samedi 11 septembre 2010

Double peine pour Marwan Barghouti

publié le vendredi 10 septembre 2010
Gilles Paris

 
Marwan Barghouti ne serait que le produit de plusieurs “fables”.
C’est devenu une antienne quand est posée la question de l’avenir de la direction palestinienne. Quid de Marwan Barghouti, ancien député de Cisjordanie, en son temps cadre remuant du Fatah, emprisonné en Israël où il purge cinq peines de prison à vie pour avoir participé selon les autorités israéliennes à des opérations terroristes ? Le Parti communiste français, connu pour ses positions pro-palestiniennes, en a fait un cheval de bataille. Dans certaines municipalités de l’Hexagone, on s’empaille même régulièrement sur sa qualité : assassin ou Mandela en gestation. Ce qui atteste une aura incontestable, quoique controversée.
Le chercheur Jean-François Legrain propose une troisième voie entre le “martyr” et le “terroriste” : “l’apparatchik”. L’historien avait déjà traité cursivement le sujet dans un article consacré à l’Autorité palestinienne (Palestine : un Etat ? Quel Etat ?) en 2009. Il revient à la charge dans un ouvrage collectif dirigé par l’universitaire Bertrand Badie et le journaliste Dominique Vidal, La fin du monde unique (La Découverte, 22 euros) : Marwan Barghouti, à l’en croire, ne serait que le produit de plusieurs “fables”.
Celle d’Israël, tout d’abord, qui consistait à faire de lui le “cerveau” de la seconde intifada et dont l’arrestation signifiait le triomphe de sa politique sécuritaire. Celle des parrains occidentaux des Palestiniens - élaborée notamment par l’universitaire et politologue palestinien Khalid Chikaki - de promotion d’une “jeune garde” du Fatah prête à remplacer la génération des fondateurs, Yasser Arafat en tête, récusé pour double language, affairisme et corruption (et que l’ancien chef de la sécurité de Gaza, Mohammed Dahlan, serait bien en peine d’incarner). Celle enfin des Palestiniens disposant d’un leader en devenir, un quasi “imam caché” (contre son gré), capable de faire la synthèse des principales forces du mouvement palestinien (Fatah et Hamas, dont il côtoie les cadres également emprisonnés en Israël.)
Jean-François Legrain dénonça avec prémonition, en son temps, la “téléologie du processus de paix” israélo-palestinien lorsque celui-ci était fort à la mode. Biographe impitoyable de Marwan Barghouti, il semble considérer que ce dernier flotterait un tantinet dans le costume qui lui est taillé. Chef local sans grande influence en son temps, le plus célèbre détenu palestinien ne serait que “le fantasme d’une communauté internationale dans l’attente d’une sorte de messie nationaliste qui viendrait refermer un mandat populaire islamiste réduit à une simple parenthèse et dont elle s’obstine à ne pas vouloir tenir compte”.
Restent les interrogations sur le poids véritable du Hamas aujourd’hui (ce n’est pas demain la veille qu’il sera mesuré dans des urnes) au vu de son bilan. Il ne faut pas exclure en effet que les Palestiniens ne soient revenus de tout.
publié sur le blog du Monde "Guerre ou Paix"