dimanche 16 octobre 2011

Déclaration d’un Bantoustan en Palestine

dimanche 16 octobre 2011 - 07h:08
Haidar Eid - Al Jazeera
Si la demande d’adhésion aux Nations Unis est acceptée, il y aura davantage de contrôle par les Israéliens, et pas une vraie indépendance.
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Israël a construit jusqu’à 573 barrières et check-points ainsi que 69 check-points volants
L’euphorie provoquée qui caractérise les discussions des grands médias autour de la future déclaration d’une Palestine indépendante en septembre ignore la réalité sur le terrain et les avertissements des critiques. Montrer une telle déclaration comme une avancée, et un défi au processus de paix défunt et au gouvernement de droite israélien, sert à obscurcir le refus d’Israël de respecter les droits des Palestiniens tandis qu’est renforcé le soutien implicite de la communauté internationale d’un état d’apartheid au Moyen Orient.
La campagne pour une reconnaissance est menée par Salam Fayyad, premier ministre désigné de l’Autorité Palestinienne (AP) située à Ramallah. Elle est basée sur une décision prise pendant les années 70 par l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) d’adopter le programme plus souple d’une « solution à deux Etats ».
Ce programme maintient que la question Palestinienne, l’essence même du conflit israélo-arabe, peut être résolue avec l’établissement d’un « Etat Indépendant » comprenant la Cisjordanie et la Bande de Gaza, avec pour capitale Jérusalem Est. Avec ce programme les réfugiés Palestiniens rentreront au nouvel état de Palestine mais pas chez eux en Israël, qui se définit en tant que « Etat Juif ». Cependant « l’indépendance » ne tient pas compte de cette question, et ne prend pas en charge les appels lancés par les 1,2 million de citoyens Palestiniens d’Israël à transformer la lutte en mouvement anti-apartheid, vu qu’ils sont traités comme des citoyens de troisième catégorie.
Tout ceci est sensé être implémenté après le retrait des forces Israéliennes de la Cisjordanie et de Gaza. Ou serait-il simplement un redéploiement des forces comme on l’a constaté pendant la période d’Oslo ? En revanche les adeptes de cette stratégie prétendent que l’indépendance va garantir qu’Israël va considérer les Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie comme un seul peuple, et que la question de la Palestine peut être résolue en accord avec la loi internationale et que cela va ainsi satisfaire un minimum de droits politiques et nationaux au peuple Palestinien.
Oublions le fait qu’Israël a érigé jusqu’à 573 barrières et check-points permanents à travers la Cisjordanie occupée, auxquels il faut ajouter 69 check-points volants ; et vous voudrez peut-être également ignorer le fait que les colonies exclusivement juives ont annexé plus de 54% de la Cisjordanie.
Pendant la conférence de Madrid, l’ancien Premier Ministre Yitzhak Shamir et son gouvernement « pro-guerre » n’a même pas accepté le « droit » à une autonomie administrative. Cependant, avec l’arrivée du gouvernement « plus modéré » Meretz/Travailliste, conduit par Yitzhak Rabin et Shimon Peres, les dirigeants de l’OLP se sont enfuis en Norvège pour des négociations derrière des portes closes. En signant les accords d’Oslo, Israël était libéré du lourd poids que respéresnet l’administration de Gaza et des sept villes surpeuplées de la Cisjordanie. La première Intifada s’est terminée par une décision officielle - et secrète - de l’OLP sans réaliser les projets nationaux intermédiaires, principalement « la liberté et l’indépendance », et sans le consentement du peuple que l’organisation prétend représenter.
Cette même idée « d’indépendance » était autrefois rejetée par l’OLP, parce qu’elle n’intègre pas les droits légitimes minimums des Palestiniens et parce que c’est l’antithèse de la lutte palestinienne pour la libération. Ce qui est proposé à la place de ces droits est un Etat uniquement par le nom. Autrement dit, les Palestiniens doivent accepter une autonomie complète sur seulement une partie de leur territoire, et oublier la souveraineté ou le contrôle des frontières, des réserves d’eau, et plus important, le retour des réfugiés. C’est cela l’accord d’Oslo et c’est aussi la « Déclaration d’Indépendance » voulue. Pas étonnant, donc, que le Premier Ministre Binyamin Netanyahu ait fait comprendre qu’il va peut-être donner son accord pour un état Palestinien « à partir de négociations ».
