mercredi 27 janvier 2010

Le réengagement américain au Proche-Orient débouche sur un fiasco

publié le mardi 26 janvier 2010
Laurent Zecchini

 
Tout indique que le douzième voyage au Proche-Orient depuis un an de George Mitchell, émissaire américain pour la région, qui s’est achevé dimanche 24 janvier a été aussi infructueux que les précédents. L’ancien sénateur démocrate a effectué une série de navettes entre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Au terme de celles-ci, les deux camps ont continué de s’accuser mutuellement d’avancer des "pré-conditions" rendant impossible une reprise des négociations de paix, interrompues en décembre 2009.
En évoquant "les complexités et difficultés" de sa mission, M. Mitchell a fait écho aux propos du président Barack Obama, qui, dans un entretien publié jeudi par le magazine américain Time, avait reconnu l’échec de son administration dans le cadre du processus de paix israélo-palestinien. "Si nous avions anticipé plus tôt certains de ces problèmes politiques des deux côtés (israélien et palestinien), nous n’aurions pas suscité des attentes aussi fortes", a indiqué M. Obama.
George Mitchell n’a pas compris tout de suite que l’arrêt partiel de la colonisation en Cisjordanie consentie par M. Nétanyahou, qualifiée de "sans précédent" par l’administration américaine, "n’était pas un progrès suffisant pour les Palestiniens", a-t-il ajouté. Ce mea culpa ne signifie pas que Washington va cesser ses efforts diplomatiques, mais, un an après que M. Obama a souligné qu’une solution au conflit était dans "l’intérêt stratégique" des Etats-Unis, cet objectif semble s’être éloigné davantage.
D’une part parce que la perte de crédit dont pâtit le président américain, tant auprès des Palestiniens que des Israéliens, est à la mesure des espoirs qu’il avait fait naître ; d’autre part, parce que le chef de la Maison Blanche dispose d’une liberté de manoeuvre réduite après la perte d’une majorité qualifiée au Sénat.
Depuis son entrée à la Maison Blanche il y a un an, M. Obama n’a pris aucune initiative pour inciter M. Nétanyahou à faire des concessions. Washington s’est refusé à envisager une diminution de son aide à l’Etat juif, et lorsque M. Mitchell a vaguement évoqué une suspension de la garantie financière des Etats-Unis à Israël, la Maison Blanche a immédiatement démenti toute intention de ce genre.
L’évolution politique aux Etats-Unis et la dégradation continue de la situation en Afghanistan rendent improbable un changement d’attitude de l’Amérique vis-à-vis de son allié israélien. M. Nétanyahou le sait.
Dimanche, le premier ministre israélien s’est rendu dans les blocs de colonies de Goush Etzion et Maalé Adoumim, pour y déclarer que ces portions de territoire de la Cisjordanie constitueront "pour l’éternité une partie inséparable de l’Etat d’Israël". Mercredi, M. Nétanyahou avait indiqué que l’Etat juif conserverait une "présence" militaire dans la vallée du Jourdain. Cette double affirmation n’est pas surprenante en soi, mais le choix du moment a été ressenti comme une provocation supplémentaire par les Palestiniens.
L’échec de la médiation américaine devrait prolonger pour une durée indéterminée un statu quo dans lequel M. Nétanyahou ne voit que des avantages. Le calme perdure en Cisjordanie, en partie grâce à une croissance économique positive, et à la bonne gestion du premier ministre palestinien Salam Fayyad, que complète la stratégie de "paix économique" du gouvernement israélien. A Gaza, le Hamas n’est pas pressé de rompre la trêve qu’il s’est imposée pour reconstituer ses forces. Sûr que l’administration américaine fermera les yeux, le premier ministre israélien peut poursuivre une politique de colonisation basée sur le fait accompli, qui sape les fondations d’un futur Etat palestinien.