vendredi 9 octobre 2009

Le très gênant Rapport Goldstone

publié le jeudi 8 octobre 2009

Heba Zaghloul
Face aux pressions de Washington, l’Autorité palestinienne a accepté le report des discussions sur le « Rapport Goldstone » qui accuse Israël de crimes de guerre, faisant ainsi l’objet de critiques au sein même du gouvernement et creusant davantage le fossé avec le Hamas.

Israël peut crier victoire. Le Conseil des droits de l’homme a décidé vendredi dernier de reporter à sa session de mars prochain le vote d’une résolution sur le « Rapport Goldstone ». Le rapport en question, dont l’auteur est le juge sud-africain Richard Goldstone, qui met aussi en cause des groupes militaires palestiniens, est surtout accablant pour Israël. Il accuse l’Etat hébreu d’avoir commis lors de sa guerre contre Gaza l’hiver dernier, des « crimes de guerre » et de possibles « crimes contre l’humanité ». Le juge Goldstone va plus loin : il recommande de demander au Conseil de sécurité de saisir le procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI) si aucun progrès n’est réalisé d’ici six mois dans les enquêtes menées par les autorités israéliennes et l’Autorité palestinienne. Le but de Goldstone est clair : la saisie de la CPI contribuerait à mettre fin à une « culture de l’impunité » qui, selon lui, existe depuis bien trop longtemps dans la région.

Ces recommandations sont rejetées en bloc par Israël, qui, depuis la publication de ce rapport le 16 septembre dernier, a intensifié ses efforts diplomatiques pour bloquer toute résolution à son encontre. Des efforts vigoureusement soutenus par les Etats-Unis, qui pour leur part ont exercé à leur tour de fortes pressions sur les membres du Conseil des droits de l’homme, mais aussi à l’encontre de l’Autorité palestinienne pour que cette dernière accepte le report des discussions sur la résolution. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, avait effectivement menacé la semaine dernière de ne faire aucun pas « ni prendre d’autres risques en direction de la paix » si le Rapport Goldstone était adopté.

Et l’Autorité palestinienne a fini par céder. Et ce n’est pas tant la décision du Conseil des droits de l’homme que la position de l’Autorité palestinienne qui a créé une polémique cette semaine, en attirant tout d’abord les foudres du Hamas. Ce dernier n’a pas mâché ses mots en accusant le gouvernement palestinien de « trahison », de « collaboration avec l’ennemi », ou pire encore de « complicité dans les crimes » commis à Gaza.

Le fossé est donc davantage creusé entre le Hamas et l’Autorité palestinienne, laissant peu d’espoir à une réconciliation ou un déblocage du dialogue qui était pourtant censé reprendre ce mois-ci entre les deux partis. Mais cette affaire est surtout une occasion pour le Hamas de discréditer davantage le gouvernement palestinien, et par là même de consolider sa position face à l’opinion publique palestinienne.

Même au sein du gouvernement palestinien, les critiques n’ont pas manqué. Le ministre palestinien de l’Economie, Bassem Khouri, est allé jusqu’à présenter samedi dernier sa démission pour protester contre la position palestinienne au Conseil des droits de l’homme. Un coup dur pour le premier ministre, Sallam Fayyad, qui en est déjà à la deuxième démission ministérielle depuis la formation de son gouvernement en mai ; la première étant celle du ministre palestinien en charge de Jérusalem, Hatem Abdel-Qader, qui avait démissionné début juillet pour protester contre un manque de soutien du gouvernement à la population palestinienne de la ville sainte face à Israël. Ces démissions ne peuvent que fragiliser davantage l’Autorité palestinienne.

Pourquoi donc avoir accepté de reporter le vote de la résolution ? Emad Zuhairi, observateur permanent adjoint de la Palestine au Conseil des droits de l’homme, a tenté d’expliquer : « Le rapport n’est pas mort, mais il faut faire preuve de beaucoup d’intelligence pour faire accepter un rapport aussi riche. Il faut du temps à la communauté internationale pour trouver un consensus ».

La communauté internationale ne serait donc pas prête à accepter les conclusions de ce rapport. Peut-être, car certains pays pourraient bien craindre que les recommandations de Goldstone ne donnent de nouvelles prérogatives au Conseil des droits de l’homme, permettant à ce dernier de pouvoir, quand il le décide, actionner la Cour pénale internationale.

Une concession de plus pour rien

Quant au gouvernement palestinien, il a certainement fait l’objet de fortes pressions américaines, mais peut-être aussi a-t-il reçu des promesses de la part de Washington pour la relance des pourparlers israélo-palestiniens. Ceci dit, rien ne laisse croire à un prochain déblocage des négociations. Israël continue sa politique de colonisation, multiplie ses mesures de fait accompli à Jérusalem-Est et dans le reste des territoires occupés. Dimanche dernier, des extrémistes juifs ont tenté une nouvelle fois l’entrée sur l’Esplanade des mosquées à Jérusalem. Il s’agissait là d’une nouvelle tentative de judaïsation de la ville sainte qui a donné lieu à de nouveaux affrontements entre Palestiniens et autorités israéliennes. Ce qui en l’occurrence met le gouvernement palestinien dans une situation encore plus difficile, accusée par l’opposition palestinienne d’avoir « sauvé Israël » en acceptant le report du vote de la résolution contre l’Etat hébreu sans aucune contrepartie de la part de ce dernier.

Or si l’Autorité palestinienne est dans une situation délicate vis-à-vis de son opinion publique, Israël pour sa part n’a pas caché sa satisfaction du report de la résolution. Certes, les Etats-Unis auraient bloqué au Conseil de sécurité toute résolution qui demanderait à Israël de comparaître devant la CPI, mais il n’en demeure pas moins que sa simple accusation, dans une résolution de l’Onu, d’être coupable de crimes de guerre et peut-être même de crimes contre l’humanité ne pouvait que ternir l’image de l’Etat hébreu au sein de l’opinion publique internationale. Et c’est précisément ce qu’espéraient les Palestiniens, et surtout les habitants de Gaza, encore traumatisés par une guerre qui a coûté la vie à plus de 1 400 Palestiniens et qui a fait des milliers de blessés : obtenir une justice, même si elle n’est que symbolique, mais qui marquerait la fin de l’impunité du gouvernement israélien. Le report du vote de la résolution sur le Rapport Goldstone est donc une nouvelle déception pour la population palestinienne, à moins que ce ne soit qu’un simple sursis pour Israël jusqu’en mars 2010, date de la prochaine session du conseil.

publié par al-Ahram hebdo en français

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