samedi 3 octobre 2009

Nucléaire iranien: les dessous d'"une journée constructive" à Genève

Par Georges Malbrunot le 2 octobre 2009 20h57

iran solana jalili.jpgEspoirs. La rencontre de Genève n’a pas réglé le problème nucléaire iranien. Mais elle a permis d’avancer enfin sur la voie de négociations sérieuses entre les Occidentaux, emmenés par les Américains, et le régime de Téhéran, qui marque pour la première fois son désir de discuter de son programme nucléaire. Et non plus seulement de gagner du temps.

Après quatorze mois de rupture des pourparlers, deux avancées ont été enregistrées jeudi. Téhéran, tout d’abord, s’est engagé à autoriser l’accès très rapide (dans dix jours environ) à son nouveau site d’enrichissement d’uranium, dont l’existence n’avait été révélée que la semaine dernière. C’était une exigence forte des Occidentaux.

Ensuite – et c’est sans doute, là, la clé de cette « journée constructive », comme l’ont qualifié à la fois Américains et Iraniens – les parties se sont mises d’accord sur le principe d’un enrichissement à l’extérieur de l’Iran de l’uranium faiblement enrichi au préalable dans les centrifugeuses iraniennes.

Mais comment croire qu’en l’espace de quelques heures, alors qu’on nous prédisait généralement un échec, les deux camps aient pu autant progresser sur un litige, au cœur jusqu’à maintenant du différend entre l’Iran et l’Occident.

En fait en coulisses, Américains et Iraniens avaient déjà pris langue, ces dernières semaines. Selon nos informations, les deux parties ont eu au moins une correspondance secrète, avec des ouvertures à la clé, portant notamment sur le transfert à l’étranger de cet uranium faiblement enrichi.

En public, tout part fin août du long entretien d’une heure et demie donné par Mahmoud Ahmadinejad à l’hebdomadaire américain Newsweek. Pour la première fois, le président iranien fait part de son offre d’acheter aux Etats-Unis de l’uranium enrichi pour usage médical, et il propose des rencontres entre experts des deux bords.

Ces propositions passent généralement inaperçues dans la presse, mais pas dans les allées du pouvoir aux Etats-Unis, bien sûr ; ni même en Europe, en France et en Russie, notamment. Car « Obama, après avoir saisi la balle au bond, va mouiller ces deux pays dans les réponses qu’il compte faire aux offres iraniennes », explique un connaisseur du dossier.

Et, c’est le 12 septembre, selon nos sources, que Paris, non sans quelques réticences, aurait dit oui à sa participation au scénario dévoilé avant-hier à Genève par un responsable américain sous couvert de l’anonymat.

L’Iran transférerait l’essentiel de ses stocks d’uranium enrichi à 3,5% à la Russie, qui l’enrichirait ensuite à 19,75%, soit un niveau toujours nettement en-dessous du seuil requis pour forger une arme nucléaire (90%). Et second élément du dispositif, des techniciens français produiraient à partir de cette matière des tubes de combustible pour alimenter le réacteur de recherche dont dispose Téhéran.

Avantage de ce plan, s’il est mis en œuvre : une réduction significative des stocks iraniens d’uranium faiblement enrichi, qui sont une source d’inquiétude chez les voisins arabes de l’Iran, mais aussi en Occident.

Au final, l’Iran fait un geste en acceptant ce transfert, mais il ne renonce pas à son « droit sacré à l’enrichissement ». Si les Occidentaux, de leur côté, ont dû abandonner leur exigence de « zéro centrifugeuse », ils enregistrent une victoire en matière de lutte contre la prolifération nucléaire. Détail important, personne ne perd la face.

Cet accord n’est que ponctuel, mais il pourrait préfigurer un arrangement permanent, espèrent aujourd’hui les plus optimistes de chaque camp. Si la confiance n’est pas encore établie entre Téhéran et les Occidentaux, chacun semble avoir fait un pas vers le seul point d’équilibre possible: pour les Occidentaux, accepter le programme nucléaire iranien dans ses grandes lignes, et pour les Iraniens, accepter que ce programme soit suffisamment encadré et surveillé pour rassurer le monde et interdire tout détournement à des fins militaires.

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