mercredi 15 décembre 2010

Les Palestiniens de Jérusalem, défiant Israël, clament : « Nous resterons ici »

mardi 14 décembre 2010 - 10h:35
J. Kestle-D’Amours - E.I
« Nous avions creusé un puits, ils l’on détruit. Nous avions planté des arbres, ils les ont arrachés. Nous avions posé des barbelés autour de la zone afin que les animaux en divagation ne puissent entrer, ils les ont ôtés aussi, » déclare un habitant d’Issawiya.
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Des centaines de militants palestiniens, israéliens et internationaux manifestent contre l’occupation israélienne à Issawiya, dans Jérusalem-Est occupée, le 3 décembre 2010.
Photo : Anne Paq/ActiveStills
Un immense drapeau palestinien déployé a été monté au sommet d’une colline abrupte à Issawiya (au nord-est de la vieille ville palestinienne à Jérusalem-Est - ndt), le 3 décembre, passant de mains en mains parmi les 200 militants palestiniens, israéliens et internationaux qui participaient à la toute première marche et manifestation de solidarité dans ce quartier de Jérusalem-Est occupée.
Les gens applaudissaient et poussaient des cris quand le drapeau arrivait et passait au-dessus de leurs têtes, et de nombreuses pancartes disaient « Halte à l’enfermement d’Issawiya » et « Halte à l’occupation d’Issawiya ».
En effet, ces dernières semaines, le contraste entre la colonie israélienne de French Hill - où se trouve le principal campus de l’université hébraïque de Jérusalem et l’hôpital Hadassah - et le village voisin d’Issawiya s’est amplifié avec la présence quasi constante des soldats et des forces de police d’Israël dans ce village palestinien.
« C’est comme si la civilisation s’était arrêtée à la frontière entre French Hill et Issawiya » dit Hani Isawi, membre du Comité de suivi d’Issawiya, lors d’une réunion des habitants du quartier le 24 novembre.
« D’une part, nous souffrons parce que, comme le reste du peuple palestinien, nous vivons sous l’occupation israélienne, et d’autre part, nous souffrons d’une politique manifestement discriminatoire de la part de la municipalité de Jérusalem », dit Isawi.
Récemment, les médias israéliens ont parlé d’un groupe de jeunes Palestiniens qui avaient lancé des pierres sur une voiture de juifs israéliens qui s’étaient égarés dans Issawiya et ils demandaient aux dirigeants de revenir à Jérusalem-Ouest.
En réaction, et ce que les habitants voient comme une punition collective à la suite de ces jets de pierres, les autorités israéliennes ont fermé les entrées et les sorties d’Issawiya. Aujourd’hui, seules deux entrées restent ouvertes, dont l’une a été transformée en check-point tenu par des soldats israéliens, causant des retards systématiques aux 15 000 habitants palestiniens du quartier.
« Nous sommes vraiment découragés, nous ne sommes pas d’accord avec ce genre d’actions telles que les attaques contre des civils, » dit Isawi « mais les Israéliens s’en servent comme prétexte pour appliquer des politiques encore plus dures contre nous ».
La police et les soldats israéliens ont arrêté au moins dix jeunes de moins de 16 ans, et plus de deux douzaines d’autres plus âgés depuis le mois d’octobre, d’après le Comité de suivi d’Issawiya. Ils enveloppent régulièrement Issawiya sous des nuages de lacrymogènes lors des affrontements avec les jeunes Palestiniens, notamment peu après la manifestation de vendredi dernier.
Le 24 septembre, un bébé palestinien de 18 mois est mort à Issawiya après avoir respiré les gaz ; les forces israéliennes avaient lancé des grenades lacrymogènes sur une manifestation qui protestait contre le meurtre de Samer Sarhan dans le quartier voisin de Silwan.
Plus assez de place pour nous agrandir
A trois kilomètres des murailles de la vieille ville de Jérusalem, Issawyia se situe aujourd’hui entre les colonies israéliennes de French Hill à l’ouest, et Maale Adumim - l’une des plus importantes colonies israéliennes en Cisjordanie avec plus de 34 000 colons - à l’est.
En 1968, l’Etat israélien a confisqué 400 des 3000 dunums (300 ha) de terres d’Issawiya pour y construire la colonie French Hill qui relie l’université hébraïque et l’hôpital Hadassah à Jérusalem-Ouest.
