mercredi 27 avril 2011

Pour Israël, il est « difficile de se séparer d’une vieille et confortable paire de pantoufles »

27/04/2011
La contestation en Syrie pourrait profiter à Israël en affaiblissant l'influence de l'Iran, mais fait craindre de nouvelles tensions à la frontière entre les deux pays et l'instabilité en cas de chute de Bachar el-Assad, selon des analystes.
« L'affaiblissement du régime à Damas serait un camouflet à l'Iran sur le plan stratégique, ce qui constituerait un développement positif non seulement pour Israël, mais aussi pour la Jordanie et d'autres pays » arabes prooccidentaux, estime Michaël Eppel, spécialiste du Moyen-Orient à l'Université de Haïfa. « Cela porterait aussi un coup dur au Hezbollah allié d'Assad », ajoute-t-il. Revers de la médaille, selon M. Eppel, « la possibilité, imprévisible, que le régime syrien cède à la tentation de provoquer une crise à Gaza ou au Liban-Sud afin de détourner l'attention de l'opinion ». Pour Eyal Zisser, chercheur sur le Moyen-Orient à l'Université de Tel-Aviv, « Israël devrait s'inquiéter de la situation à la frontière sur le plateau du Golan. Elle est calme pour l'heure, mais qui peut savoir ce qu'il en serait en cas de changement de régime ? » « Cela dit, si ce régime s'écroule, cela constituera un revers pour l'Iran et le bloc des pays radicaux de la région. Autrement dit, Israël serait à la fois gagnant et perdant », constate-t-il. Par ailleurs, pour M. Zisser, quels que soient les changements politiques en Syrie, le mouvement islamiste Hamas (au pouvoir à Gaza) préservera son statut privilégié à Damas « car le Hamas est arabe et sunnite », comme la majorité de la population, contrairement à l'Iran et au Hezbollah chiites.
D'autres observateurs mettent en garde contre l'instabilité en Syrie, qui pourrait menacer la sécurité régionale, et contre l'éventuelle émergence d'un gouvernement encore plus hostile à Israël.
Le professeur Itamar Rabinovich, ancien ambassadeur à Washington et ex-négociateur avec la Syrie, avertit qu'un soulèvement dans ce pays pourrait conduire à « une crise régionale ». « L'instabilité en Syrie a été la principale cause de la crise qui a abouti à la guerre des Six-Jours de juin 1967 », a-t-il écrit hier dans le quotidien Yédiot Aharonot. L'expert militaire du journal, Alex Fishman, fait valoir qu'au moins, avec le régime Assad, même s'il s'est allié à l'Iran et au Hezbollah, l'État hébreu sait à quoi s'attendre. « La classe politique israélienne nourrit des sentiments pour la famille Assad, qui a tenu parole pendant des années (en appliquant les accords de désengagement sur le Golan de 1974) et a même parlé d'un arrangement avec Israël aux conditions qu'elle exigeait (...) Il est difficile de se séparer d'une vieille et confortable paire de pantoufles », dit-il.
Selon la radio publique israélienne, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a donné pour consigne aux membres de son gouvernement de s'abstenir de tout commentaire sur les événements en Syrie. « Une très grande incertitude plane sur ce qui se passe (...) Tout peut arriver dans ce pays : des changements au sommet de la hiérarchie, voire la chute du régime, ou encore une plus grande implication de l'Iran », a cependant confié un haut responsable israélien sous couvert d'anonymat.
Israël et la Syrie sont toujours officiellement en état de guerre. Damas exige un retrait intégral du plateau du Golan, occupé depuis 1967. Les dernières négociations de paix entre les deux pays, sous médiation de la Turquie, ont été suspendues fin 2008 à la suite de l'offensive israélienne sanglante à Gaza.
© AFP