mardi 15 novembre 2011

Israël dans le déni

mardi 15 novembre 2011 - 06h:22
Ramzy Baroud
La solidarité internationale avec les Palestiniens s’intensifiant, il est difficile de comprendre l’autosatisfaction de Tel-Aviv
(JPG)
Dans sa colonne du 10 Octobre publiée par le journal israélien Ynetnews , Guy Bechor arrive à une conclusion déconcertante. « Ce sont les Israéliens qui ont été les premiers à soulever l’argument de la délégitimation : Israël se transformerait en une nouvelle Afrique du Sud, à la suite de son isolement dans le monde occidental, ont-ils dit ... Cependant, cet argument n’a jamais beaucoup tenu la route, et même s’il l’avait tenue, il s’est infléchi durant l’année écoulée ».
Il est époustouflant de voir les membres de l’intelligentsia israélienne dominante contester l’idée même qu’ils ont imprimée eux-mêmes dans la conscience publique. Ils accusent d’antisémitisme les prétendus « délégitimisateurs » , et ils ont aussi terrifié leur propre peuple avec des scénarios apocalyptiques.
Une passionnée de la théorie de la délégitimation est la dirigeante de l’opposition israélienne et présidente du parti Kadima, Tzipi Livni."« La menace de délégitimation intensifie les autres menaces auxquelles Israël est confronté, et limite notre capacité à nous protéger », a-t-elle dit lors d’une conférence organisée par son parti et le Centre interdisciplinaire de Herzliya. « Les missiles, les chars et les excellents combattants d’Israël ne peuvent pas protéger correctement l’État d’Israël, si nous avons les mains liées dans le dos », a-t-elle ajouté, selon Haaretz (24 août 2010).
Livni a orchestré au premier plan la guerre de Gaza en 2008-09. La guerre contre la Bande assiégée - qui était déjà dévastée par une crise humanitaire sans précédent - a tué plus de 1.400 Palestiniens et en a blessé près de 5500. Dans nombre de rapports sur les droits humains, Israël a été accusé d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité au cours des 22 jours de frappes aériennes intensives.
Pourtant, le tollé international n’a pas réussi à « lier » les mains "des excellents combattants » d’Israël ni à ralentir la progression de ses bulldozers et de ses maçons, qui ont fait des ravages en Jérusalem-Est occupée et en Cisjordanie. Qui plus est , des centaines de Palestiniens ont depuis été tués et blessés dans la Bande de Gaza, Israël étant déterminé à rompre la trêve tacite conclue avec les factions palestiniennes. Quant au siège, il se poursuit malgré la libération du soldat israélien capturé, Gilad Shalit le mois dernier.
Alors, pourquoi Israël est-il tellement furieux devant la présumée campagne de délégitimation ? Est-il possible que la campagne mondiale pour les droits des Palestiniens ait franchi les frontières traditionnelles des conflits lancés par Israël pour pénétrer dans une zone où il ne peut pas utiliser le phosphore blanc, les avions de combat et les drones ?
Dans le Jerusalem Post, Caroline Glick a récemment fourni un synopsis du problème et a proposé sa solution. Dans son article intitulé « délégitimer le délégitimisateur », elle dit : « La seule façon de vaincre ceux qui nient nos droits sur notre terre, notre nation et notre histoire est de démasquer leur corruption, et leurs intentions haineuses envers le peuple juif. »
Cette déclaration est non seulement bêtement bizarre et fausse - Israël doit être critiqué à la mesure de son action illégale, et doit être traité comme tout autre pays qui de manière délibérée et répétée enfreint les lois internationales et humanitaires - elle est aussi très injuste à l’encontre des communautés juives où qu’elles soient.
Dans un article paru le mois dernier dans Electronic Intifada, Ali Abunimah caractérise ces arguments imprudents - se référant à la tactique de l’ADL - comme « intrinsèquement antisémites parce qu’ils supposent à tort et sur le plan historique que toute critique d’Israël équivaut à une critique des juifs ... Autrement dit, ils incluent à tort tous les juifs dans un stéréotype qui en fait des partisans inconscients des politiques atroces pratiquées par Israël tout en les y associant ».
Campagnes de la société civile
Alors, que faire lorsque le caractère de la bataille change de façon spectaculaire ? Comment pouvez-vous livrer une bataille - c’est ainsi qu’Israël perçoit toujours ses problèmes - avec des militants de la société civile, des écrivains, des militants à bord de petits bateaux venus de l’étranger et chargés de fournitures médicales, et une communauté internationale qui ne se laisse démonter ni par la crainte d’un veto US, ni ne se laisse intimider par les vieilles tactiques et accusations ?
Bien qu’il soit pleinement préparé pour toutes sortes de combats, Israël est encore mal équipé pour faire face à la société civile, qui est de plus en plus indignée - non seulement par le mépris flagrant d’Israël pour les droits humains, mais aussi par l’hypocrisie des gouvernements occidentaux qui permettent de telles violations.
Prenez par exemple le récent vote pour l’admission à l’Unesco de l’État de Palestine comme membre à part entière. Cet organisme représente l’ensemble de la communauté internationale, et déploie des efforts impressionnants en temps de paix. Au lieu de saisir l’occasion du vote pour poursuivre un dialogue culturel et politique, les USA et Israël ont eu recours aux insultes et à la contrainte.
Les deux pays ont gelé les paiements à l’organisme de l’ONU à concurrence de 82 millions de dollars. Et tandis qu’Israël a décidé de retenir illégalement les taxes collectées au nom de l’Autorité nationale palestinienne, des membres du Congrès US sont en train de pousser une législation visant à punir collectivement les pays et les organismes internationaux qui prennent le parti d’un État palestinien indépendant.
Un tel comportement pourrait intimider une institution, un journal, ou même un gouvernement, mais il ne dissuadera pas la société civile internationale. Par ailleurs, Israël peut tester avec succès des missiles balistiques, mais il ne peut pas sortir de l’isolement, dans lequel l’ont enfermé ses propres actions violentes et illégales. Le vote à l’Unesco a exprimé le mécontentement de la communauté internationale envers Israël, et son empressement à résoudre pacifiquement le conflit.
Il est ahurissant en effet qu’en dépit de tout cela, des journalistes tels que Guy Bechor célèbrent actuellement le triomphe d’Israël sur ses détracteurs. « Jusqu’à il y a quelques années, on croyait que tout était permis dans la bataille contre Israël, mais ce n’est plus le sentiment qui prévaut aujourd’hui », écrit-il.
Étant donné la solidarité internationale croissante avec les Palestiniens et le dynamisme du mouvement Boycott, Désinvestissement et Sanctions, l’autosatisfaction israélienne est vraiment difficile à comprendre .
(JPG)
Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.
9 novembre 2011 - Gulf News - Cet article peut être consulté ici :
http://gulfnews.com/opinions/column...
Traduction : Anne-Marie Goossens
Lien