lundi 8 février 2010

Israël : l’enquête semble inévitable

publié le dimanche 7 février 2010
Nathalie Janne d’Othée

 
Le Secrétaire Général des Nations-Unies, Ban Ki-Moon a accusé réception hier soir des réponses israéliennes et palestiniennes aux accusations des Nations-Unies pour crimes de guerre durant l’Opération Cast Lead.
Israël a réaffirmé dans son message aux Nation-Unies que son comportement durant l’Opération Cast Lead avait été conforme au droit international. Ban Ki-Moon a refusé de s’exprimer au sujet du caractère « indépendant, crédible et conforme aux standards internationaux » des enquêtes internes qui étaient menées (voir Israel defends its Gaza probe as ’in line with international law, Haaretz, 5/2/2010http://haaretz.com/hasen/spages/114...).
Avant cela, depuis une semaine, le rapport d’enquête du juge Sud-Africain Richard Goldstone sur les événements de l’hiver passé était revenu au devant de la scène. Selon le Guardian, l’ « effet Goldstone » a été placé par Benjamin Netanyahu dans les défis sécuritaires les plus sérieux d’Israël (Pressure mounts for Israel to hold Gaza war inquiry, Guardian, 3/2/2010http://www.guardian.co.uk/world/201...). La probité de l’armée israélienne est mise en doute d’une part, et le spectre des sanctions plane au-dessus des responsables militaires. Bien que la communauté internationale ne se soit pas prononcée en faveur de sanctions directes, elle a néanmoins demandé aux parties que des enquêtes indépendantes et crédibles soient menées.
Depuis lors, aucune mesure en ce sens n’a encore été annoncée en Israël. Cette semaine, dans Haaretz, l’ancien Procureur Général, Menachem Mazouz explique l’importance de la mise en place d’une telle enquête. Son argument n’est pas de mettre à jour d’éventuelles exactions israéliennes durant la guerre à Gaza, mais bien de blanchir l’armée israélienne afin de sauvegarder sa légitimité et celle du pays (Menachem Mazuz : "Israel must probe Gaza war to counter Goldstone", Haaretz, 31/1/2010http://www.haaretz.com/hasen/spages...).
Mais celle qui s’autoqualifie « une des armées les plus morale au monde » pourra-t-elle réellement être blanchie ? On en doute de plus en plus. Le Monde (L’armée israélienne a changé sa doctrine pour la guerre de Gaza, 3/1/2010http://www.lemonde.fr/proche-orient...) et The Independent (Israeli commander : « We rewrote the rules of war for Gaza », 3/2/2010http://www.independent.co.uk/news/w...) révèlent en effet cette semaine les propos d’un haut gradé israélien. Ce dernier explique que pendant la guerre de Gaza, le code militaire habituel a été révisé. L’armée israélienne opère généralement selon le principe « des moyens et des intentions » (en hébreu : "emtza’im vé kavana") ce qui signifie que le tir sur une personne n’est autorisé que si celle-ci présente à la fois les moyens et l’intention de tuer. L’homme avoue que durant l’Opération Cast Lead, ce principe a été abandonné au profit de celui du risque zéro qui pourrait se résumer à la formule, "Si tu n’es pas sûr, tu tues".
Les circonstances le justifiaient-elles ? En effet après la guerre contre le Hezbollah au Sud Liban, les responsables de Tsahal ont compris les conséquences des pertes humaines et ont voulu à tous prix les éviter. Cela peut expliquer, mais ne justifie en rien le comportement de l’armée israélienne pendant la guerre de Gaza. Au-delà des arguments, il ya en effet le nombre de morts qui lui n’est ni explicable, et encore moins justifiable : 1400 morts Palestiniens, contre 13 Israéliens. S’il veut garder un semblant de légitimité sur la scène internationale, Israël pourra au final difficilement éviter la mise en place d’une commission d’enquête interne.
publié par MEDEA, Institut Européen de Recherche sur la Coopération Méditerranéenne et Euro-Arabe