dimanche 30 mai 2010

Justice à la carte

Edition du 29 mai 2010
Cela n’a absolument rien d’épique, en tout cas pas du genre d’aventure dont se passeraient bien volontiers tous ceux qui militent pour la justice là où elle est absente. C’est ce que cherchent à faire d’illustres anonymes, et c’est à leur honneur, en voulant percer le blocus imposé par Israël à la bande de Ghaza, privant près de deux millions de Palestiniens du strict minimum. Une manière bien à lui de tenter de les soumettre. Leur choix en faveur du Hamas lors des élections législatives de 2005 n’en étant que le prétexte, car ce qui se passe en Cisjordanie n’étant pas moins inhumain et donc moins attaquable et contestable.
Hamas, faut-il le rappeler, a remporté des élections qualifiées de démocratiques par les observateurs internationaux, mais cela n’a pas empêché Israël et certains pays de le déclarer mouvement terroriste et de soumettre la bande de Ghaza à un effroyable embargo. Même le ciment, se rend-on compte, a été décrété produit stratégique pour empêcher la reconstruction de ce qui a été détruit par Israël dans ce territoire, privant ses populations du gîte, sans parler des autres commodités qui ont cessé d’exister. C’est aussi pour briser ce mur du silence qu’une opération a été montée et appelée « Flottille de la paix », sans grands moyens, mais avec beaucoup de volonté pour alerter l’opinion internationale quant à la situation inhumaine imposée aux Palestiniens, où qu’ils soient à vrai dire, puisqu’il faille ajouter tous ces assassinats ciblés et autres formes de persécution, avec un certain consentement de la communauté internationale.
Ce que dit Israël n’a pas d’importance. Il est l’occupant illégal. « Nous avons le droit de quitter les eaux internationales pour entrer dans les eaux de Ghaza. Nous avons été invités par la population de Ghaza », a déclaré l’une des organisatrices de l’opération, marquée aussi par le silence des organisations dites de défense des droits de l’homme, acceptant tout juste de compter les morts. Normalement, cette flottille arrivera aujourd’hui au large des côtes palestiniennes à bord de huit bateaux chargés de 10 000 tonnes d’aide humanitaire et de matériaux de construction, mais Israël a averti que les navires ne seront pas autorisés à accoster.
D’après les organisateurs, les bateaux transporteront quelque 750 personnes originaires d’une soixantaine de pays, ainsi que des dizaines de responsables de pays européens et arabes. L’aide transportée consiste notamment en 100 maisons préfabriquées, 500 fauteuils roulants électriques, ainsi que d’équipement médical et des matériaux de construction. Et comme toujours, le ministère israélien des Affaires étrangères a qualifié les militants d’« anti-israéliens et d’éléments de l’Islam radical », échappant à d’autres accusations du genre anti-sémitisme, portées contre tous ceux qui s’opposent à la politique israélienne à l’égard des Palestiniens.
Même des organisations israéliennes ont été prises à partie, accusées presque de trahison pour avoir fait part de leurs craintes quant aux risques qui découleraient du blocage de tout processus de paix. Leurs animateurs ont eu plus de chance que les Palestiniens, interdits de tout pour continuer à revendiquer leurs droits les plus élémentaires. Ou encore continuer à résister. Et cela dure depuis la création d’Israël en 1948.
Par Mohammed Larbi
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