vendredi 5 février 2010

Incohérence humanitaire

publié le jeudi 4 février 2010
Michel Warschawski

 
Si on peut dire un grand bravo aux équipes israéliennes de secouristes qui sont venues en aide aux Haïtiens,on peut regretter leur absence à Gaza, à 40km de Tel-Aviv.
Le tremblement de terre à Haïti et la catastrophe humanitaire qui lui a fait suite ont provoqué une extraordinaire vague de solidarité internationale. On ne peut que s’en féliciter, même si certains Etats ne sont pas uniquement motivés par des considérations humanitaires désintéressées, et que de futurs contrats de reconstruction pointent à l’horizon.
L’Etat d’Israël n’a pas manqué à l’appel et des équipes de recherches de survivants – mondialement reconnues pour leur expertise en la matière – se sont immédiatement rendues sur place, ainsi qu’un hôpital de campagne, comprenant chirurgiens, infirmiers et para-médics. Selon les journalistes sur place, ils ont fait un travail remarquable, tout comme leurs collègues accourus des quatre coins de la planète. Mais n’en rajoutons pas trop : il n’est pas nécessaire de traverser l’océan et de faire plus de 10.000 kilomètres en avion pour que nos équipes médicales rencontrent une crise humanitaire qui, jusqu’à présent a fait beaucoup moins de morts, mais n’en est pas moins d’une gravité extrême.
Il y a un an, l’armée israélienne attaquait la population civile de Gaza, faisait 1.400 morts, des milliers de blessés graves et des dizaines de milliers de sans-logis. Hormis les efforts de l’Association des médecins pour les droits de l’homme, nous n’avons vu aucune mobilisation humanitaire du côté israélien de la frontière, mais au contraire, un silence complice avec ce que le rapport Goldstone décrit comme une longue série de crimes de guerre, voire de crimes contre l’humanité.
Même après l’arrêt de l’offensive militaire, un million et demi d’hommes, de femmes, de vieillards et d’enfants survivent dans une précarité extrême, manquant de nourriture, d’eau, de médicaments et de matériel médical, retenus à la frontière par un blocus sévère qui dure maintenant depuis plus de trois ans. Loin de moi l’idée de nier l’esprit de solidarité des équipes israéliennes qui se trouvent maintenant à Haïti, mais on ne peut pas ne pas relever son absence dès lors qu’il s’agit de la crise humanitaire de Gaza, à 40 kilomètres de Tel-Aviv.
Sans parler évidemment de son instrumentalisation par l’appareil de propagande gouvernemental, qui ne cesse d’organiser des conférences de presse et de diffuser des rapports officiels sur l’action humanitaire israélienne. Après les guerres humanitaires de Bernard Kouchner, l’Etat d’Israël peaufine aujourd’hui la propagande humanitaire comme outil de pour tenter de faire oublier les désastres humanitaires dont il porte l’entière responsabilité.
Alors, disons-le tout fort : bravo pour les équipes médicales israéliennes mais n’oubliez pas de traduire Ehud Olmert, Tzipi Livni et Ehud Barak devant la Cour Internationale de La Haye pour les hôpitaux qu’ils ont bombardés, les ambulances qu’ils ont détruites et les équipes médicales qu’ils ont assassinées il y a tout juste un an. Ca, ce serait de la cohérence humanitaire.
publié par Siné Hebdo
"le journal mal élevé" est un hebdomadaire en vente dans les kiosques (2 euros) tous les mercredis.