vendredi 30 avril 2010

Les juifs iraniens résistent à l'assimilation


Ciamak Morsadegh est le député représentant la minorité juive au Parlement iranien. Il vient d'effectuer une visite en France, où il a participé à un colloque sur les minorités religieuses dans la République islamique.

Le Figaro : quel est le sens de votre visite en France ?
Ciamak Morsadegh : A titre privé, j’ai rencontré des membres de la communauté juive française pour leur dire que la perception donnée par les médias des minorités religieuses en Iran est erronée. L’Iran a la plus large communauté juive du Moyen-Orient après Israël, avec entre 25 et 30 000 membres. Nous sommes politiquement et socialement intégrés. Nous n’avons pas de problèmes avec les musulmans. Il y a vingt ans, il y avait 35-40000 juifs en Iran. Après la révolution, certains ont émigré surtout aux Etats-Unis, moins de 1% sont allés en Israël. Savez-vous que nous avons l’un des taux d’assimilation et de mariages mixtes les plus faibles des communautés juives à travers le monde, à peine 2%. Nos jeunes n’ont pas de problèmes pour se marier. Nos synagogues ne sont pas gardées, elles sont en sécurité.

Vous vous considérez d’abord comme juif ou comme Iranien ?Ce sont deux questions différentes. Je suis Iranien de nationalité, mais religieusement, je suis juif. Je prie en hébreu, mais je pense et parle en farsi. Comme près de 90% des juifs iraniens, je respecte le shabbat, je suis observant.

Quand le président de la République, Mahmoud Ahmadinejad, met en doute la réalité de l’holocauste ou déclare qu’il veut rayer Israël de la carte, ne vous sentez-vous pas offensé par de telles attaques négationnistes ?
Le président Ahmadinejad a dit qu’Israël, par sa politique agressive, serait tôt ou tard rayé de la carte. Quant à l’Holocauste, c’est une réalité historique que personne ne peut nier. Je sens cette blessure en moi. Des millions de juifs ont été massacrés. Personne ne peut dire le contraire. Mais qui sont les coupables ? Des Européens, et même des Français qui ont collaboré avec les Allemands. En tant que juif, je me sens vraiment attaché au souvenir de l’holocauste. Mais j’ai aussi le devoir d’empêcher que les droits de l’homme soient bafoués ici ou là. La victime ne peut s’arroger le droit de faire ce qu’elle veut, sous prétexte qu’elle a été victime. C’est pourquoi Israël doit cesser d’occuper la terre des Palestiniens. C’est mon devoir de défendre les Palestiniens dans leur combat pour leur indépendance. Il n’y a ni bonne ni mauvaise ségrégation.

Comment améliorer les relations franco-iraniennes, actuellement exécrables ?
L’Iran et la France ont beaucoup en commun : un passé révolutionnaire, un patrimoine culturel important. Les deux pays peuvent travailler ensemble, surtout aujourd’hui que la domination américaine est remise en question par de nombreux pays à travers le monde. Mais pour cela, les Français doivent définir une nouvelle ligne de conduite qui prenne en compte leurs intérêts propres, et non pas s’aligner derrière tel ou tel pays. Réfléchissez à ce que sont vos intérêts à moyen terme en Iran ? En s’associant à la décision de sanctionner l’Iran à l’ONU, la France va perdre beaucoup d’opportunités d’investissements dans notre pays, qui est un pays riche dans lequel les entreprises françaises avaient une position importante il y a seulement cinq ans de cela.

En cas de frappes militaires contre l’Iran, comment réagiront vos concitoyens ?
Je n’imagine pas que des militaires occidentaux  mettent à exécution un tel projet. Mais je rappellerai tout de même un point d’histoire. Pendant la guerre que nous déclara l’Irak en 1980, et que beaucoup de pays occidentaux soutenaient dont la France afin de faire pression sur l’Iran révolutionnaire, qu’a fait le peuple à l’époque ? Les Iraniens se sont serrés les coudes. Peu importe les ethnies, peu importe les religions : lorsqu’il s’agit de la défense de l’intégrité territoriale, il n’y a plus de différence entre un juif, un musulman et un chrétien en Iran. Tous les Iraniens seront prêts à sacrifier leur vie pour défendre leur pays.