jeudi 29 octobre 2009

Le quitte ou double d’Abbas

publié le mercredi 28 octobre 2009

Renée-Anne Gutter
Le raïs confirme la tenue des élections en janvier. “Avec ou sans le Hamas”.

Rien n’y a fait : ni les critiques du Hamas qui crie à "l’usurpation du pouvoir", ni les intercessions de la part d’indépendants palestiniens qui craignent pour l’avenir de leur nation tout entière. Mahmoud Abbas (Abou Mazen) l’a confirmé ce week-end : sa décision de convoquer des élections générales le 24 janvier prochain est "irrévocable". "Avec ou sans le Hamas". Selon le décret que le raïs a publié vendredi soir, le scrutin se déroulera dans l’ensemble des territoires - Cisjordanie, Gaza, Jérusalem-Est - et portera à la fois sur la présidence et le parlement de l’Autorité palestinienne.

Le décret de M. Abbas a été approuvé dimanche par son parti, le Fatah, et plus largement par l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) qui a spécialement réuni ses instances à cet effet. Par contre, le mouvement islamiste Hamas - qui ne fait pas partie de l’OLP - persiste à voir dans cette décision unilatérale une "déclaration de guerre" et à en récuser la légalité. Car théoriquement, selon le calendrier constitutionnel de l’Autorité palestinienne, le mandat présidentiel d’Abou Mazen a expiré en janvier dernier. Son exercice actuel est donc illégitime aux yeux des islamistes.

C’est en effet en janvier 2005, après le décès de Yasser Arafat, que M. Abbas a été élu pour quatre ans à la présidence de l’Autorité palestinienne. Les territoires devaient donc retourner aux urnes présidentielles en janvier dernier. Mais vu les tensions avec le Hamas qui avait entre-temps saisi le pouvoir à Gaza, M. Abbas a unilatéralement prorogé son mandat d’un an, faisant valoir une disposition de la loi qui appelle à tenir les scrutins présidentiel et législatif de façon simultanée. Le 24 janvier 2010 est la date à laquelle expire l’exercice quadriennal du parlement actuel de l’Autorité palestinienne. Rappelons que c’est aux dernières législatives de 2006 que le Hamas a pour la première fois remporté une majorité. Ce qui a ouvert la voie, par la suite, au schisme entre le "Fatahland" en Cisjordanie et le "Hamastan" à Gaza.

Or, le Hamas n’a jamais reconnu cette prorogation de la présidence. Et aujourd’hui, fort du pouvoir qu’il s’est arrogé par les armes à Gaza en juin 2007, il ne désespère pas d’étendre sa mainmise sur la Cisjordanie. Accusant M. Abbas de préparer "une vaste fraude électorale pour se refaire une légitimité", le mouvement islamiste menace de convoquer ses propres élections.

Les analystes palestiniens sont donc unanimes : le raïs s’est lancé dans un dangereux quitte ou double.

Soit il regagne le pouvoir sur l’ensemble des territoires. Mais la Commission centrale des élections de l’Autorité palestinienne n’a pas encore précisé comment elle s’y prendra pour organiser un scrutin méticuleux et fiable dans une Gaza hostile, ainsi que dans une Jérusalem-Est gouvernée par un Israël de plus en plus nationaliste. Les sondages ne garantissent pas la victoire non plus. Selon les derniers chiffres, M. Abbas est au coude à coude avec son challenger, Ismaïl Haniyé, le Premier ministre du Hamas à Gaza : chacun est crédité de 16 % des intentions de vote. Toutefois, en tant que parti, le Fatah devance le Hamas, avec 34 pc contre 18 pc.

Soit la manœuvre consommera le divorce institutionnel qui s’est déjà instauré de fait entre la Cisjordanie et Gaza, sans que personne n’y gagne vraiment de légitimité, tant domestique qu’internationale. Ainsi, les Palestiniens des territoires risquent de se retrouver définitivement séparés en deux entités rivales, avec deux présidents, deux gouvernements, deux parlements. Et avec, enclavée entre les deux, n’appartenant à aucune d’elles, une Jérusalem-Est palestinienne annexée par Israël.

M. Abbas explique cependant qu’il n’avait pas le choix. Pour organiser les élections générales à la date prévue du 24 janvier 2010, il était tenu constitutionnellement d’en annoncer la convocation trois mois à l’avance. Si le Hamas et le Fatah se réconcilient d’ici là, le raïs se dit prêt à reporter le scrutin au 24 juin 2010, en accord avec le Hamas, comme prévu dans l’accord de réconciliation que proposent les médiateurs égyptiens.

