vendredi 12 février 2010

Des négociations crédibles pour une paix au Proche-Orient

publié le jeudi 11 février 2010
Hind Khoury, déléguée générale de Palestine en France

 
Avec la réalité tragique sur le terrain, nous sommes en droit de nous demander : quelles négociations et quelle paix ?
En janvier 2009, les Palestiniens de la bande de Gaza subissaient une attaque israélienne massive. Côté palestinien, un bilan terrible : 1 400 morts, 5 000 blessés, 100 000 sans abri, des civils pour la plupart. Une fois de plus, l’armée israélienne défiait la communauté internationale, perpétrant des crimes de guerre dénoncés dans le rapport du juge Goldstone.
Un an après, la misère s’est accrue dans la bande de Gaza, étranglée par un blocus total qui dure depuis juin 2007. Dans ce territoire surpeuplé d’un 1,5 million de personnes, la pauvreté touche 80 % de la population et le chômage un habitant sur deux. Une situation décrite comme explosive par tous les organismes internationaux. Tout manque à Gaza : santé, école, énergie, transports, maisons, infrastructures. Partout Israël a semé la désolation. En Cisjordanie occupée, Jérusalem-Est incluse, Israël poursuit une politique d’épuration ethnique. Chaque jour l’occupation s’approfondit et le terrorisme des 500 000 colons s’aggrave. La colonisation israélienne avance au fur et à mesure des destructions de maisons palestiniennes (24 000 depuis 1967) et des expropriations illégales. En 2009 seulement, 165 maisons palestiniennes ont été détruites à Jérusalem-Est et 4 577 Palestiniens ont été chassés de leur propre ville. Un Palestinien peut très difficilement obtenir un permis de construire et, s’il séjourne temporairement à l’étranger, risque de perdre son droit de résidence.
Parallèlement, des voix s’élèvent en Israël pour réclamer la reprise des négociations. En effet, la reconnaissance par le premier ministre Netanyahou d’un principe de deux États, l’idée d’une paix économique et les promesses de renforcer l’autorité nationale palestinienne donnent l’illusion d’une reprise des pourparlers. Toutefois, avec la réalité tragique sur le terrain, nous sommes en droit de nous demander : quelles négociations et quelle paix ?
Il y a vingt ans, les Palestiniens ont accepté le principe de deux États, mais le processus de paix et les négociations issus des accords d’Oslo en 1993 n’ont toujours pas abouti à l’établissement de l’État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale. En 2002, tous les pays arabes ont fait à Israël une offre de paix régionale contre le retour de tous les territoires occupés en 1967. Cette initiative de paix arabe était également adoptée par tous les pays musulmans, 57 pays en tout. Cette offre reste la seule formule pour une paix globale mais a reçu une fin de non-recevoir d’Israël.
Le président Mahmoud Abbas œuvre pour un retour à des négociations politiques crédibles, dans le respect du droit international. Cela exige que toutes les parties respectent leurs obligations selon la « feuille de route » (résolution 1515 de l’ONU). Les Palestiniens ont respecté les leurs, le monde réclame qu’Israël fasse de même en gelant la colonisation. Les négociations doivent également reprendre là où elles se sont arrêtées avec le gouvernement israélien précédent, suivant un calendrier précis et avec l’aide d’un médiateur impartial.
La paix réelle peut avancer à condition qu’Israël reconnaisse les droits légitimes du peuple palestinien et se prononce sans ambiguïté sur sa définition d’un « État palestinien », sur les frontières qu’il entend reconnaître, sur la levée du blocus de Gaza, ou encore sur le statut final de Jérusalem-Est et celui des réfugiés.
Ce n’est pas exiger l’impossible mais seulement tirer les leçons d’un processus qui a duré seize années sans aboutir à la paix. Car ce n’est pas le vide des négociations qui mène à la violence, mais la violence de l’occupation et la volonté de négocier de manière unilatérale qui mène à une illusion de paix, garantissant le bien-être des Israéliens en perpétuant l’injustice commise contre les Palestiniens.
La communauté internationale se trouve devant le choix suivant : la gestion d’un processus qui, ne menant nulle part, prolonge l’occupation, ou avoir le courage politique de résoudre ce conflit et garantir une paix juste et durable pour les deux peuples.
publié par la Croix le 9 février