samedi 11 septembre 2010

Sarkozy, ambitieux au Moyen-Orient

publié le jeudi 9 septembre 2010
Ibrahim Hamidi

 
Devenir négociateur à la place du négociateur, tel est le désir de Nicolas Sarkozy. Il voudrait profiter des tensions entre Israël et la Turquie pour ravir à cette dernière le titre d’intermédiaire entre l’Etat hébreu et le régime syrien. Mais Damas ne l’entend pas de cette oreille...
Les milieux diplomatiques et médiatiques recommencent à parler d’une reprise des négociations indirectes entre la Syrie et Israël, gelées depuis l’offensive israélienne sur Gaza à la fin de l’année 2008. Les uns espèrent que cela permettra d’aboutir à un véritable accord de paix, les autres qu’on arrivera simplement à "faire bouger" les choses. La dernière initiative dans ce domaine revient à Nicolas Sarkozy. Lors de conférence annuelle des ambassadeurs français, le 25 août, à Paris, il a en effet déclaré : "la paix entre la Syrie et Israël est possible. La France, qui a renoué avec Damas un dialogue régulier utile pour toute la région, s’implique aux côtés de la Turquie, dans la recherche d’un accord. Avec Bernard Kouchner, nous avons confié une mission dans ce sens à l’ambassadeur Jean-Claude Cousseran, qui a toute notre confiance." Ce dernier, ancien ambassadeur à Damas, à Ankara et au Caire, a été nommé envoyé spécial du président, chargé de "créer les conditions pour la reprise des négociations".
Ce n’est pas la première fois que le président français affiche son intérêt pour le sujet. A d’autres occasions déjà, il avait fait comprendre qu’il était disponible pour jouer les facilitateurs. Ainsi, lors des négociations indirectes entre Damas et Tel-Aviv durant la seconde moitié de l’année 2008, la France avait proposé d’en accueillir les acteurs ; elle s’était déclarée prête à apporter du soutien technique en termes de cartographie, de limitation de frontières et de dispositifs de sécurité. Cette fois, en investissant Cousseran, Nicolas Sarkozy passe un cran au-dessus et cherche à institutionnaliser le rôle de Paris. Mais il n’est pas le seul sur la brèche. L’Espagne et le Brésil ont eux aussi indiqué leur intérêt ces derniers mois, même s’ils n’ont pas nommé d’envoyé spécial.
Jusqu’alors, il était admis que c’était la Turquie qui faisait office d’intermédiaire. Or Paris pense qu’elle ne peut plus jouer ce rôle, compte-tenu de la dégradation de ses relations avec Tel-Aviv depuis son annulation, en octobre 2009, de manœuvres militaires conjointes avec Israël, l’humiliation infligée, le 11 janvier, à l’ambassadeur turc Oguz Celikkol [Danny Ayalon, le vice-ministre des Affaires étrangères israélien, l’avait reçu en le faisant assoir sur une chaise particulièrement basse] et l’assaut mené par l’armée israélienne, le 31 mai, contre la "flottille pour la liberté". La France est convaincue que le gouvernement Netanyahou veut "punir" celui de Recep Tayyip Erdogan pour sa politique régionale, et notamment l’ouverture d’un dialogue politique avec le Hamas et une volonté affichée d’être "objectif" dans son approche. Dans ce contexte, il y a plus d’un pour considérer que les conditions sont réunies pour se proposer comme solution de recours. Et la France fait partie des prétendants.
L’idée de voir la France s’emparer du dossier enthousiamse Benyamin Nétanyahou, le Premier ministre israélien. Mais les Syriens ne voient pas les choses de la même manière. Ainsi, quand le président syrien Bachar Al-Assad a été reçu à Paris en novembre 2009, il a déclaré [sur un ton qui ménageait son hôte français] : "Il y a la partie syrienne qui souhaite la paix. Il y a un intermédiaire turc qui est prêt à jouer son rôle d’intermédiaire entre les deux pays. Il y a un soutien français, européen et international à un tel processus." Et d’ajouter : "Si les Israéliens veulent sérieusement un processus de paix, qu’ils sachent qu’il y a un intermédiaire turc qui déclare à toute occasion qu’il est prêt à jouer son rôle afin d’amener les deux parties à la table des négociations." Walid Al-Muallim, le ministre des Affaires étrangères syrien, a été encore plus clair : "Damas s’engagera dans des négociations indirectes seulement si c’est par l’intermédiaire de la Turquie", ajoutant que la Syrie "n’y vo[yait] pas d’alternative" et qu’"Israël [devait] en prendre acte".
publié par al Hayat et en français par Courrier international le 6 septembre