vendredi 30 avril 2010

Journée mondiale de la Terre en Israël : l’apartheid à travers l’écoblanchiment

jeudi 29 avril 2010 - 06h:45
Stephanie Westbrook
Mondoweiss
Car il n’y a rien de vert dans l’occupation et la colonisation, rien d’écologique dans la violation des droits et de la dignité des hommes.
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Les Palestiniens eurent leur cérémonie aussi :
250 oliviers arrachés par les colons à Qaryut, 300 à Mihmas...
Le 22 avril, Journée mondiale de la Terre, dans 14 villes israéliennes, des maisons, des bureaux et des édifices publics éteignirent leurs lumières pendant une heure pour « amener à prendre conscience de la nécessité vitale de réduire la consommation d’énergie ». Pour ces commémorations de la Journée de la Terre, il y eut des tableaux de prairies, d’éoliennes et d’arcs-en-ciel, projetés sur les murs de la Vieille Ville de Jérusalem, la cérémonie du Green Globes Award louant « cette exceptionnelle contribution à la promotion de l’environnement », et il y eut même un concert, place Rabin à Tel-Aviv, alimenté par des générateurs qui ont fonctionné à l’huile végétale et aussi par 48 bénévoles à vélo qui ont pédalé sans arrêt pour produire l’électricité.
Le côté ironique n’a pas échappé au million et demi d’habitants de la bande de Gaza qui vivent avec des pannes d’électricité quotidiennes durant des heures et cela depuis près de trois ans, à cause du siège israélien sur leur territoire côtier. Le coordinateur israélien des activités gouvernementales dans les Territoires (le COGAT) rapporte que plus de 100 millions de litres de combustibles ont été autorisés à entrer dans la bande de Gaza en 2009, sauf que Gisha (ONG israélienne) fait remarquer que cela ne correspond qu’à 57% des besoins. A l’approche de l’été qui est une période de consommation de pointe, il y a un besoin urgent de pièces de rechange et d’outils pour réparer les turbines. Plus de 50 camions chargés de matériel électrique attendent, en ce moment, l’autorisation des autorités israéliennes pour entrer dans Gaza.
Les coupures incessantes d’électricité ont conduit de nombreuses familles de la bande de Gaza à avoir recours à des générateurs de qualité inférieure utilisant des combustibles eux-mêmes de mauvaise qualité (générateurs et combustibles venant d’Egypte par les tunnels), provoquant ainsi une forte augmentation des accidents entraînant des blessures et des morts. Selon l’OCHA (Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies), au cours des trois premiers mois de 2010, ce sont 17 personnes qui sont mortes dans des accidents liés aux générateurs, notamment dans des incendies ou par intoxications au monoxyde de carbone.
Le maire de la ville de Ra’anana, dans le centre d’Israël, ville qui réserve 48% de son territoire à des parcs, a promis de planter des milliers d’arbres dans le cadre de son projet de développement durable de la ville. Les agriculteurs palestiniens du village de Qaryut en Cisjordanie, près de Naplouse, ont eu eux aussi leur cérémonie de plantations d’arbres pour commémorer la Journée de la Terre, mais pour trouver 250 jeunes oliviers déracinés par les colons israéliens de la colonie de Givat Hayovel. 300 autres furent arrachés dans la nuit du 13 avril, à l’extérieur du village palestinien de Mihmas, par des colons de l’avant-poste voisin de Migron. Le Centre de recherche de la Terre palestinien estime que plus de 12 000 oliviers ont été déracinés dans toute la Cisjordanie en 2009, les autorités israéliennes en étant responsables à 60%, qui défrichent les terres pour les colonies et la construction du mur, et les colons pour les 40% restant.
La Journée de la Terre, à Gaza, a fait venir des bulldozers blindés israéliens, escortés par des chars d’assaut, qui ont procédé au défoncement de champs de blé, de seigle et de lentilles d’hiver à Al Faraheen, près de Khan Younis, dans la zone tampon imposée par Israël, anéantissant ainsi les moyens de subsistance de toute une famille palestinienne, parce que, comme Max Ajl, qui a filmé toute cette scène honteuse (voir vidéo ci-dessous), l’a expliqué, « Ils le pouvaient ».
Mais ce n’est pas tout ce qui a été déterré dans Gaza. Le Service de l’action antimines des Nations Unies (UNMAS) a découvert et récupéré 345 engins de guerre non explosés, dont 60 obus au phosphore blanc qui restaient de l’agression israélienne contre Gaza (décembre 2008/janvier 2009). Environ la moitié a été trouvée sous les décombres des immeubles détruits.
