Mira Edelstein
On  a souvent tendance à associer le  Proche-Orient avec le pétrole. Mais  aujourd’hui, dans les villes, villages et fermes de la région, c’est  l’accès à une ressource différente qui devient un casse-tête : l’eau. Il  est essentiel de s’attaquer à ce problème non seulement pour assurer  les conditions d’un avenir viable, mais aussi pour donner une chance à  la paix.
Il y a pénurie d’eau dans la  région. Dans le même temps, les eaux usées urbaines et industrielles qui  circulent à travers le bassin de l’Hébron et du Besor, qui coulent  depuis la Cisjordanie, à travers le Néguev dans le sud d’Israël, jusqu’à  la Méditerranée, ont endommagé l’environnement et posé de graves  problèmes de santé aux résidents de la contrée, exacerbant du coup les  tensions politiques, toujours présentes [1].  Tout récemment, le débordement d’un égout dans une colonie israélienne  en Cisjordanie a provoqué une contamination de l’environnement et des  champs d’un village palestinien voisin.
Naguère, le Jourdain charriait, bon an mal an, 1,3  milliards de mètres cubes d’eau douce jusqu’à la Mer Morte. Aujourd’hui,  ce volume est tombé à 20 ou 30 millions de mètres cubes en raison de la  diversion de 98 pour cent de son débit par Israël, la Jordanie et la  Syrie pour des usages agricoles et domestiques. La raréfaction de  l’apport d’eau à la Mer Morte est la raison première de son assèchement,  sans parler d’activités minières intensives.
Ces exemples de pollution de l’eau et de perte des  ressources ne sont qu’un aspect de la crise de l’eau au Proche-Orient.  Pour compliquer le problème, les responsables nationaux et régionaux  continuent de fonctionner hors de toute planification ou gestion  raisonnée des principales sources d’eau de la région : le Jourdain, la  Mer Morte, et les aquifères côtiers et d’altitude. Sans parler du  conflit arabo-israélien qui bloque souvent la mise en place de solutions  viables de gestion partagée de la ressource.
La région doit certes résoudre ses problèmes  d’environnement, mais elle doit avant tout régler les vieux conflits qui  empêchent tout règlement de ses problèmes d’eau. EcoPaix/les Amis de la  Terre Proche-Orient (FoEME), fondé en 1994 sous le nom EcoPaix, s’est  transformée depuis en une organisation régionale unique composée  d’environnementalistes israéliens, palestiniens et jordaniens. Elle a  réussi à établir des actions coopératives transfrontalières visant à  faire prendre conscience du problème et à inverser la dégradation d’un  héritage environnemental partagé, tout en suscitant de bonnes relations  et la confiance mutuelle.
Le projet Bons voisins de l’eau (GWN) lancé par les Amis  de la Terre PO est un exemple d’activité qui engendre un esprit de  coopération. GWN organise le jumelage de collectivités de part et  d’autre de la frontière israélo-jordanienne, des partenariats entre  collectivités israéliennes et collectivités palestiniennes ou  jordaniennes partageant des ressources en eau communes afin de régler  les problèmes de pénurie et de pollution. Cette interaction permet à des  collectivités voisines de s’unir pour la réhabilitation du milieu,  démontrant ainsi l’importance et la réussite d’une gestion écologique  transfrontière.
Ainsi, entre 2007 et 2009 les collectivités partenaires  de Tsur Hadassah en Israël et Wadi Fukin en Palestine, à force de  pétitions, de campagnes et de menaces de procès contre le Ministère  israélien de la Défense sont parvenues à empêcher la construction entre  leurs villes de la barrière de séparation qui aurait irrémédiablement  compromis leur accès commun à l’eau. Elles se sont lancées ensemble dans  d’autres projets : la vente à Jérusalem des fruits et légumes produits à  Wadi Fukin par le biais d’une coopérative gérée par un résident de Tsur  Hadassah, ou encore des visites et échanges entre jardins d’enfants ou  écoles primaires pour contrer les préjugés et la méfiance dès la plus  tendre enfance. Leur dernière idée : la création d’un parc qui sera  situé entre la ville israélienne et le village palestinien.
Tout dernièrement, FoEME a plaidé pour une coordination  transfrontière entre Israël, la Palestine et la Jordanie pour garantir  le développement durable du Jourdain et de la Mer Morte, alors que la  Banque mondiale, de son côté, travaille sur les plans d’une conduite  entre la Mer Rouge et la Mer Morte pour faire remonter le niveau de  cette dernière. Mais ce projet a l’inconvénient de présenter des risques  graves pour le milieu extrêmement sensible de la Mer Morte et modifier  sa composition minérale unique. FoEME défend également la régénération  du cours inférieur du Jourdain, qui débouche dans la Mer Morte.
Ces temps derniers encore, FoEME a encore organisé un  événement dénommé “Un grand saut dans le Jourdain inférieur” pour  attirer l’attention sur la situation écologique de ce cours d’eau. Des  maires, des conseillers municipaux, des jeunes venus d’Israël, de  Palestine et de Jordanie se sont jetés à l’eau pour affirmer leur  objectif commun de ressusciter leur fleuve. Il est évident qu’une  mauvaise gestion de l’eau continuera de mettre en danger les moyens de  vie des populations et l’équilibre du milieu, jusqu’à ce que des mesures  énergiques soient prises pour reconstituer des écosystèmes partagés  grâce à une coopération au-delà des frontières.
D’ailleurs, les activités et les recherches de FoEME le  prouvent, la coopération transfrontière peut ouvrir la voie à  l’équilibre du milieu de vie et, qui sait, à la paix.
[1] l’eau est aussi utilisée comme une arme dans la guerre israélienne contre les Palestiniens. Voir La guerre de l’eau ou encore  Israël mène la guerre de l’eau dans les territoires occupés
Mira Edelstein est chargée du  développement des ressources et attachée de presse d’EcoPaix/les Amis de  la Terre au Proche-Orient (FoEME), qui vient de recevoir le Prix  Euro-Med pour le Dialogue entre les Cultures. Pour des renseignements  sur FoEME, voyez www.foeme.org. Article écrit pour le Service de Presse  de Common Ground (CGNews). Source : Service de Presse de Common Ground  (CGNews), 8 octobre 2010
Publié par Info Sud, Tribune des droits humains
note : CL, Afps
 
 