En plus de la saisie de cette terre, Israël a aussi pris 2000 dunums à Issawiya pour en faire des « zones vertes », ce qui fait que pour les habitants du village, la moindre construction est devenue illégale. Aujourd’hui, il ne reste, pour les habitants d’Issawiya, que 600 dunums pour construire des maisons ou d’autres bâtiments.
« Nous sommes confrontés à de très sérieux problèmes d’offres de logements en nombre suffisant pour répondre à la croissance naturelle (de la population à Issawiya), » dit Hani Isawi. « Alors qu’on entend en permanence aux informations que des milliers et des milliers de nouveaux logements vont être construits dans les quartiers juifs, depuis 1990 il n’y a pas eu un seul projet d’urbanisme pour Issawiya qui nous aurait permis vraiment de construire plus de maisons et de répondre aux besoins de notre croissance naturelle ».
Ces dernières semaines, les forces israéliennes ont détruit des élevages, des terres agricoles et d’autres structures dans le village.
« La police des frontières israélienne et d’autres organismes administratifs ont détruit 12 exploitations agricoles dans notre zone. Par là, il faut aussi entendre des arrachages d’arbres » explique Sheikh Riad Isawi du Comité de suivi d’Issawiya.
« Israël est probablement le seul endroit au monde où l’arrachage des arbres est autorisé. Ainsi, non seulement les êtres humains souffrent de l’occupation israélienne, mais aussi les arbres, et la nature » dit-il.
L’ampleur de la politique israélienne de destructions à Issawiya s’est manifestée clairement en juillet de cette année, quand les forces israéliennes ont démoli des maisons et saccagé des terres cultivées pendant deux semaines pleines.
« Nous avions creusé un puits, ils l’on détruit. Nous avions planté des arbres, ils les ont arrachés. Nous avions posé des barbelés autour de la zone afin que les animaux en divagation ne puissent entrer, ils les ont ôtés aussi, » a dit un habitant d’Issawiya, Abid Darwish en juillet, alors qu’il regardait les autres étaient en train de saccager sa terre.
« Avec tout cela, nous ne pouvons même plus nous trouver un endroit juste pour nous asseoir et respirer. Cette terre appartient aux familles d’ici à Issawiya : Darwish, Mustafa, Alayyan, Abu Hommos, et à bien d’autres, » avait ajouté Darwish.
Depuis juillet, 400 arbres ont été déracinés et au moins 16 bâtiments ont été démolis dans Issawiya.
L’annexion se poursuit
E1, le projet colonial actuellement au point mort lancé en 1994, doit encore annexer de nouvelles terres estimées à 12 400 dunums, à Issawiya et dans les villages voisins d’al-Izzariya et d’al-Tur. Le bloc de colonies E1 comprendrait 3 500 logements pour près de 14 500 nouveaux colons - et consoliderait Maale Adumim en la reliant à Jérusalem-Ouest, selon l’Institut de Recherches appliquées de Jérusalem.
A ce jour, les autorités israéliennes ont construit un commissariat de police et une base militaire dans la zone, et elles ont ouvert des routes, monté des check-points et d’autres infrastructures de base en préparation du projet et de sa relance.
« Toute liaison entre Maale Adumim et Jérusalem-Ouest ne pourra se faire qu’au détriment d’Issawiya, » dit Hani Isawi. « L’objectif de ces mesures est de faire de plus en plus pression sur la population d’Issawiya, et de faciliter les confiscations de terres à venir dans notre zone. »
Toujours selon Isawi, que le projet E1 soit relancé ou non, rester à Issawiya, en dépit des pressions sans relâche des Israéliens, sera toujours une nécessité.
« Notre combat contre les autorités israéliennes s’exprime à travers notre présence ici, dans notre village, et face aux projets de saisies. » dit-il. « Nous resterons ici. Nous ferons toujours partie du peuple palestinien. »
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Originaire de Montréal, Jillian Kestler-d’Amours est journaliste et cinéaste documentaliste. Elle réside à Jérusalem-Est. Son site : http://jilldamours.wordpress.com/
Du même auteur :
9 décembre 2010 - The Electronic Intifada - traduction : JPP
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