mardi 3 août 2010

Le suspect du massacre de quatre Palestiniens avait été approché par le Shin Bet

publié le lundi 2 août 2010

Jonathan Cook

 
L’arrestation par le Shin Bet, le service de sécurité intérieure d’Israël, d’un Juif israélien accusé d’avoir tué au moins quatre Palestiniens, a révélé des faits extraordinaires sur la police secrète, notamment qu’elle avait tenté d’enrôler l’accusé pour assassiner un leader spirituel palestinien.
Chaim Pearlman, qui a été arrêté le 13 juillet, a été inculpé du meurtre de quatre Palestiniens à Jérusalem et d’en avoir blessé au moins sept autres dans une série d’attaques au couteau qui a commencé il y a plus de dix ans. La police poursuit toujours l’enquête pour savoir s’il est impliqué dans d’autres attaques.
Bien que jusqu’à vendredi M. Pearlman ait refusé l’accès à un avocat, des groupes d’extrême-droite sont rapidement venus à son aide depuis son arrestation, menant ce que les responsables du Shin Bet ont décrit comme « guerre psychologique, » en rendant publics des détails dommageables sur l’affaire.
Les liens entre le Shin Bet et les organisations de colons illégaux ont été révélés après l’arrestation de M. Pearlman. Le Shin Bet a été obligé d’admettre avoir recruté M. Pearlman à titre d’agent en 2000, au milieu de sa présumée nouba de coups de poignard, en dépit du fait que c’était un membre connu du Kach, un groupe hors la loi qui exige l’expulsion des Palestiniens du « Grand Israël. »
En outre, M. Pearlman a aussi publié les enregistrements faits secrètement de ses dernières conversations avec un agent secret du Shin Bet, qui avait essayé d’obtenir que M. Pearlman se compromette.
L’agent, qui s’est lié d’amitié avec M. Pearlman et est connu sous le nom de « Dada, » peut être entendu en train de l’exhorter à la fois d’aller dans un « village arabe » pour « le transformer en feu d’artifice » et pour exécuter le cheikh Raed Salah, un leader du Mouvement islamique et qui a participé à la dernière flottille d’aide pour Gaza attaquée par Israël.
Dans les 20 heures d’enregistrements avec Dada, dont certaines ont été diffusées à la télévision israélienne, l’agent secret peut être entendu à maintes reprises en train d’inciter M. Pearlman à tuer le cheikh Salah.
Dada dit : « Pourquoi les troupiers n’ont pas tué Raed Salah, peut-il mourir ? Quelqu’un doit prendre soin de lui, l’envoyer dans l’autre monde. »
Il suggère ensuite à M. Pearlman de tirer sur la voiture du cheikh ou de placer une bombe sous elle. « C’est une affaire classique. Rien à perdre, tout marche, » dit-il dans l’enregistrement.
Les conseils de Dada sont venus après que le cheikh Salah a déclaré que les commandos israéliens à bord du navire Mavi Marmara ont tenté de le tuer. M. Pearlman, qui soupçonnait apparemment faire l’objet d’une enquête, a envoyé les enregistrements de ses conversations avec Dada aux médias locaux, pour qu’ils soient diffusés au cas où il serait arrêté.
Autre coup dur pour le Shin Bet, les supporters de M. Pearlman ont diffusé une vidéo filmée en secret du dirigeant de la division juive de l’agence qui a arrêté M. Pearlman, dans laquelle il est nommé ainsi que le lieu où il vit.
Bien que cet agent soit chargé de gérer les affaires de « terrorisme juif, » la vidéo indique qu’il vit à Kfar Adumim, une colonie en Cisjordanie.
Il s’agit d’une infraction pénale de la part d’un employé du Shin Bet, mais il est certain que la diffusion de détails sur ce genre de personnage supérieur engendre chez les fonctionnaires la crainte qu’ils pourraient être en danger, en particulier à cause d’actes de vengeance ou des poursuites ultérieures devant un tribunal international.
Les supporters de M. Pearlman ont posté la vidéo sur YouTube et d’autres sites à l’étranger, ce qui rend difficile de la supprimer pour le Shin Bet.
Nadia Matar, la meneuse du groupe féminin pro-colons Women in Green, a déclaré au Jerusalem Post la semaine dernière que le chef de la division du Shin Bet « doit savoir que, poignarder frères juifs dans le dos a un prix. Les gens doivent être loyaux ou supporter les conséquences [de leurs actes]. »
La façon de procéder du Shin Bet a été exposée en partie par une décision rare du juge qui supervise l’enquête, en partie pour annuler un ordre de bâillon immédiatement après l’arrestation de M. Pearlman.
Abir Baker, un avocat d’Adalah, un centre juridique qui gère les affaires de sécurité palestiniennes, a déclaré :
« Le Shin Bet est confronté à une crise interne avec cette arrestation et les colons essayent d’exploiter cela avec leur campagne.
De nombreux membres du Shin Bet sont eux-mêmes colons, et ils considèrent ces extrémistes comme leurs collègues et non pas comme un ennemi. La ligne de démarcation entre le Shin Bet et ces organisations extrémistes est très floue. »
Contrairement aux affaires d’attaques palestiniennes contre des Israéliens, les attaques de Juifs contre des Palestiniens sont rarement résolues. Cela entraîne la critique que le Shin Bet n’est guère sérieux dans sa manière d’aborder le problème du terrorisme juif.
Amir Oren, chroniqueur au quotidien libéral Haaretz, a accusé le Shin Bet d’avoir « des chaînes à ses pieds et un carcan au cou » quand il enquête sur ces affaires.
Yaakov Teitel, un colon arrêté par le Shin Bet l’an dernier, a été accusé d’avoir assassiné son premier Palestinien il y a 14 ans. Certains observateurs ont suggéré qu’il avait été arrêté seulement après avoir commencé à attaquer des Juifs de gauche, en plaçant notamment une bombe au domicile d’un éminent universitaire en 2008.
Mme Baker a indiqué que les terroristes juifs trouvent qu’il est souvent facile de se soustraire au Shin Bet, car ils ont appris les techniques d’enquête de l’organisation en travaillant comme agents.
Bien que M. Pearlman, âgé de 30 ans, vivait dans la ville israélienne de Yavne, au nord d’Ashdod, au moment de son arrestation, il a été élevé dans une colonie et a vécu à Kfar Tapuach, qui est étroitement associé au mouvement Kach. Bien qu’il soit illégal, Kach opère relativement ouvertement dans les colonies, et ses liens avec M. Pearlman peuvent expliquer la campagne bien organisée rapidement monté pour sa défense.
Itamar Ben Gvir, un assistant du parlementaire Michael Ben Ari, un député qui a gardé des liens avec Kach, a été signalé par la presse israélienne comme étant derrière la campagne médiatique contre le Shin Bet. M. Pearlman est aussi aidé par Honenu, une organisation juridique qui défend les Juifs accusés d’attaquer des Palestiniens.
Un responsable anonyme du Shin Bet a dit la télévision Canal 2, que la campagne dirigée contre eux par l’extrême-droite est « un jeu totalement différent » des affrontements antérieurs.
publié par The National (des émirats), Jonathan Cook, 28 juillet 2010
et en français par Alterinfo
Traduction copyleft de Pétrus Lombard