lundi 4 août 2014

Il n’y a nulle part où se réfugier dans Gaza

Mohammed Omer
D’après les Nations Unies, 215 000 Palestiniens sont actuellement à la recherche de refuge dans les installations de l’ONU, alors que 133 écoles ont été bombardées depuis le lancement par Israël de l’ « Opération Bordure Protectrice. »
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Un garçon Palestinien qui essaie de prendre avec lui ce qui reste de ses effets personnels suite au bombardement de sa maison par Israël - Photo : MEE/Mohammed Asad
Ville de Gaza – « Netanyahu a transformé nos maisons en ruines, et nos quartiers en villes fantômes, » déplore Anaam Bannar, une Palestinienne sans-abri et âgée de 56 ans.
Banner n’a plus où aller, excepté des écoles sélectionnées de l’UNRWA où les gens peuvent trouver refuge avant qu’Israël ne les prennent, elles aussi, pour cible. Il y a dix jours, la maison de Bannar a été complètement rasée par des obus de chars israéliens. Lorsqu’un cessez-le-feu de 12 heures a été décrété, la quinquagénaire est retournée chez elle, non sans précaution, et là, elle a retrouvé un décor méconnaissable. Elle n’arrivait plus à retrouver l’endroit où se tenait son domicile, ni de repères familiers capables d’identifier ce qui était il y a à peine quelques jours sa maison et son environnement.
Les Gazaouis sont corps et âmes épuisés et terrorisés par trois semaines d’horreur et de traumatisme. Les plus chanceux qui sont encore en vie ont absolument tout perdu et n’ont plus aucun refuge sûr pour les dissimuler des bombardements militaires israéliens intensifs. En fait, c’est toute la Bande de Gaza qui est dans la ligne de mire d’Israël.
« Vous pouvez courir dans n’importe quelle direction que vous voulez, cela ne vous protègera pas. Vous êtes une cible parce que vous êtes Palestinien, » explique Bannar. Durant la guerre israélienne sur Gaza de 2008-9, dénommée « Opération Plomb Durci, » Bannar avait perdu son époux et quatre de ses frères dans le même massacre. Une perte qui a plongé la famille dans un deuil et un chagrin profonds. Aujourd’hui, c’est sa maison qui paie les frais, ce qui l’amène à se demander pourquoi est-elle toujours sur la liste israélienne des civils à martyriser.
Pour Inshirah Abuelkas, 56 ans également, il est difficile d’envisager ce qu’Israël considère comme cible, puisqu’elle-même n’a aucun lien avec la résistance ni aucune affiliation aux groupes militants. Elle est une simple habitante de Gaza.
« N’ayant pas réussi à mettre la main sur les combattants de la résistance, les Israéliens s’acharnent sur nous et punissent les civils en bombardant nos maisons, nos familles et nos enfants. »
Elle raconte comment elle a fui les mortiers israéliens qui ont fait un massacre dans le quartier Shejaia, en direction d’un nouveau refuge dans l’école Rafedeen de la Ville de Gaza. Mais même dans cette école, la famille ne peut échapper aux attaques et ses enfants sont pourchassés par les fusillades.
« Où irons-nous à la rentrée des classe en septembre ? » Une voisine prend la parole et suggère : « Il ne nous reste que la plage… » avant qu’une autre personne l’interrompt « Non, souviens-toi, Israël a tué quatre enfants qui jouaient sur la plage en tirant des missiles sur eux à partir de ses navires de guerre. »
« A la nuit tombée, lorsque les drones planent, nous sommes frappés par les bateaux de guerre israéliens. En plein jour, ce sont les F16 qui prennent la relève, » raconte-t-elle.
Le débat sur la sécurité n’aboutit jamais et revient toujours à la case départ car personne ne connait d’endroit sûr pour se réfugier, que ce soit les maisons, les écoles, les hôpitaux, les parcs, les cimetières, les plages, les mosquées ou les églises. Toutes ces zones sont bombardées par Israël.
