mercredi 30 décembre 2009

Une situation humanitaire tragique

publié le mardi 29 décembre 2009
Benjamin Barthe
Un an après le début de l’opération "Plomb durci", la situation humanitaire dans la bande de Gaza n’a pas changé, la spirale du désespoir en plus. Le blocus israélo-égyptien en vigueur de puis la prise de pouvoir du Hamas, en juin 2007, n’a quasiment pas permis de commencer la reconstruction de ce territoire martyr, comme l’explique le rapport "Failing Gaza", rédigé par une coalition d’ONG internationales présentes sur le terrain.

Alors qu’à la conférence de Charm El-Cheikh, en mars 2009, 4 millions de dollars (2,8 millions d’euros) d’aide internati onale avaient été promis aux Gazaouis, en l’espace de onze mois, seulement quarante et une cargaisons de matériaux de construction leur sont parvenues. Conséquence : sur les 3 500 habitations démolies et les 56 000 endommagées par les bombardements de l’armée israélienne, une infime minorité a pu être rebâtie ou réparée.

Des milliers de familles sont toujours contraintes de vivre sous la tente, de louer un appartement ou de s’entasser chez un parent ou un voisin hospitalier. Celles dont le domicile est toujours habitable voient venir l’hiver avec appréhension, car le veto sur l’importation du verre empêche le remplacement des fenêtres soufflées par les déflagrations.

Les 700 entreprises, ateliers et magasins, complètement ou partiellement détruits durant les vingt-trois jours de guerre, connaissent le même sort, ainsi que les 18 établissements scolaires réduits en poussière.

Même Robert Serry, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, n’a pas réussi à desserrer le blocus. Son plan, qui prévoyait l’entrée de matériaux de construction pour une série de projets spécifiques dans le domaine de la santé et de l’éducation, s’est noyé dans les méandres de la bureaucratie militaire israélienne, experte en procrastination et louvoiements.

A ce sujet, les responsables de l’UNRWA, l’agence des Nations unies en charge des réfugiés, racontent volontiers comment ils durent, au printemps, démonter des milliers de kits de cuisine sur le point d’être distribués dans Gaza, pour en ôter les couteaux en inox, jugés "dangereux " par le bureau de liaison israélien...

Grâce au volontarisme des équipes de l’UNRWA et au renfort des urgentistes internationaux, arrivés en masse après le cessez-le-feu, quelques travaux ont pu être menés. Sur les 30 km de canalisations détruites, 21 ont été réparés. La plupart des lignes électriques coupées ont été remises en service. Le ramassage des 600 000 tonnes de gravats générés par les bombardements a commencé.

Tunnels de contrebande

L’impossibilité d’importer des pièces de rechange et les restrictions sur les livraisons de fuel à la centrale de Gaza entraînent des coupures de courant de quatre à huit heures par jour dans 90 % des foyers. D’après le bureau de coordination humanitaire des Nations unies (OCHA), 10 000 habitants sont encore privés d’eau courante et 40 000 d’électricité.

Le ministère des affaires étrangères israélien réfute toute idée de "siège". Il évoque le risque de détournement par le Hamas pour justifier les mesures de restrictions. Il affirme aussi que "tous les produits alimentaires rentrent à Gaza, à l’exception des articles de luxe".

Une appellation très large, puisque des produits aussi ordinaires que le thé et les pâtes furent interdits pendant plusieurs mois, et certains, comme le miel et les fruits en boîte, le sont toujours. Si les épiceries gazaouies sont correcteme nt approvisionnées, c’est grâce aux tunnels de contrebande creusés sous la frontière avec l’Egypte.

Autre produit banni de Gaza : les diplomates internationaux de haut rang. En douze mois, le Suédois Carl Bildt est le seul ministre des affaires étrangères de l’Union européenne à y avoir pénétré. Au mois d’octobre, son homologue français, Bernard Kouchner, s’était heurté au veto israélien, tandis que quelques jours plus tard, camouflet terrible, une délégation du conseil général de l’Essonne était autorisée à y entrer.

En juin, l’ancien président américain Jimmy Carter avait pu fouler les champs de ruines de la langue de sable palestinienne. "Les citoyens de Gaza sont traités davantage comme des animaux que comme des êtres humains, avait-il déclaré à l’issue de sa visite. Il n’est jamais arrivé dans l’Histoire qu’une population martyrisée à coup de bombes et de missiles soit privée des moyens de se soigner."

Benjamin Barthe

Article paru dans l’édition du 27.12.09

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