mercredi 27 janvier 2010

Les six messages d’Abou Moussa et la mission Mitchell

Par Scarlett HADDAD | 27/01/2010
Ce n'est plus un secret pour personne : la tournée de l'émissaire présidentiel américain George Mitchell dans la région la semaine dernière visait essentiellement à assurer une couverture arabe à une reprise des négociations israélo-palestiniennes sans accorder aux Palestiniens une promesse ferme de gel des colonisations. Revu à la baisse, le grand projet américain de paix dans la région pourrait bien désormais se contenter de petits acquis de forme... en attendant une meilleure conjoncture. Il s'agirait donc essentiellement de permettre au chef de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas à reprendre les négociations sans craindre un désaveu arabe. Mais le sénateur George Mitchell a quand même évoqué d'autres sujets avec les responsables libanais, notamment celui des réfugiés palestiniens. Selon des informations recoupées, Mitchell aurait soulevé la question de « la stabilisation de la situation » des réfugiés palestiniens au Liban. En d'autres termes, il s'agirait de les garder au Liban dans de meilleures conditions sociales, sans toutefois leur accorder la nationalité. Des sources proches du ministère libanais des AE croient ainsi savoir que la tendance internationale serait au retrait de la résolution 194 qui prévoit le droit au retour des Palestiniens sur leur terre, pour en finir avec ce dossier. Il ne s'agirait pas à proprement parler d'un feu vert pour l'implantation des Palestiniens, mais de tenter de trouver une formule décente pour leur présence sans mettre en danger au moins dans l'immédiat le tissu social libanais...
Des sources palestiniennes affirment que c'est parce que le dossier palestinien est actuellement à l'ordre du jour que le chef du groupe dissident Fateh-Intifada, Abou Moussa, a refait surface, après des mois, voire des années, de profil bas. Les mêmes sources ajoutent qu'en tenant ces fameux propos sur les armes palestiniennes hors des camps, Abou Moussa a voulu adresser plusieurs messages dans des directions différentes. Il s'est d'abord adressé au Fateh et au Hamas pour leur dire en gros qu'il est là et qu'aucune réconciliation ne peut être possible, s'il n'est pas consulté et si l'on ne tient pas compte de son organisation. Le deuxième message est destiné au gouvernement libanais, et Abou Moussa a en quelque sorte demandé aux autorités libanaises de ne pas l'oublier dans tout dialogue mené avec les Palestiniens au sujet de leur présence au Liban. Le troisième message d'Abou Moussa concerne les droits civils des réfugiés palestiniens au Liban et l'amélioration des conditions de vie dans les camps. Pour Abou Moussa, il est clair que ce dossier ne peut plus être reporté et que la réglementation des armes palestiniennes au Liban doit être liée à l'octroi de droits civils aux réfugiés.
Le quatrième message concerne aussi les droits civils et il exprime la volonté d'Abou Moussa d'empêcher toute partie palestinienne de récupérer pour son compte l'obtention par les réfugiés palestiniens au Liban de droits civils et d'utiliser cet acquis pour conforter sa position auprès des Palestiniens.
Quant au cinquième message, Abou Moussa a aussi voulu attirer l'attention des autorités libanaises sur le fait que le dossier des armes palestiniennes hors des camps (qui relèvent pour la plupart de son autorité, notamment sur les collines de Naamé et à Koussaya dans la Békaa), est différent de celui des mêmes armes dans les camps, et, par conséquent, il doit être traité de manière différente et avec des interlocuteurs différents. Enfin, le sixième et dernier message concerne tous ceux qui s'intéressent au dossier palestinien et au conflit israélo-arabe : Abou Moussa a voulu leur dire que son organisation, ou ce qui en reste, est partenaire au sein de la résistance et, par conséquent, elle ne doit pas être ignorée.
Grâce à l'importance accordée dans les médias à ses propos, Abou Moussa a atteint en quelque sorte son premier objectif en faisant parler de lui et en occupant la scène médiatique. Dans ce contexte, qu'il se rétracte ou non, qu'il adoucisse le contenu de sa déclaration ou non n'a plus vraiment d'importance, puisqu'il souhaite avant tout attirer l'attention des médias. Pour le second objectif qui est de pousser les autorités aussi bien libanaises que palestiniennes à renouer le dialogue avec lui, c'est une autre affaire. Les expériences passées ont en effet montré que ces mêmes autorités préfèrent parler avec ceux qui détiennent le véritable pouvoir, autrement dit les Syriens, qui ajoutent ainsi la carte d'Abou Moussa aux autres atouts en leur possession, dans cet interminable jeu de poker qu'est devenue la scène libanaise.