Cette déclaration ne promet pas non plus d’être en accord avec le plan de partition de 1947, qui ne laissait que 47% de la Palestine historique bien que ceux-ci comprennent plus des deux tiers de la population. Une fois déclaré, le futur état « indépendant » de Palestine occuperait moins de 20% de la Palestine historique. En créant un Bantoustan et en l’appelant un « Etat viable », Israël va se débarrasser du fardeau de 3,5 million de Palestiniens. L’AP va régner sur un maximum de Palestiniens avec un minimum de fragments de territoire - fragments que nous pouvons appeler « l’Etat de Palestine ». Cet « Etat » va être reconnu par des dizaines de pays - les chefs de tribus des infâmes Bantoustans de l’Afrique du Sud seront très envieux !
Nous pouvons seulement présumer que l’indépendance largement discutée et fêtée va simplement renforcer le même rôle joué par l’AP sous les accords d’Oslo. Principalement le maintien de l’ordre et les mesures de sécurité destinées à désarmer les groupes de la résistance palestinienne. Ce sont les premières exigences présentées aux Palestiniens à Oslo en 1993, Camp David en 2000, Anapolis en 2007 et à Washington l’année dernière. Entre temps, dans le cadre des négociations et demandes, aucun engagement ni obligation ne sont imposés à Israël.
Tout comme les Accords d’Oslo ont signifié la fin d’une résistance populaire non-violente de la première Intifada, cette déclaration d’indépendance à un but similaire, principalement de stopper le soutien international croissant pour la cause des Palestiniens depuis l’assaut israélien de l’hiver 2008-2009 contre Gaza et l’attaque contre la Flottille de la Liberté en mai dernier. Néanmoins il n’est pas à la hauteur pour ce qui est de garantir aux Palestiniens une protection minimum et une sécurité face aux futures attaques ou atrocités venant d’Israël.
L’invasion et le siège de Gaza étaient un produit d’Oslo. Avant que les Accords d’Oslo aient été signés, Israël n’avait jamais utilisé la totalité de son arsenal de F-16, bombes au phosphore, et munitions DIME pour attaquer les camps de réfugiés à Gaza et en Cisjordanie. Plus de 1200 Palestiniens ont été tués de 1987 à 1993 pendant la première Intifada. Israël a dépassé ce chiffre pendant son invasion en 2009 ; il a réussi à tuer brutalement plus de 1443 personnes rien que dans Gaza. Ceci n’inclut pas les victimes du siège depuis 2006, qui a été marqué par des bouclages et des attaques répétés d’Israël avant l’invasion de Gaza et depuis lors.
En fin de compte, ce que cette « déclaration d’indépendance » proposée au peuple palestinien est un mirage, une « patrie indépendante » qui est un Bantoustan déguisé. Bien que soutenue par un grand nombre de pays sympathisants, elle n’est pas à la hauteur de fournir aux Palestiniens la liberté et la libération. Un débat critique - plutôt que biaisé et démagogique - requiert une étude des distorsions de l’histoire à travers les déformations idéologiques.
Ce qui à besoin d’être abordé, c’est une vision historique et humaine des questions palestinienne et juive, une vision qui ne nie jamais les droits d’un peuple, qui garantisse une égalité complète, et qui abolisse l’Apartheid - au lieu de reconnaître un nouveau Bantoustan 17 ans après la chute de l’Apartheid en Afrique du Sud.
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* Dr. Haidar Eid est un professeur associé aux Etudes Culturelles à l’université gazaouie d’Al-Aqsa et au conseil d’administration de la Campagne Palestinienne pour le Boycott Académique et Culturel d’Israël.
13 octobre 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/indept...
Traduction de l’anglais : ForAGoodCause
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