mardi 18 mars 2014

Vous n’êtes pas du tout autorisés à utiliser les transport publics : un rapport depuis les bus ségrégués d’Israël

Note de l’éditeur : Le rapport qui suit est du 28 février 2013. Quoiqu’il ait été rapporté qu’Israël commencerait le service de bus ségrégués en Cisjordanie à partir du 4 mars, ceci est mis en pratique depuis bien plus longtemps. Yeshua-Lyth l’explique dans un e-mail : « La pratique d’interdire les Palestiniens dans les bus publics est prouvée depuis plusieurs mois. Les nouvelles sur les projets de bus pour « Palestiniens seulement » étaient déjà dans la presse israélienne en novembre. Il semble que la coercition et le harcèlement soient destinés à « éduquer » les Palestiniens sur la façon de choisir les transports publics. L’annonce d’hier a coïncidé avec mon rapport de jeudi dernier, ou peut-être a-t-elle été accélérée à la suite du tapage que ce rapport a créé. Pendant toute la journée d’hier, j’ai écouté les mensonges flagrants de la radio israélienne sur les nouveaux bus qui seraient une « mesure utile » pour les travailleurs. Le fait demeure que le transport public est un système basé sur une grille qui sert les gens qui devraient avoir le droit de choisir leurs propres routes. Si vous vivez à Paris, vous ne voulez pas n’être autorisés que sur des bus allant que de Belleville à Beauvais… » 1er mars 2013
Je suis arrivée à 16 h au terminal des bus (près de ce qu’on appelle le « croisement de la porte de Shomron » (1). Jusqu’à 17 h, Il sembla que rien n’aurait lieu. Un ennui bienvenu... Des voyageurs montaient et descendaient, y compris certains ayant l’air de Palestiniens. Un véhicule militaire derrière le bus klaxonna avec une violence insensée et activa soudainement sa sirène, ce n’était certainement pas plus que la simple grossièreté des soldats qui sont les seigneurs de la terre.
À 17 h précises, l’action débute : un policier, le sergent-chef Shai Zecharia, monte pompeusement à bord du bus 286 à l’arrêt. Les soldats ordonnent à tous les Palestiniens de sortir. Immédiatement, ils ramassent leur carte d’identité à la sortie du bus. Comme ça, ils ne peuvent aller nulle part sans permission. Près de 30 travailleurs, de 30 à 50 ans, sortent en file docilement. Le soldat/officier rugit : « Udrub ! » (Avancez !). Puis : « Bougez-vous le cul ! Bougez-vous le cul ! ». Ils sont ensuite conduits au grillage et mis en ligne tout du long, puis assis à attendre sur le sol froid. Le soldat vérifie les cartes d’identité vertes (en arabe : hawwiye) et exige de voir leur « tasrih » (permis de travail). Quelques-uns ont la chance de récupérer leur carte d’identité et montent à bord d’un autre bus - se plaignant seulement d’avoir à payer deux fois pour le même voyage. Mais nos forces bloquent immédiatement ce moyen : un par un, les travailleurs ont l’ordre de quitter le terminal et de marcher jusqu’au checkpoint Azun-Atme, à 2,5 km du croisement « porte de Shomron ». Il fait maintenant froid, le soleil s’est couché. La plupart d’entre eux se sont levés à 3 h du matin pour partir au travail. Leurs maisons ne sont qu’à quelques kilomètres de la colonie voisine d’Ariel. Ils ne demandent qu’à avoir le droit de prendre le bus sur deux ou trois autres arrêts. Ils ont payé le transport. Et, à propos, un « tasrih » coûte 8000 shekels (1600 euros). Il faut travailler dur pour couvrir cette somme avant de gagner son premier shekel.
Les soldats ont coincé quatre travailleurs qui avaient osé travailler sans « tasrih ». Le court sur pattes dit fiévreusement « Ils vont peuvoir passer du temps dans la prison Yoav (2) ». Et l’envoi suivant arrive, environ 25 travailleurs. Bientôt, le petit mec armé et héroïque les bouscule des deux mains. On répète la procédure : « Udrub », maniez vous le cul, hawwiye, tasrih, maintenant allez à Azun-Atme. En une demi-heure, 80 hommes environ ont été soumis à cette humiliation par quelques soldats armés et un policier. Ils ont tous répondus avec retenue et consternation, tout au plus posant les questions évidentes et recevant de temps en temps des réponses instructives, du genre :
« Vous n’avez pas le droit d’être sur la route 5 ». Enfin une confirmation officielle qu’il y a des routes d’apartheid en Israël, malgré toutes les dénégations.
« Vous n’êtes pas du tout autorisés à utiliser les transports publics ».
Le sergent-chef Zecharia fournit l’information cruciale suivante à un des Palestiniens les plus âgés : il vaut mieux voyager dans les minibus spéciaux et non dans les bus israéliens. Les Palestiniens disent qu’il existe une alliance commerciale non décrite entre certaines des forces de sécurité et les Bédouins qui opèrent les minibus, ce qui coûte cinq fois plus que la plupart des bus pour les déplacements courts. Pour un déplacement de quelques minutes, chacun paye l’équivalent d’une à deux heures de salaire.
Je dois noter que le premier sergent répondit à mes questions comme l’exige la loi quand je lui demandai son nom et son grade, mais il déclara immédiatement que mes questions « causaient de l’agitation » et que « très bientôt » je me trouverais aussi à passer quelques heures au proche commissariat de police.
À mon retour, via la route Ayalon, j’ai pensé aux milliers d’Israéliens retardés dans les embouteillages du jeudi soir.
Questions et réflexions :

