vendredi 19 novembre 2010

Les usines israéliennes de produits chimiques toxiques développent le cancer chez les habitants de Cisjordanie

17 novembre 2010 - Les usines de l’industrie chimique dans les colonies empoisonnent les terres palestiniennes avec des déchets toxiques et exposent les habitants à des émanations cancérigènes. Les salariés de ces usines sont plus vulnérables face au cancer du fait que leurs employeurs ne leur fournissent pas les vêtements de protection indispensables.
Article spécial de Sophie Crowe.
La zone industrielle de Nitzanei Shalom (« Les bourgeons de la paix ») est située entre la ville cisjordanienne de Tulkarem et la frontière avec Israël. La terre a été vidée de ses Palestiniens par l’armée israélienne dans les années quatre-vingt et aménagée comme site pour des entreprises traitant des produits chimiques dangereux, interdits par la loi en Israël. Geshuri Industries est l’une de ces entreprises, elle produit des pesticides, des insecticides et des engrais. À l’origine, elle était implantée dans la ville israélienne de Kfar Saba, jusqu’à ce qu’un tribunal décide qu’elle constituait un risque pour la santé et l’obligeait à fermer en 1982. Pour échapper aux lois strictes sur l’environnement en Israël, son propriétaire a déplacé son usine à Nitzanei Shalom.
Les usines dangereuses comme celle-ci se trouvent généralement dans les colonies, sous la juridiction de l’Administration civile israélienne, où l’Autorité palestinienne n’a aucun mandat. La loi palestinienne est impuissante pour s’opposer au développement de ces sites à risques.
Geshuri est entourée de terres agricoles qui ont été dévastées par ses déchets chimiques. Les arbres ont perdu leurs feuilles et une grande partie des terres ne peut plus être utilisée pour l’agriculture. Certains légumes poussent à 100 m de l’usine, dans un terrain empoisonné, pour être vendus sur les marchés dans les villes voisines.
La Dr Kifaya Abu-El Huda, de l’université du Caire, a mené des recherches approfondies sur les conséquences environnementales des usines chimiques en Cisjordanie. « Le bassin occidental de Tulkarem et Salfit est très important pour le reste des terres palestiniennes. La nappe phréatique est très proche de la surface et donc exposée à la pollution » dit Kifaya. Elle pense que toute l’eau dans les puits du bassin occidental est polluée. La pollution de l’air provoque des maladies respiratoires et des infections oculaires chez les habitants de la zone. « Geshuri est venue à Tulkarem, et les niveaux des cancers se sont accrus, provoqués par les émanations toxiques ». Une famille tout entière vivant à proximité de l’usine est maintenant asthmatique.
L’usine Geshuri fonctionne onze mois sur douze, pendant lesquels les vents d’ouest poussent les émanations vers l’intérieur de la Cisjordanie. Elle ferme ses portes pendant la période où les vents changent et soufflent vers Israël, afin de s’assurer que les émanations toxiques ne polluent pas l’environnement israélien.
Arafat Amro, de Kav LaOved, une association de défense des droits des travailleurs, nous a dit que l’usine Sol Or, qui répare les bouteilles de gaz à Nitzanei Shalom, expose les salariés palestiniens dans des conditions dangereuses. « Les Palestiniens qui y travaillent ne perçoivent pas les masques spécifiques qu’il leur faudrait pour ces tâches hautement dangereuses, l’employeur ne leur fournit que des masques légers ordinaires. Cinq travailleurs sont décédés ici ces dix dernières années, dans des accidents où ils furent brûlés par les produits chimiques. Un travailleur a aujourd’hui un cancer. »
Le protocole normal pour ces usines est de surveiller la santé des travailleurs par des examens médicaux tous les six mois, une pratique que négligent les employeurs israéliens dans les colonies. Kav LaOved conseille aux salariés de voir un médecin régulièrement et de tenir un dossier afin de prouver que c’est l’environnement de l’usine qui est le responsable. Amro dit que beaucoup de salariés ne savent même pas qu’ils sont atteints d’un cancer, jusqu’à ce qu’il soit trop tard. « Cette usine aurait dû être installée loin de la population, pas à côté de zones d’habitation ».
« Les zones industrielles sont construites au sommet des collines, leurs eaux usées s’écoulant sur les villages palestiniens dans les vallées. Les usines brûlent également leurs déchets et les abandonnent sur des terres agricoles palestiniennes » déclare Kifaya. Barkan, la colonie industrielle la plus importante de Cisjordanie, comporte une centaine d’usines de produits chimiques, et la colonie Ariel ravage la ville palestinienne de Salfit, dans le nord de la Cisjordanie. « La vallée Qana de Salfit, autrefois magnifique, est aujourd’hui polluée par ces usines, » dit Kifaya. Brukeen, l’un des villages environnants de Salfit, souffre des effets polluants de la colonie industrielle Ariel, notamment on y signale un haut niveau de cancer.
Fathi Nasser, porte-parole de la Fédération générale des syndicats palestiniens, nous a dit : « A 20 km à l’ouest de Naplouse, une colonie a commencé à déverser ses nuisances tout près de la source d’eau qui sert à l’ensemble de la zone de Naplouse, et qui sera probablement polluée ». Les autorités de Naplouse ont protesté mais en vain, les lois environnementales de l’Autorité palestinienne sont inopérantes ici. Un tribunal a déclaré dangereuse pour l’environnement une usine productrice de pétrole près de Naplouse et a ordonné sa fermeture. Le propriétaire a pu ne tenir aucun compte de cette décision, l’usine étant en zone C.
Il faut encore approfondir les recherches sur le nombre des personnes qui tombent malade et sur la gravité de la pollution de la terre, pense Kifaya qui s’inquiète des dégâts qui se feront sentir plus vivement encore chez les prochaines générations. Ces usines illégales sont un autre exemple de l’étouffement de la Cisjordanie par Israël, par le biais de son environnement et ses agressions contre la santé publique.
http://www.palestinemonitor.org/spi...
traduction : JPP
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