mercredi 27 janvier 2010

Un fiasco américain

L’échec de la tournée de l’émissaire américain George Mitchell au Proche-Orient coïncide avec le début des travaux de la commission de l’Onu sur « les droits inaliénables du peuple palestinien ».

La tournée que George Mitchell a entamée jeudi dernier au Proche-Orient a été un fiasco. L’émissaire américain a multiplié les navettes entre Tel-Aviv, Ramallah et Jérusalem, en plus d’une visite à Amman et au Caire sans parvenir à débloquer le processus de paix.
Rien de surprenant. Après tout, qu’est-ce qui aurait pu faire réussir cette nouvelle tentative américaine ? En l’absence de toute pression à l’encontre de l’Etat hébreu, le premier ministre israélien est resté intransigeant, refusant de faire une quelconque concession. Toujours fidèle aux déclarations vagues et ambiguës, il a déclaré dimanche dernier avoir trouvé certaines idées américaines « intéressantes ». En même temps, il multiplie les provocations. Quelques heures à peine, après un entretien avec Mitchell, Benyamin Netanyahu s’est rendu à Gush Etzion et Maale Adoumim, deux blocs de colonies en Cisjordanie qui encerclent Jérusalem-Est, pour planter un arbre. « Notre message est clair : en plantant un arbre ici, nous signifions que nous resterons ici, que nous construirons ici et que ce lieu sera pour toujours une partie inséparable de l’Etat d’Israël », a-t-il lancé. Un message aux colons, certes, mais il s’agit surtout d’un message dirigé aux Palestiniens et à la communauté internationale : Israël n’a pas l’intention de reprendre le chemin de paix. Plus encore, le gouvernement israélien ne respecte même pas le gel partiel des constructions de colonies dans les territoires occupés, à l’exception de Jérusalem. Ainsi en dépit du gel décrété et malgré un arrêt de la Haute Cour de justice israélienne, prononcé il y a un an, les constructions se poursuivent à Kyriat Netafim, une colonie de Cisjordanie.
Les Palestiniens, de leur côté, continuent de refuser le retour à la table de négociations avant l’arrêt total des activités de colonisation et ce dans tous les territoires palestiniens, Jérusalem inclus. Pour eux, il ne s’agit pas d’une condition qu’ils émettent mais de la simple application de la feuille de route qui engage Israël à mettre fin à sa politique de colonisation.
« Ce qui entrave en réalité les efforts du sénateur Mitchell et du président Obama, c’est Israël avec ses colonies, ses incursions et ses assassinats. Quand nous disons qu’Israël doit cesser de construire des colonies, cela n’est pas une condition palestinienne. Il s’agit d’un engagement israélien qui doit être respecté », a déclaré Saëb Ereqat, chef négociateur palestinien. L’Autorité palestinienne est d’autant plus consciente que si elle abandonne cette revendication, sa popularité, voire même sa légitimité vis-à-vis de la population palestinienne, sera définitivement compromise au profit du Hamas.
Or face à cette impasse, certains craignent que le gouvernement américain ne finisse par délaisser le volet israélo-palestinien. L’entretien du président américain publié jeudi dernier dans l’hebdomadaire Time semble confirmer ces craintes. « Je pense que nous avons surestimé nos possibilités de les convaincre (Israéliens et Palestiniens) d’engager des négociations de paix », a déclaré Obama. « Les divisions au sein des deux sociétés (palestinienne et israélienne) rendent très difficile aux uns et aux autres le retour à des négociations », a-t-il ajouté. Washington menace-t-elle de jeter l’éponge ? Possible, mais en tout cas, les propos d’Obama sont loin de rassurer le côté palestinien qui espérait qu’avec l’élection du président Barack Obama, une nouvelle politique américaine sera plus équilibrée et moins partielle.
Mais la réalité est tout autre : les administrations américaines changent mais le soutien de Washington envers Israël reste indemne.
Les droits du peuple palestinien
Etrange coïncidence : le début de la tournée de Mitchell au Proche-Orient intervient le même jour de l’ouverture jeudi dernier à New York des travaux de la Commission de l’Onu sur les « droits inaliénables du peuple palestinien ». Et le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, semble avoir une opinion sans équivoque sur la politique israélienne.
« La communauté internationale est opposée à la présence israélienne et à la poursuite des constructions à Jérusalem-Est. L’activité de colonisation est un obstacle à la réalisation d’une paix fondée sur l’existence de deux Etats. Tout ceci n’est dans l’intérêt de personne — et surtout pas d’Israël. La colonisation sape la confiance entre les deux parties et semble préjuger du résultat des négociations sur le statut permanent », a-t-il déclaré.
Face à ces critiques, le gouvernement israélien n’a pas hésité à accuser Ban Ki-moon de tenir des propos « déséquilibrés et unilatéraux ». Il s’agit là de la même rhétorique utilisée par l’Etat hébreu il y a quelques mois contre le juge juif sud-africain Richard Goldstone, qui avait osé accuser le gouvernement israélien d’avoir commis des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité à l’encontre des Palestiniens lors de la guerre contre Gaza, l’hiver dernier.
Ceci dit, les critiques du secrétaire général, qui viennent réconforter la position palestinienne tant qu’elles ne sont pas assorties de pressions, ne risquent pas de convaincre les Israéliens d’abandonner leur politique expansionniste dans les territoires palestiniens. L’impuissance de la communauté internationale et les récentes déclarations du président américain laissent peu de place à l’optimisme. Il semble que comme toujours et en dépit du constat international du « droit inaliénable du peuple palestinien » à la souveraineté et à la liberté, le peuple palestinien reste livré à son sort.
Heba Zaghloul