidnappe leurs pères, leurs frères et leurs cousins, la résistance reste vivante dans la génération à venir.

Lorsque j’ai demandé à Iyad Burnat, qui fait partie du Comité Populaire de Bi’lin, qui nous mènerait aujourd’hui dans la direction du mur, il m’a répondu : « Nos enfants sont forts ! Et après tout, qui manifestera lorsque nous serons tous en prison ? » Je peux dire qu’il plaisantait seulement à moitié.

Nous nous sommes réunis comme d’habitude au centre du village, un cadre habituel mais avec une foule inhabituelle. Cela doit être la première manifestation à laquelle je participais où l’âge moyen était d’un seul chiffre. Leurs slogans étaient limpides et écrits sur la banderole qu’ils avaient confectionnée eux-mêmes et qu’ils brandissaient fièrement : « Nous voulons dormir ! »

Ces deux derniers mois, les habitants de Bi’lin ont été constamment les victimes de raids nocturnes de l’armée israélienne, dans une évidente tentative d’écraser la résistance non-violente que le village a si fièrement maintenue depuis maintenant cinq ans. Bien évidemment, comme c’est souvent le cas dans les actes d’injustice et de punition collective, ce sont les enfants qui en souffrent le plus.

Mais les enfants de Bi’lin refusent de souffrir en silence. Ils ont la résistance dans leur sang et leurs âmes depuis qu’ils sont nés. Et ils savent bien pour quoi se bat leur peuple : la liberté.

Tandis que nous marchions sur la voie historique conduisant du village vers le mur, j’ai vu des enfants s’écarter de la manifestation, ne voulant pas poursuivre plus loin. Cela est compréhensible ; même les plus courageux des enfants seraient intimidés à la vue des soldats préparant leurs armes.

Ils ont vu mourir des proches, et des amis arrêtés et maintenus en prison pendant six mois. Ils ne veulent pas être les prochains martyrs, si noble soit leur cause.

Il était étrange d’arriver au mur en étant si peu nombreux par rapport aux habituelles manifestations hebdomadaires, le sol puant encore des eaux d’égout dont ils nous ont aspergés le vendredi précédent. Pour les enfants, je suppose que c’était un rappel de la frustration inimaginable qu’il y a à vivre sous occupation.

Mais pour Nashmi, âgé de 15 ans, l’attente avant de pouvoir manifester a été trop longue. C’était au-dessus de ses forces de devoir patienter pour s’approcher [du mur] alors qu’il en a parfaitement le droit. Samedi après-midi, Nashmi était en train de longer le mur tout en jouant avec des amis quand il a été agressé puis enlevé par des militaires. « Arrêté », comme le disent les forces d’occupation, mais « kidnappé » est un terme plus appropriée. Les soldats étaient assis à proximité sous un olivier, attendant de tendre une embuscade à des adolescents.

Grâce à ce souvenir encore frais dans leur esprit, les slogans étaient passionnés : « Libérez ! Libérez Nashmi ! »

La porte nous séparant du mur étant ouverte, deux jeunes garçons courageux ont commencé à s’approcher avec prudence, l’un d’entre eux (à ce moment-là, un portrait tout craché de son père) avec un haut-parleur à la main, criant fièrement. Mais les armes brandies en face d’eux les ont empêchés de continuer.

Mais malgré les gestes de menace, il n’y a pas eu de coups de feu. Au lieu de cela, les soldats israéliens ont physiquement forcé les enfants à reculer derrière la porte, refermant ensuite ce laid symbole de l’oppression. Une large porte jaune qui sépare les Palestiniens de leur terre et leur liberté.

Sur le chemin du retour de la manifestation, nous avons été face à un nouveau défi : combien d’enfants pourraient en même temps s’asseoir sur mon fauteuil roulant ? Un moment, nous étions cinq, riant et agitant des drapeaux palestiniens, en tendant deux doigts en l’air en signe de paix .

Après la manifestation, les enfants ont profité d’une journée spéciale de divertissement et de jeux dans un centre communautaire voisin. C’était plutôt un rappel visible et fort de quelque chose que beaucoup oublient : ce sont des enfants comme les autres qui vivent dans la réalité inimaginable de l’occupation et de l’apartheid.

* Jody McIntyre est un journaliste du Royaume-Uni et qui vit actuellement dans le village occupé de Bi’lin. Jody souffre de paralysie et se déplace en fauteuil roulant. Il écrit un blog pour intitulé « Life on Wheels » [vivre sur des roues], qui peut être consulté à http://www.ctrlaltshift.co.uk. Il peut être contacté à [jody.mcintyre@ gmail.com].

26 août 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Info-Palestine.net