mercredi 13 avril 2011

La recette du cocktail « terroriste » de Gaza

Gaza - 12 avril 2011
Par Refaat Alareer
L’auteur est professeur d'anglais de l'Université Islamique de Gaza
Les Gazaouis sont devenus des combattants dans une bataille qui leur a été imposée. Ils sont des soldats qui ne veulent pas être soldats.
Mohammed devait avoir deux ans lorsqu’il a eu une forte fièvre et une infection aigue de l’oreille. Il commençait à faire ses premières phrases. Avec ses grands yeux verts, et malgré la maladie, c’était un petit garçon très éveillé. Sans le couvre-feu israélien imposé sur Gaza récemment occupée, il y a quelques quarante ans, ses parents auraient pu le faire transporter à la clinique la plus proche. Comment auraient-ils pu s’aventurer dehors alors qu’ils entendaient tant d’histoires de gens tués d’une balle dans la tête pour avoir défié le couvre-feu ?
La recette du cocktail « terroriste » de Gaza
On leur a dit que les soldats israéliens lourdement armés ne vérifiaient pas ou ne voulaient pas vérifier si leur voisin, Abu Salma, emmenait son bébé qui souffrait des dents chez sa grand-mère, pour qu’elle lui prépare un médicament à base d’herbes médicinales. Il n’avait pas de montre pour regarder l’heure. Les soldats israéliens si. Il était sept heures cinq. Ou du moins c’est ce qu’ils ont affirmé. Ils lui ont tiré dessus. Pour Abu Salma, il faisait encore jour. Sa petite fille, Salma, qui qu’elle dormait dans une ruelle étroite empruntée seulement par des animaux errants, et les jeeps des patrouilles israéliennes, s‘est mise à pleurer. Abu Salma a perdu son sang, tout son sang. Même les cris perçants de sa fille n’ont pu faire bouger son corps sans vie.
Mohammed est devenu sourd.
Quelques quarante ans plus tard, le plus jeune fils de Mohammed, Bilal, est tombé, dans une ruelle étroite, la tête arrachée par un missile israélien errant (?). Ce n’était que récemment que Bilal avait appris comme son père était devenu sourd. Il n’avait jamais posé de question. Pour lui, son père était né comme ça. C’est lorsque Bilal a dit à sa mère pourquoi il hésitait à se marier. Il craignait que la surdité ne soit dans ses gènes. Mais sa mère, Salma, lui a dit la vérité. « Est-ce que mon père le sait ? », a demandé Bilal quelques temps après. « Non ! » Bilal, qui voyait combien son père souffrait de sa surdité, a juré de le venger : faire payer à ses gangsters sans cœur.
Le père de Bilal est maintenant trop faible pour qu’on lui dise qu’il a perdu son fils le plus cher. Mais au moins 20 des parents et amis de Bilal ont juré de faire payer ces gangsters sans cœur.
Seuls les Gazaouis savent de quoi est faite la paix. Ca n’a jamais été les sessions de brainstorming et de discussions dans les salles luxueuses des hôtels cinq étoiles qui ont conduit à la paix. On peut faire la paix en éliminant les causes et les blessures et les cicatrices causées par la guerre. Les dirigeants israéliens le savent. Pourtant, Israël a réussi à graver des blessures, des douleurs et des souffrances dans le cœur de chaque Palestinien. Certains cœurs sont dévastées par des strates de souffrances, de douleurs et de blessures.
Israël, apparemment pour tester et commercialiser son système Dôme d’Acier, s’est arrangé pour provoquer les Palestiniens et tuer 20 d’entre eux, pour la moitié des enfants, des femmes et des vieux. La nouveauté frappante, dans cette politique israélienne folle, c’est que cette fois, les rats de laboratoire n’ont pas été les seuls Palestiniens de Gaza, mais aussi les habitants israéliens des villes adjacentes à la Bande de Gaza dont les vies ont aussi été utilisées par leur gouvernement pour tester, et faire la promotion, de son nouveau système Dôme. Ne faut-il pas qu‘ils se cachent des roquettes artisanales gazaouies ?
Les Gazaouis savent très bien que cela va apporter beaucoup d’argent à Israël, mais, du moins à long terme, cela ne leur apportera pas ni la paix ni la tranquillité, car plus de cœurs ont été brisés, plus de promesses ont été faites, et plus de jeunes gars pleins de promesses ont décidé de rejoindre la résistance palestinienne, à force de voir leurs parents, leurs amis et leurs voisins assassinés sous leurs yeux.
Les Palestiniens n’ont pas besoin d’incitation. L’occupant est leur professeur. Ils savent que peu importe jusqu’où tu envisages ton avenir, ou ce que tu sauvegardes, ou combien tu travailles dur pour être en sécurité, la mort finira par t’avoir. Ils ont vu des dizaines de fois comment des très vieux, des très jeunes, et des talents très prometteurs, ont perdu leurs vies par le double israélien du macho.
Qu’a fait Nedal, 22 ans, qui était en plein préparatif de son mariage ? Elle n’était pas dans la rue, elle ne servait pas de bouclier humain et elle ne tirait pas sur les chars israéliens. D’accord, elle était jeune et aurait pu donner naissance à des combattants de la liberté potentiels. Et sa mère quadragénaire ? Pourquoi a-t-elle été tuée ? Si le monde ne peut pas voir ça, les Gazaouis le peuvent. Et ils n’oublieront pas.
C’est pour tout ceci que les Gazaouis savent que la paix va bien au-delà de trouver un partenaire de paix « adéquat ». La paix requiert une nouvelle génération entière qui n’aura pas été confrontée au terrorisme systématique des gouvernements israéliens successifs. En occupant les terres palestiniennes, Israël a creusé lui-même sa tombe. Ils le savent. Et ils n’essaient même pas d’arrêter de creuser.
Traduction : MR pour ISM