mercredi 23 février 2011

Merci, Obama, de révéler à la gauche israélienne vos véritables couleurs

publié le mardi 22 février 2011
Akiva Eldar
 
Au lieu de critiquer l’hypocrisie d’Obama, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ferait bien d’enlever sa veste, de quitter ses bureaux et d’inviter les jeunes sous une tente de protestation sur la Place des Lions à Ramallah.
La décision prise par le lauréat du prix Nobel de la paix 2010, Barack Obama, d’opposer un véto à une résolution demandant à Israël de ne pas mener d’activités considérées comme subversives pour les efforts de paix, constitue une victoire de la politique intérieure sur la politique étrangère dans la super puissance qui dirige le monde. L’excuse boiteuse considérant à dire que le fait de dénoncer la construction des colonies serait dommageable pour le « processus de paix » est une victoire de l’opportunisme sur la moralité.
Il y a deux semaines, pendant la manifestation sur la Place Tahrir au Caire, la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton déclarait que les Etats-Unis étaient attachés au « droit universel de tous les individus de vivre libres ». Même Ehoud Olmert, l’ancien premier ministre israélien, diplômé du « camp nationaliste », affirme dans son livre que les colonies violent les droits humains, la qualité de vie et la liberté de mouvement des Palestiniens.
Que se passerait-il si l’ambassadrice des Etats-Unis aux Nations unies, Susan Rice, se joignait aux autres Etats du Conseil de Sécurité et qu’elle votait en faveur de la résolution qui condamne les activités de colonisation israéliennes ? Est ce que le gouvernement Netanyahou-Lieberman-Barak imposerait un gel de l’activité de colonisation ? George Mitchell, l’envoyé spécial [des Etats-Unis] pour la paix au Moyen-Orient, connait la réponse. Il y a dix ans, un comité international qu’il présidait a conclu que la politique israélienne de colonisation était cause d’ humiliation pour les habitants des territoires [palestiniens occupés] et qu’elle perturbait leur vie. Mitchell et ses collègues appelèrent Israël à décider si les colonies étaient une carte pour marchander lors de futures négociations ou si elles constituaient une provocation qui empêcherait que ces négociations ne commencent. Le comité recommanda le gel de l’extension des colonies, même dans le cas de l’« expansion naturelle ». Le gouvernement israélien accepta ce rapport.
Depuis lors, la population des colonies a augmenté de 50 000 personnes. Les recommandations du Comité Mitchell, que l’on gèle les colonies dans leur ensemble et que l’on démantèle les avant-postes coloniaux établis après mars 2001, étaient incluses dans l’étape A de la Feuille de route présentée aux deux parties par le Quartette en avril 2003. (Le gouvernement Sharon ne fit pas référence à cette recommandation de gel quand il présenta 14 réservations à la Feuille de route. ) Quelques mois plus tard, le Conseil de Sécurité vota à l’unanimité pour une proposition de l’administration Bush qui appelait Israël et les Palestiniens à honorer leurs obligations dans le cadre de la Feuille de route (Résolution 1515 ). Que s’est-il passé ensuite ? C’est correct : les colonies ont continué à grandir. Les avant-postes coloniaux aussi. Il convient de mentionner qu’en juin 2009, Benjamin Netanyahou a informé la Knesset que son gouvernement avait l’intention d’adopter une politique de "démantèlement des avant-postes non autorisés."
Contrairement à ce qu’affirment les Américains, une autre dénonciation par le Conseil de Sécurité n’aurait pas réduit les chances de promouvoir des négociations de paix, de même que le véto qu’ils ont mis n’augmente pas la probabilité que Netanyahou change de position et qu’il vienne présenter ses positions sur les questions clé. Depuis1967, la communauté internationale, menée par les Etats-Unis, n’a traité avec les Palestiniens que du bout des lèvres et dans les dernières années, a apporté un financement considérable des contribuables. Aucun Etat ne sera créé en conséquence de cela. Si ce n’était grâce aux masses égyptiennes qui se sont courageusement opposées à la police sur la Place Tahrir, les Américains seraient encore en train de bavarder hypocritement sur les rapports inquiétants du Département d’Etat concernant les violations des droits humains en Egypte.
"Il y a une nouvelle génération au Moyen-Orient qui est en recherche d’opportunités," a déclaré Obama, quand il comprit que l’ère Moubarak touchait à sa fin. Le président ajouta : "Les dirigeants ne peuvent pas être à la traine des exigences posées par les jeunes." De toute évidence, ces mots s’appliquent aussi aux jeunes de Naplouse et de Jérusalem-Est qui, après 43 ans d’occupation, sont avides de libération, de liberté et de dignité.
Au lieu de critiquer l’hypocrisie d’Obama, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, ferait bien d’enlever sa veste, de quitter ses bureaux et d’inviter les jeunes sous une tente de protestation sur la Place des Lions à Ramallah.
Au lieu de jouer avec l’ illusion que les Nations unies vont reconnaître l’Etat palestinien, Abbas devrait annoncer que, si Netanyahou persiste dans son refus de présenter un plan permanent sur les frontières, l’Autorité palestinienne dira aux donateurs qu’elle ferme ses portes et qu’elle en rend les clés au gouvernement militaire d’Israël. Dans ces circonstances, peut-être que même la gauche israélienne arrêtera de pleurnicher sur l’ « hypocrisie » du monde et qu’elle se défera de l’illusion qu’un quelconque politicien étranger prendra le risque de perdre son boulot pour nous sauver de nous-mêmes.
Merci, Obama, d’avoir baissé le masque et montré votre véritable visage. Il est grand temps que nous nous regardions dans la glace.