ROTIVEL Agnès
Après des mois de blocage au Proche-Orient, l’administration américaine est bien décidée à tout mettre en œuvre pour que les négociations de paix redémarrent
On n’est jamais sûr du pire au Proche-Orient. Alors que tout le monde s’accordait à parler d’un avenir proche très sombre dans cette région, la visite de l’envoyé spécial américain pour le Proche-Orient, George Mitchell, en Israël et en Cisjordanie, et ses entretiens jugés « productifs » et « encourageants », selon la Maison-Blanche, offrent une lueur d’espoir. Que l’on doit à la pugnacité de Barack Obama, bien décidé à aller de l’avant pour résoudre le conflit israélo-palestinien, malgré les obstacles rencontrés en chemin.
Le président américain a visiblement repris le dossier en main. Il s’est même invité lundi à une réunion entre le ministre israélien de la défense, Ehoud Barak, et son propre conseiller à la sécurité nationale, James Jones. Il a « réaffirmé l’engagement inébranlable (de Washington) envers la sécurité d’Israël », tout en exprimant son désir de parvenir à une « paix globale », avec « une solution à deux États, dans laquelle un État juif d’Israël sûr vivrait côte à côte dans la paix et la sécurité avec un État palestinien indépendant et viable ». Barack Obama a également téléphoné au président égyptien Hosni Moubarak pour insister sur le fait qu’il essayait d’instaurer une atmosphère menant à une reprise des pourparlers de paix.
George Mitchell est revenu lui aussi regonflé de sa énième mission en Cisjordanie et en Israël. Il a annoncé avoir invité le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à se rendre à Washington en mai. Si on ne connaît pas la teneur des entretiens qu’il a pu avoir avec le premier ministre israélien et le leader palestinien, le porte-parole de la Maison-Blanche a insisté pour dire que « les rencontres ont été productives pour faire avancer ce processus et faire venir les deux parties à la table des discussions ».
Cependant, rien ne sert de vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Au Proche-Orient, ce proverbe est encore plus vrai que partout ailleurs dans le monde. Il y a quelques semaines encore, tous les analystes faisaient des prévisions alarmistes sur la région : craintes qu’en Israël les partisans de la guerre contre l’Iran ne l’emportent ; bruits de bottes dans le sud du Liban entre le Hezbollah et l’État hébreu, ce dernier accusant Damas de faire parvenir des missiles Scud à la milice chiite libanaise - inquiétude partagée par Washington. Et, enfin, relations extrêmement tendues entre la Maison-Blanche et le premier ministre Benyamin Netanyahou.
La question de la colonisation est au cœur de la crise entre Barack Obama et le premier ministre israélien. Car, à Washington, on est convaincu qu’aucune négociation ne peut commencer tant que la colonisation se poursuit en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Chaque annonce de nouvelles constructions est une provocation susceptible de rallumer les violences dans la Ville sainte et d’affaiblir encore plus le président Mahmoud Abbas.
Le ministre israélien de la défense Ehoud Barak l’a reconnu lui-même, dans une interview récente à la radio israélienne : « Nous devons nous rendre à l’évidence que la communauté internationale ne tolérera plus cette situation pendant des décennies. Nous devons radicalement changer cette situation à l’aide d’une initiative politique qui s’occuperait du cœur du conflit. »
Comme pour montrer que l’administration américaine n’est pas prête à laisser le premier ministre israélien poursuivre dans cette voie, Barack Obama a récemment déclaré que la paix entre Israéliens et Palestiniens constitue « un intérêt vital pour la sécurité nationale » des États-Unis. Laissant ainsi entendre que les intérêts américains pouvaient être mis en péril par la non-résolution de ce conflit.
Il reprenait l’argument déjà utilisé en mars par le général David Petraeus, en charge du commandement central américain qui supervise, entre autres, les opérations en Irak et en Afghanistan. Celui-ci avait en effet déclaré que « le conflit israélo-palestinien alimente un sentiment antiaméricain en raison de la perception d’un favoritisme américain pour Israël (...), affaiblit la légitimité des régimes arabes modérés et limite la force et l’ampleur des partenariats américains avec les gouvernements et les populations de ces pays ».
Lundi, des personnalités de la municipalité de Jérusalem annonçaient que le gouvernement israélien avait effectivement gelé toute nouvelle construction dans la partie Est de la ville - qu’Israël considère pourtant comme partie intégrante de son territoire, après l’avoir annexée en 1967. Washington, méfiant, déclarait suivre l’affaire de près et attendre du gouvernement israélien une confirmation de ce gel, c’est-à-dire le signe que le message entre Washington et Tel-Aviv est passé.
ROTIVEL Agnès