vendredi 5 février 2010

Mais où est donc passé Barack Obama ?

publié le jeudi 4 février 2010
Patrick Seale, al Hayat

 
Le règlement du conflit israélo-palestinien était l’une de ses priorités. Aujourd’hui le président américain semble avoir renoncé à jouer un rôle moteur face à l’intransigeance de Tel-Aviv.
Dans une cassette vidéo diffusée par la chaîne satellitaire Al-Jazira, le 24 janvier, le chef d’Al-Qaida, Oussama Ben Laden, a menacé les Etats-Unis de poursuivre les attaques contre eux tant qu’ils maintiendraient leur soutien à Israël. "Il est injuste que vous meniez une vie tranquille alors que nos frères à Gaza vivent dans les pires conditions", a-t-il déclaré. Les autorités américaines ont aussitôt dénoncé ces propos comme une opération de propagande. Certains estiment que Ben Laden n’est plus à la tête d’Al-Qaida. D’autres, parmi lesquels figure David Axelrod, le conseiller politique du président Barack Obama, ont promis de faire le maximum pour l’abattre ou le capturer. Mais, comme d’habitude, les Américains n’ont pas voulu admettre qu’en tolérant pendant des décennies l’occupation de territoires palestiniens par Israël, ils avaient contribué à exacerber le terrorisme.
Barack Obama avait pourtant fait exception au début de son mandat. A son entrée en fonction, il avait annoncé qu’il comprenait parfaitement que la poursuite du conflit israélo-arabe ne faisait qu’alimenter l’hostilité des Arabes et des musulmans envers les Etats-Unis. Il avait ajouté qu’il était dans l’intérêt du pays de parvenir à un règlement global du conflit dans les meilleurs délais. Dans ses discours prononcés en Turquie et en Egypte, il avait tendu la main au monde arabo-musulman. Il s’était engagé à œuvrer pour un règlement du conflit qui permette à un Etat palestinien de cohabiter avec Israël dans la paix et la sécurité. Mais ces efforts ont jusqu’ici été vains. Dans un entretien paru dans l’édition du 21 janvier de Time, le président américain a concédé que ce conflit était le plus difficile qu’il ait jamais connu. Les Israéliens et les Palestiniens ont beaucoup de mal à engager un dialogue constructif, a-t-il expliqué. Puis il a eu cette phrase révélatrice : "Je pense que nous avons surestimé notre capacité à les convaincre de dialoguer." A travers ces mots, il a donné l’impression de baisser les bras. Le processus de paix qu’il avait relancé avec éclat il y a un an semble sur le point d’être lâché.
Mais Washington ferait bien de prendre au sérieux le message d’Oussama Ben Laden. Si les Etats-Unis ne parviennent pas à imposer la paix - et il semble bien que Barack Obama ait échoué dans cette tâche -, il faut s’attendre à l’apparition d’un profond sentiment de désespoir chez les Palestiniens, à une intensification des tensions dans les Territoires occupés, à des opérations de terrorisme et de contre-terrorisme, voire à une guerre totale. Les va-t-en-guerre israéliens parlent ouvertement de la nécessité d’"une autre intervention" contre le Hezbollah au Liban et contre le Hamas à Gaza. Israël pourrait bien décider de frapper à nouveau ces mouvements s’ils lui offrent le moindre prétexte. Pour l’heure, les relations israélo-palestiniennes sont au point mort. Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, ne peut envisager de reprendre les négociations - comme les Etats-Unis et Israël le pressent de le faire - tant que le Premier ministre Benyamin Nétanyahou ne gèlera pas les activités de colonisation dans les territoires occupés. Or il ne faut rien attendre de tel du Premier ministre israélien. Son "gel partiel" de dix mois n’a pas empêché Israël d’achever la construction de 2 500 logements dans les territoires occupés de Cisjordanie, ni de poursuivre celle d’édifices publics tels que synagogues, écoles et centres de soins. Autant dire qu’il n’y a eu aucun gel. Pendant ce temps, le gouvernement israélien a renforcé sa mainmise sur Jérusalem-Est et les localités arabes environnantes, d’où des Palestiniens sont régulièrement expulsés. Les Etats-Unis ont exprimé leur "indignation" face à la démolition de maisons palestiniennes, mais n’ont rien fait pour y mettre un terme.
publié en français par Courrier international