dimanche 7 février 2010

Les tergiversations d’Abbas

Cisjordanie - 07-02-2010
Par Khaled Amayreh > amayreh@p-ol.com  
Avec le reniement de fait de l’administration Obama sur ses promesses d’obtenir d’Israël le gel de l’expansion coloniale en Cisjordanie, ou même de se conformer au plan de paix « feuille de route » périmé, le chef de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas se retrouve dans une position de moins en moins enviable. Abbas n’a cessé de répéter qu’il n’accepterait pas de reprendre les pourparlers avec Israël tant que ce dernier n’accepterait pas de mettre un terme à l’expansion des colonies dans les territoires occupés, y compris à Jérusalem Est. Cependant, ces dernières semaines, le dirigeant palestinien a commencé à dire qu’il pourrait revenir à la table des négociations, pratiquement sans condition.















Abbas : "L’expansion des colonies doit cesser… 3 ans… 3 mois… 3 jours" (Ali Khalil pour Al Khaleej Times/Emirats Arabes Unis)


Dans un entretien paru le dimanche 31 janvier sur le site du Guardian, Abbas est cité disant qu’il est prêt à reprendre des discussions directes avec Israël si celui-ci gèle toute construction de colonies pendant trois mois et accepte les frontières du 4 juin 1967. « Ce ne sont pas des conditions préalables ; ce sont les exigences de la feuille de route. S’ils ne sont pas prêts à le faire, cela signifie qu’ils ne veulent pas d’une solution politique. »

Le gouvernement israélien a rejeté la proposition palestinienne, la traitant d’ « irréaliste » et d’« inacceptable ». Répondant à la proposition, Mark Regev, conseiller du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, a eu recours aux habituelles tactiques de diversion, arguant que les Palestiniens étaient encore en-deçà de leurs obligations vis-à-vis de la feuille de route. Regev a parlé d’ « incitation », comme si les Palestiniens étaient censés chanter des hymnes de louange chaque fois qu’Israël tuait leurs frères et démolissait leurs maisons.

Il avait été rapporté auparavant qu’Abbas examinait des propositions présentées par l’envoyé US au Proche-Orient George Mitchell sur des discussions « de proximité » ou « indirectes ». Mitchell proposait de faire la navette entre Ramallah et Jérusalem occupée, relayant les messages des deux bords sur diverses questions centrales, dont les frontières, Jérusalem Est, les colonies et les réfugiés. La proposition faisait partie d’un « lot d’incitations » qui inclurait aussi la libération d’un nombre non spécifié de prisonniers non-islamistes hors des camps de détention israéliens.

Toutefois, le « lot » ne contenait aucun engagement à geler l’expansion des colonies, ni même de mettre un terme à la vague grandissante de démolitions des maisons arabes à Jérusalem occupée et dans la soi-disant « Zone C » de Cisjordanie, où l’armée d’occupation maintient son autorité civile et sécuritaire totale. Cette zone, qui couvre la majeure partie de la campagne palestinienne, constitue plus de 65% des territoires occupés.

Les porte-paroles de l’AP nient qu’Abbas soit en train de reculer sur sa position antérieure au sujet des colonies. Ghassan Al-Khatib, ancien ministre et actuel chef du bureau de presse gouvernemental de l’AP, a dit qu’il ne pensait pas qu’Abbas renonçait au gel de la colonisation. Il a dit à Al-Ahram Weekly qu’Abbas consultait des dirigeants arabes sur l’opportunité d’une reprise du processus de paix avec Israël d’une manière qui soit le plus profitable à la cause palestinienne.

Al-Khatib a défendu l’idée de discussions « de proximité » selon lesquelles les Américains feraient la navette entre Israël et les capitales arabes pour transmettre les positions respectives.

« Ce n’est pas forcément une mauvaise idée. Les Américains (Etats-uniens, NdT) seraient témoins et Israël ne serait pas en mesure de fabriquer des mensonges sur qui doit être accusé de l’échec des pourparlers, comme ce fut le cas par le passé lors de l’échec de négociations. »

Certaines voix dans l’arène palestinienne ont dernièrement accusé Abbas de chercher une couverture arabe pour reprendre le processus de paix « futile » sans conditions préalables, et un dirigeant Hamas a qualifié ces efforts de « reproduction des échecs passés ».

Entretemps, l’administration Obama a consulté des dirigeants arabes sur la meilleure manière de reprendre les discussions en panne entre Israël et les Palestiniens.

Bien que ces dirigeants aient exhorté Washington à intervenir activement pour une reprise rapide du processus de paix, les USA ont pressé, et même pressuré, les capitales arabes pour qu’elles cajolent la direction de l’AP de plus en plus vulnérable et la convainque de laisser tomber les revendications sur les colonies pour revitaliser les pourparlers.

L’un des Etats arabes les plus préoccupés par la paralysie pérenne du processus de paix est la Jordanie. Le Roi Abdullah a mis en garde contre le fait que le temps était compté pour la paix et que des efforts extraordinaires devaient être entrepris maintenant pour résoudre l’impasse israélo-palestinienne. La Jordanie est particulièrement inquiète que l’impasse en Cisjordanie ne génère des tensions en Jordanie elle-même, et puisse même déclencher des attaques contre des cibles israéliennes et occidentales sur le sol jordanien.

La crainte est n’est pas sans fondement. La semaine dernière, le cortège de l’ambassadeur israélien en Jordanie a été attaqué à l’extérieur d’Amman par une bombe placée sur le bord de la route. Même si elle n’a causé aucun blessé ni dégâts sérieux, l’incident a tiré la sonnette d’alarme dans les couloirs des bureaux des renseignements jordaniens, qui sont de plus en plus nerveux sur les ramifications de la situation en Cisjordanie au regard de la sécurité et de la stabilité intérieures.

Cependant, malgré les inquiétudes jordaniennes, il semble que l’administration Obama ne soit pas en position de – ou ne veuille pas – forcer l’intransigeant gouvernement israélien à accepter la création d’un Etat palestinien viable et contigu en Cisjordanie. Abbas lui-même à fait écho à cette position, disant que l’obstructionnisme israélien continu mènerait à la création d’un Etat unitaire dans toute la Palestine mandataire (‘Israël’ plus les territoires occupés de Cisjordanie, la Bande de Gaza et Jérusalem Est). Dans ce cas, les Palestiniens constitueraient une majorité numérique, ce qui impliquerait qu’Israël perde son identité juive.

Mais Israël, en particulier sous la direction de l’extrême-droite sioniste, n’est pas près d’accepter un tel scénario, même si les Palestiniens le soutiennent.

Entretemps, les craintes grandissent qu’Israël ne lance une nouvelle vague d’agression contre le Liban et la Bande de Gaza, avec ou sans l’assentiment de l’administration Obama, pour renforcer encore sa position hégémonique vis-à-vis de l’Autorité Palestinienne et de la Syrie, et pour servir d’avertissement à l’Iran.

Des responsables israéliens ont calculé que la neutralisation du Hamas permettrait à la direction de l’AP (Abbas) de faire des concessions significatives à Israël sur les questions de statut final.

D’autres planificateurs de la politique israélienne, cependant, arguent que détruire ou même affaiblir le Hamas – si tant est que cela soit possible – provoquerait la perte par Israël d’une carte précieuse de propagande et pourrait conduire à une augmentation de la pression internationale sur Israël pour qu’il revienne aux frontières de 1967. Israël a très gravement provoqué le Hamas, y compris par l’assassinat d’un cadre éminent du Hamas à Dubai, ainsi que par la tentative d’assassinat d’un dirigeant du Hamas, à Khan Younis, le 1er février.



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