mardi 8 février 2011

L’écho de la révolution égyptienne dans les médias israéliens : L’Occident perd le Moyen-Orient

[ 08/02/2011 - 00:43 ]
Roï Nahimas – Palestine occupée
L’Iran n’y est pas pour quelque chose. L’organisation d’Al-Qaïda n’a pas mené d’opération terroriste et n’a pas publié de bande enregistrée. Et le Hezbollah n’est pas apparu sur la scène. Sans tout cela et après un mois de perturbations dans le Moyen-Orient, il est clair que le camp allié des Etats-Unis au Moyen-Orient a reçu un coup dur. Bien que les partisans du président égyptien Hosni Moubarak aient attaqué les protestants mercredi 2 février, il est certain qu’en quelques jours seulement sont tombées plusieurs personnalités qui avaient de très bonnes relations avec la Maison Blanche.
Le premier dirigeant à avoir perdu son fauteuil est le président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali. Celui-là avait de bonnes relations avec les Américains. Il a reçu une grande délégation du ministère israélien des affaires étrangères. Il a fait entrer la laïcité dans son pays et l’a poussé vers le haut, culturellement. Cependant, la déception et la colère des Tunisiens l’ont fait tombé et poussé vers l’extérieur.
L’autre dirigeant qui attend son tour est le président égyptien Hosni Moubarak qui a déclaré, le 1er février, qu’il quittera la présidence dans quelques mois. Nous savons que ce président n’a jamais tourné le dos aux Etats-Unis, dès ses premiers instants en 1981, sauf un peu avec l’ancien président américain George Bush fils. Il a même envoyé des troupes aux côtés des Américains durant la première guerre du Golfe. Il a préservé l’accord de paix avec "Israël", en dépit de toutes les guerres et de tous les conflits auxquels notre région fait face.
L’autre dirigeant qui a décidé de payer le prix avant qu’une révolte populaire n’éclate est le président yéménite Ali Abdallah Saleh. Celui-ci est resté sur le fauteuil quelque trente-deux ans. Il a déclaré qu’il ne se présenterait pas à un nouveau mandat dans deux ans. Il s’est vu obligé de faire une déclaration suite à de grandes manifestations sorties protester contre sa guerre contre les tribus houthies chiites et les sympathisants d’Al-Qaïda au Yémen.
Les opposants au président yéménite l’accusent d’être un agent des Etats-Unis. Ainsi, la coopération avec les Etats-Unis devient vilaine pour les dirigeants de la région.
Voilà qu’en moins d’un mois, trois dirigeants qui avaient de bonnes relations avec Washington perdent leurs fauteuils. Dans ces trois pays, les protestataires ont pris le soin de préciser la coopération de ces dirigeants avec les Etats-Unis et "Israël". L’affaire n’est pas de bonne augure, surtout en remarquant le ton du président iranien Ahmadinejad et celui du premier ministre turc Recep Erdogan, dans deux pays qui étaient auparavant des amis des Etats-Unis ainsi que d’"Israël".
L’aiguille, qui a commencé à tourner vers les Américains, après la guerre d’octobre 1973, commence maintenant à tourner dans la direction opposée, sous le regard d’un Occident impuissant et refusant d’intervenir devant les évènements.
Les regards s’orientent actuellement vers la Jordanie qui pourrait vivre une révolution populaire contre un roi qui garde de bonnes relations avec l’Occident. Les regards s’orientent également vers l’Arabie Saoudite et la Syrie. Les deux rois Abdallah et Bashar Al-Assad pourraient-ils stopper la colère populaire montante dans la région ? Réussissent-ils à traiter avec les masses qui croient de plus en plus en leur capacité à faire tomber les dirigeants ?
Avant de lire l’avenir, nous devons souligner que l’affaire n’est pas encore achevée. Ces trois dirigeants, partis ou sur le point de départ, ne sont pas encore remplacés. Le combat réel concernera le nouveau dirigeant et sa nature. En Egypte, une vraie bataille se déroule au sujet du nouveau dirigeant et de son identité. Sera-t-il du parti national démocrate, celui de Moubarak, ou du groupe des Frères Musulmans ?!
Moubarak préfère que le vice-président Omar Soulayman le remplace. Toutefois, on ne pourrait exclure deux alternatives : un faible remplaçant ou un membre du groupe des Frères Musulmans. Ces deux choix montrent, plus ou moins, un éloignement réel d’"Israël", voire même la possibilité d’un Egypte à nouveau ennemie. Et en ce qui concerne la Tunisie, on ne sait encore qui va succéder à Ben Ali, au moment où ses alliés sont toujours au pouvoir. Et pour le président yéménite, il a deux ans devant lui pour préparer son successeur.
Vers où s’oriente le nouveau Moyen-Orient ? L’horizon sera plus clair, après la fin du combat actuel mené par le président Moubarak et la réaction de Washington. Si Moubarak réussissait à rester au pouvoir les quelques mois restant de son mandat, il réussirait à passer le pouvoir à Omar Soulayman ou à une autre personne de son parti. Nous devons cependant remarquer que les réactions de la rue égyptienne n’encouragent point à un tel scénario.
Sur un plan plus large, il est clair que le camp modéré de la région a reçu un coup. Les preuves sont explicites. Les Iraniens n’ont pas eu à cacher leur joie, en comptant les jours avant le départ de Moubarak, qu’ils ont souvent critiqué. Amman, Damas et Riyad espèrent toujours limiter les dégâts ; et en Egypte, Moubarak croirait que le conflit n’est pas encore terminé.
Article écrit par Roï Nahimas, publié dans le journal hébreu Yediot Ahronot, le 3 février 2011
Traduit et résumé par le département français du Centre Palestinien d’Information (CPI)