Combien de centaines de Palestiniens sont passées ce soir par ce harcèlement permanent institutionnalisé, à la fin d’une semaine de travail au cours de laquelle ils ont nettoyé, construit, plâtré et pavé notre Patrie ? Quelle est l’idée derrière ce harcèlement ? Comment se fait-il que des travailleurs ne représentent aucun « risque sécuritaire » à Tel-Aviv et à Richon LeZion du matin au soir, mais que leur présence dans un bus de retour chez eux est une question qui requiert l’intervention armée des soldats de la « Force de Défense d’Israël » ?
Ceux qui nous avertissent constamment qu’une troisième Intifada va éclater à tout moment ne devraient-ils pas avoir un intérêt à ce que des travailleurs obéissants et industrieux puissent rentrer en paix chez eux ? (Incidemment, j’ai entendu cette remarque par les travailleurs, qui sont peut-être pauvres mais nullement stupides).
Et aussi : quand on dit à une femme de « s’asseoir à l’arrière » dans un bus plein de Haredim (« ultra-orthodoxes »), la société israélienne répond avec colère et dégoût et nous exigeons que les instigateurs de cette discrimination obscurantiste soient stoppés. Mais on interdit à des travailleurs palestiniens de voyager dans « nos » bus - même derrière et debout. Et légalement il n’y a pas de problème - à moins que quelque chose aille vraiment de travers avec la loi.
Comme il est convenable ce soir de dénoncer le juge inconnu qui bat ses malheureux enfants, et le système judiciaire qui ne l’a pas traité sévèrement. Parce que, comme chacun sait, la civilisation, le progrès, les droits humains, les droits de l’enfant et illégalité devant la loi sont nos principes directeurs.
Joyeuse semaine de l’apartheid à vous *tous* !
Traduit de "You’re not allowed to use public transportation at all’ : A report from Israel’s segregated buses"
Traduction originelle de l’Hébreu en anglais : Mark Marshall
http://mondoweiss.net/2013/03/allow...
Traduction : JPB-CCIPPP
(1). Il s’agit du 1er arrêt de bus en Cisjordanie occupée, à l’est de la ville palestinienne d’Israël Kafr Qassem (ndt).
(2) Ancienne forteresse de police britannique d’Iraq Suweidan (ndtOfra Yeshua-Lyth, Machsomwatch
http://www.protection-palestine.org