Mais comme l’a confirmé le Hamas, dimanche, le dialogue inter-palestinien demeure dans l’impasse. Et les deux camps s’en rejettent la faute. Le Fatah accuse le Hamas de suivre les "diktats irréductibles" de Damas et Téhéran, le Hamas accuse le Fatah d’obéir aux "desiderata sionistes" de Barack Obama et Benjamin Netanyahou. [[Voir aussi le Monde

L’annonce d’élections en janvier accroît les tensions entre le Fatah et le Hamas

Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, a choisi la fuite en avant en convoquant pour le 24 janvier 2010 des élections parlementaires et présidentielle en Cisjordanie, dans la bande de Gaza et à Jérusalem-Est. Le Hamas a immédiatement rejeté cette décision, qualifiant le décret présidentiel d’"inconstitutionnel et illégal", et a prévenu que ces scrutins ne se tiendront pas à Gaza, territoire qu’il contrôle depuis juin 2007.

Un large scepticisme prévalait, dimanche 25 octobre, quant à la possibilité d’organiser cette double consultation à la date fixée par M. Abbas. Le chef de l’Autorité palestinienne a pris acte de la persistance des divisions entre le Fatah, mouvement qui domine largement l’Autorité palestinienne, et le Hamas, que les efforts de médiation égyptiens, engagés il y a plusieurs mois, n’ont pas réussi à surmonter.

Le Fatah a signé le 15 octobre l’accord interpalestinien négocié par Le Caire, alors que le Hamas a demandé un nouveau délai "pour plus de consultations internes". Cet accord propose l’organisation d’élections palestiniennes le 28 juin, la restructuration des forces de sécurité palestiniennes sous la supervision de l’Egypte, et la libération des détenus politiques en Cisjordanie et à Gaza.

Mahmoud Abbas s’est défendu d’avoir pris sa décision sur la base de considérations "tactiques" pour inciter le mouvement de la résistance islamique à signer cet accord, ou pour le prendre de vitesse et réaffirmer sa légitimité. Son mandat de quatre ans à la tête de l’Autorité palestinienne est arrivé à échéance en janvier 2009, mais il a été prolongé d’un an, ce qu’a contesté le Hamas.

M. Abbas n’a pas exclu de retarder la date des scrutins si le Hamas signe l’accord interpalestinien, mais il vient de prendre un engagement qui sera difficile à tenir, tant à Gaza qu’à Jérusalem-Est.

Dans la bande de Gaza, où vivent environ 1,5 million de Palestiniens (2,5 millions en Cisjordanie), les militants du Fatah ne sont pas en mesure d’organiser des élections contre la volonté du Hamas.

POPULARITÉ EFFRITÉE

A Jérusalem-Est, aucun scrutin n’est envisageable sans l’accord des autorités israéliennes. Celui-ci semble improbable, sauf à envisager que le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, monnaye son acquiescement en échange de concessions palestiniennes, dans le cadre des tentatives en cours pour relancer le processus de paix.

A ce stade, la décision de Mahmoud Abbas risque donc d’accroître la tension entre les deux branches du mouvement palestinien, voire à entériner sa division : le Hamas envisagerait d’organiser ses propres élections à Gaza si la date du 24 janvier était maintenue.

La popularité du président de l’Autorité palestinienne s’est beaucoup effritée à la suite de ses atermoiements à propos du rapport Goldstone sur la guerre de Gaza de l’hiver 2008.

Selon un sondage réalisé par l’Institut d’enquêtes palestinien JMCC, Mahmoud Abbas recueillerait 16,8 % d’intentions de vote lors d’un scrutin présidentiel, soit à peine plus qu’Ismaïl Haniyeh (16 %), premier ministre du Hamas, et autant que Marouan Barghouti, l’ancien responsable de la branche armée du Fatah, emprisonné en Israël. Le Fatah demeure cependant nettement plus populaire que son rival (40 % d’intentions de vote, contre 18,7 %) au sein de la population palestinienne.

M. Abbas a manifestement voulu donner des gages – tant aux Américains qu’à la population palestinienne – de sa volonté de respecter les échéances démocratiques. Se faisant, il a pris un risque politique, puisqu’il est généralement admis que la réconciliation interpalestinienne est une condition indispensable pour faire progresser le processus de paix.

Laurent Zecchini

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publié par la Libre Belgique

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