Alors que le ministère israélien de la Protection de l’Environnement lançait son programme Côte propre 2010 pendant la Journée de la Terre, quelque part, pas loin, quelque 60 millions de litres d’eaux usées, totalement ou partiellement traitées, étaient déversés dans la Méditerranée depuis des stations d’épuration éculées, sous financées et rarement réparées. Les dégâts provoqués par les frappes aériennes israéliennes et le manque d’électricité et de pièces de rechange à cause du blocus font qu’il est impossible pour les stations de répondre aux besoins du million et demi d’habitants de la bande de Gaza, avec le débordement quotidien qui crée de graves menaces pour la santé.
En plus du prix Green Globe, le ministère de la Protection de l’Environnement avait fait, le mois dernier, sa propre cérémonie de remises de prix aux chefs, soldats et unités des Forces de défense israéliennes qui « s’étaient surpassés pour protéger l’environnement, les ressources environnementales et le paysage. » Le thème de la compétition cette année était l’« eau », et il prévoyait des projets liés à la « protection des sources d’eau » et à « l’économies de l’eau ».
Pour les Palestiniens qui vivent en Cisjordanie, cette « protection des sources d’eau » a été commentée dans un rapport d’Amnesty International, Troubled Waters, d’octobre 2009 : « La destruction par l’armée israélienne des installations d’eau palestiniennes - récupération de l’eau de pluie et citernes de stockage, bassins pour l’agriculture et canaux pour les sources - au motif qu’elles avaient été construites sans autorisation de l’armée israélienne s’accompagne souvent d’autres mesures dans le but de réduire ou supprimer la présence des Palestiniens sur des zones précises de Cisjordanie ».
Le rapport d’Amnesty International note également que pendant des décennies, les colons israéliens ont plutôt « eu un accès quasi illimité à l’approvisionnement en eau pour développer et irriguer les grandes exploitations agricoles qui aident à soutenir les colonies israéliennes illégales. » Et ce n’est nulle part plus évident que dans la vallée du Jourdain où 95% de la région sont occupés par des colonies, des plantations et des bases militaires israéliennes, et où « le prélèvement d’eau par les Israéliens, en Cisjordanie, est le plus élevé ».
L’une de ces entreprises qui soutient l’économie coloniale illégale est Carmel Agrexco, le plus grand exportateur en produits frais d’Israël. De son propre aveu, l’entreprise, qui est pour moitié propriété de l’Etat d’Israël, exporte 70% des produits cultivés dans les colonies de Cisjordanie. L’Europe est de loin son plus gros marché, même si ses produits sont livrés jusqu’en Amérique du Nord et en Extrême-Orient. Agrexco se présente comme une entreprise verte, avec des emballages respectueux de l’environnement et des produits biologiques, même si l’on peut prétendre que transporter des poivrons naturels d’Israël vers les Etats-Unis n’est guère écologique. Même si ce qu’Israël appelle, les « navires verts », utilisés pour transporter les produits frais vers l’Europe, sont baptisés Bio-Top et EcoFresh.
Mais il n’y a rien de vert dans l’occupation et la colonisation, rien d’écologique dans la violation des droits et de la dignité des hommes. C’est pourquoi une coalition internationale qui soutient l’appel palestinien aux boycotts des produits israéliens a braqué les projecteurs sur le retrait des produits Carmel Agrexco des supermarchés - et des ports - à travers l’Europe.
La Journée de la Terre, à l’origine, visait à une mobilisation populaire, une protestation publique pour le changement et une prise de conscience politique sur ces questions. Dans les commémorations de la Journée de la Terre en Israël, c’est le système d’apartheid qui apparaît à travers le blanchiment écologique.
 
Vidéo : les bulldozers israéliens à l’oeuvre à Al Faraheen, près de Khan Younis, dans la bande de Gaza, filmés par Max Ajl.
Stephanie Westbrook est citoyenne états-unienne, elle vit à Rome depuis 1991. Elle milite dans des mouvements pour la paix et la justice sociale, en Italie, et s’est rendue à Gaza en juin 2009.
Elle peut être jointe à l’adresse : steph@webfabbrica.com.
Pour plus d’informations sur les campagnes de boycott ciblant Carmel Agrexco en Europe, voir :
-  "Boycott, désinvestissement, sanctions", une campagne pour la justice » - de Ivar Ekeland, Annick Coupé, Nahla Chahal et Michèle Sibony
24 avril 2010 - Mondoweiss - traduction : JPP
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8612