« Se rendre et partir définitivement n’est pas Palestinien, c’est pourquoi, il est hors de question de prendre en considération cette option. C’est notre terre, notre maison ; nous appartenons à cet endroit et nous y resterons. »
Quelques jours auparavant, Israël a bombardé une autre école de l’UNRWA, préalablement désignée comme un « refuge sûr. » Cet acte barbare a tué au moins 16 personnes et a blessé des centaines de civils qui s’étaient réfugiés dans cette école après avoir reçu l’ordre de l’armée israélienne de quitter leurs maisons.
L’ONU rapporte que 215 000 Palestiniens, soit plus de 10% de la population de Gaza, cherchent actuellement refuge auprès des installations de l’UNRWA. Une situation humanitaire des plus déplorables évoquée par le porte-parole de l’UNRWA, Chris Guiness, dans une interview accordée hier (2/8/2014) à un média international et au terme de laquelle, il n’a pas pu se retenir et a éclaté en sanglots.
En tant qu’épouse et mère de 12 enfants, Abuelkas affirme qu’elle ne connait aucun endroit sûr où s’abriter. La menace continue d’Israël et l’absence de moyens de protection la poussent à compter ses enfants toutes les minutes pour s’assurer qu’aucun d’entre eux ne sorte du refuge fragile de l’école.
L’ONU a par ailleurs signalé que 133 écoles ont été ciblées par les obus de chars israéliens. Gaza est une petite bande de terre bondée, avec 1,8 million de civils. Elle est considérée comme étant la zone résidentielle la plus surpeuplée de la planète, dont les habitants ne peuvent même pas fuir pour les pays voisins à cause du bouclage et du contrôle par l’occupation israélienne de toutes les frontières et de l’espace aérien. C’est comme tirer sur une vache dans un couloir !
Zone tampon
L’enclave côtière est une petite parcelle de terre de 41 km de long (25 miles) et de 6 à 12 km de large (7 à 7.5 miles). A l’Est, les Gazaouis sont cernés par les chars tirant des obus, les mortiers, les canons et les tireurs embusqués israéliens destinés à renforcer une « zone tampon » de plus en plus élargie. A l’Ouest, les Gazaouis font face aux navires de guerres israéliens et leur zone de pêche est estimée à seulement 3 miles marins au mieux, et lorsque c’est relativement calme. A la frontière nord avec Israël se trouve une autre zone tampon militaire et de nombreux checkpoints. Au Sud, à Rafah, Gaza est également bouclée, mais par l’armée égyptienne qui obéit aux ordres du gouvernement israélien.
Israël avait déclaré une « zone tampon » de trois kilomètres à l’intérieur de la frontière Gazaouie avec Israël. Étant donné la taille minuscule de Gaza, la zone tampon s’étend sur 44% du territoire de Gaza, et chaque personne s’y aventurant est considérée comme ayant été dûment avertie de quitter les lieux, assumant sinon les risques et le danger de mort découlant de sa présence dans cette zone.
Le bilan meurtrier d’Israël s’élève à 1730 Gazaouis et 9200 blessés. Ces chiffres alarmants ont largement dépassé la longue liste des crimes israéliens commis durant l’Opération Plomb Durci de 2008-9, lorsque Gaza a perdu 1417 de ses enfants.
Abuelkas précise : « Quoi qu’il en soit, nous restons toujours la cible d’Israël même si nous tentons de trouver un ’refuge sûr’. »
Les parents ayant des enfants handicapés craignent d’envoyer leurs enfants dans les centres de réhabilitation puisque plusieurs de ces centres médicaux n’ont pas échappé à la machine meurtrière israélienne.
Abuelkas ajoute que les Israéliens possèdent des bunkers où s’abriter, contrairement aux gens de Gaza où les enfants n’ont que les bras de leurs mères pour se cacher des horreurs. Hélas, l’armée israélienne n’est pas prête de comprendre ni d’avoir un minimum de considération pour ce langage et cette notion.
Elle conclut : « Nous demandons à nos frères et sœurs arabes de nous soutenir et de nous aider. Mais nous nous sentons abandonnés par eux. »
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* Mohammed Omer est un journaliste palestino-néerlandais renommé, basé à Gaza.
3 août 2014 – Middle East Eye – Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/news/n...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha