jeudi 26 novembre 2009

Dans les prisons israéliennes, les véritables victimes d’un cri pour la justice

Palestine - 25-11-2009
Par Jesse Rosenfeld
Au milieu d’une fièvre médiatique grandissante sur un possible échange de prisonnier impliquant la libération de Gilad Shalit, le soldat israélien détenu par le Hamas, un autre jeune captif a un profil public moins visible – mais il personnifie l’étranglement de la liberté d'expression palestinienne.























Mohammad Othman, 33 ans, de la ville cisjordanienne de Jayyous, et militant de l'organisation populaire palestinienne Stop the Wall, a été arrêté le 22 septembre au pont Allenby, à la frontière jordanienne. Il était sur le chemin du retour après une réunion en Norvège avec des partisans du mouvement mondial en faveur du boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël (BDS). Addameer (mot arabe pour « conscience »), l’association de soutien des prisonniers palestiniens et des droits de l’homme, soutient que son arrestation est le résultat de « son succès dans la défense des droits de l'homme et de l'activisme communautaire ».

Mohammad a été interrogé pendant deux mois dans le centre de détention de Kishon, dans le nord d'Israël. Son avocat m'a dit qu'il avait été interrogé à plusieurs reprises sur ses rencontres, contacts et activités politiques en Europe. Il affirme que Mohammad a été maintenu en isolement, privé de sommeil, interrogé nuit et jour et menacé de mort.

Lundi, Mohammad a été officiellement placé en détention administrative israélienne pendant trois mois. Il est le dernier de plus de 335 Palestiniens détenus de cette manière, une pratique fondée sur une loi d’urgence du Mandat britannique de 1945 et mis en évidence dans un rapport du mois dernier par les groupes israéliens pour les droits de l’homme B'Tselem et HaMoked.

J'ai rencontré Mohammad Othman à Jayyous il y a un an, lors d'une protestation contre l'annexion de terres agricoles de la ville pour construire le mur d'Israël. Les résidents venaient juste d’apprendre que leurs permis de traverser le mur pour se rendre sur leurs exploitations étaient annulés, et ils avaient ravivé leur campagne antérieure de résistance. Il me conduisit dans une ruelle tandis que les soldats commençaient à reprendre la rue principale à coup de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc, obligeant les jeunes à quitter les barricades qui empêchaient les jeeps militaires de traverser la ville. « Nous sommes constamment inquiets des raids de l'armée et des arrestations, tous les militants locaux le sont, », me dit-il après que nous soyons éloignés de la ligne de feu.

Dimanche, presque exactement un an après que je l’ai rencontré à Jayyous, je voyais Mohammad devant un tribunal militaire, dans un barraquement qui ressemblait à une coopérative avicole surdimensionnée, à l’intérieur de la prison d'Ofer d'Israël, en Cisjordanie. Ses avocats avaient interjeté appel contre sa détention prolongée sans inculpation.

A l'extérieur du tribunal, les membres des familles d'autres détenus palestiniens s'accrochaient à la grille, attendant des nouvelles de leurs proches. Des officiels des consulats britanniques et allemands et des représentants d'ONG israéliennes et internationales remplissaient la petite salle d'audience. Enchaîné au niveau des jambes, et n'ayant la traduction que d'une fraction de la procédure engagée contre lui, Mohammad a à deux reprises levé le poing, dans un geste de force et de résistance.

À travers la Cisjordanie, tout comme dans cette salle d'audience, Israël tente de resserrer son étau sur l’expression de l'autodétermination palestinienne. Le village frontalier de Bil'in a capté le regard international avec une campagne de résistance forte et bien documentée contre la dépossession causée par le mur d'Israël. Ce sont précisément ces appels internationaux de la société palestinienne qu'Israël vise avec une campagne systématique de violence et d'incarcération à l'intérieur du territoire qu’il contrôle.

Cet été, un comité de représentants de Bil'in est allé au Canada pour soutenir une action en justice contre deux entreprises de construction de colonies israéliennes enregistrées à Montréal. A leur retour, leur leader, Mohammad Khatib, a été arrêté par l'armée israélienne. Et tandis que ces deux sociétés continuent de construire des habitations illégales sur les terres agricoles de Bil'in, les militaires ont mené des raids systématiques dans le village pendant trois mois.

La dernière fois que j’ai discuté avec Mohammad Khatib en Septembre, il était épuisé par la combinaison du jeûne de Ramadan et les invasions nocturnes constantes de l'armée. Il m'a dit que les jeunes arrêtés à Bil'in avaient été sévèrement battus par l'armée sur le chemin de l'interrogatoire, qui avait ainsi obtenu des « aveux ».

Jeudi dernier, la pression sur la ville a encore augmenté lorsque des soldats israéliens en civil se sont infiltrés, ont tabassé et arrêté un jeune de 19 ans, militant du village, Mohammed Yasin. Gaby Lasky, l'avocat des détenus de Bil'in, dit qu'elle a été informée par le parquet militaire que l'armée cherchait à en finir avec la lutte les manifestations anti-mur du village en utilisant « toute la force de la loi » contre les manifestants.

Et c'est ça, la stratégie de Benjamin Netanyahu : frapper tous les points de pression. Sur la scène diplomatique, il exige l'assentiment des représentants officiels des Palestiniens, mais cette politique ne se limite pas à une danse de relations publiques avec une Autorité palestinienne dont un nombre croissant de gens demande la dissolution.

L'objectif est de transformer l’appel mondialement entendu des Palestiniens à la solidarité en un appel à la miséricorde israélienne. Il s’exprime dans les raids militaires contre les maisons palestiniennes, et dans les prisonniers politiques détenus sans procès dans les geôles israéliennes et attachés à des chaises dans les salles d'interrogatoire.
Source : The National