jeudi 29 octobre 2009

"Le problème n’est pas la sécurité d’Israël mais celle du monde entier"

publié le mercredi 28 octobre 2009

entretien avec B. Netanyahou
Dans une interview au magazine Newsweek, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou livre son point de vue sur le rapport Goldstone, parle de la prolifération nucléaire et de la solution d’un Etat binational [1].

Benjamin Netanyahou, selon quelqu’un qui le connaît bien, considère la menace iranienne en termes très extrêmes : il se voit investi de la mission de protéger le peuple juif d’un deuxième Holocauste. Comme bien des Israéliens, il a été scandalisé par un rapport des Nations unies supervisé par l’ancien magistrat sud africain Richard Goldstone et qui accuse Israël de crimes de guerre lors de l’invasion de Gaza au début de cette année. Lally Weymouth de Newsweek s’est entretenue avec Netanyahou à Jérusalem la semaine dernière. Extraits :

LALLY WEYMOUTH : Qu’avez-vous pensé du rapport Goldstone ?

BENJAMIN NETANYAHOU : Je pensais qu’il y avait des limites à l’hypocrisie, mais de toute évidence, je me trompais. La soi-disant commission des droits de l’Homme accuse Israël — qui se défendait légitimement contre le Hamas — de crimes de guerre. Ceci alors que le Hamas, je le précise, est coupable non d’un seul type de crime de guerre, mais de quatre. D’abord, il appelle à la destruction d’Israël, ce qui selon la charte des Nations unies est considéré comme un crime de guerre — incitation au génocide. Deuxièmement, il a délibérément ouvert le feu sur des civils. Troisièmement, il se sert de civils comme de boucliers, et quatrièmement, il retient en captivité depuis trois ans notre soldat Gilad Shalit en interdisant à la Croix Rouge tout accès. Et après ça, qui se retrouve accusé de crimes ? [2]

Les gens d’ici [en Israël] semblent considérer le rapport comme très injuste, mais certains appellent néanmoins à une enquête interne.

Nous l’envisageons, pas à cause du rapport Goldstone, mais pour nos propres besoins internes. La meilleure façon de désamorcer le problème est de dire la vérité, qui est qu’Israël se défendait par des moyens justes contre une agression injuste.

Avez-vous été surpris que des pays comme la Grande-Bretagne ou la France ne soutiennent pas Israël ?

Je pense que tous les pays qui sont eux-mêmes en guerre contre ce genre de terrorisme violent doivent se dresser. Contre le terrorisme, la clarté morale est l’arme la plus importante.

Que pensez-vous de l’accord apparemment signé à Genève entre l’Iran, l’administration Obama et d’autres pays occidentaux ?

Il est trop tôt pour en parler, car ce qui compte réellement, c’est que la communauté internationale fasse pression sur l’Iran pour interrompre l’enrichissement de l’uranium, qui n’a qu’un objectif — la production d’armes nucléaires.

Cette semaine, on m’a dit que vous considériez que votre mission était d’éviter un deuxième Holocauste au peuple juif.

C’est un sentiment qu’ont toujours partagé les Premiers ministres d’Israël.

Le pensez-vous plus particulièrement à la lumière de la menace nucléaire iranienne ?

Pour l’heure, je pense que la question n’est pas uniquement la sécurité d’Israël, mais celle du monde. Les sociétés libres et ouvertes sont menacées par de sinistres extrémistes qui cherchent à se doter, avec leurs affidés, d’armes nucléaires.

Vos voisins arabes affirment qu’ils sont eux aussi très préoccupés.

A une exception près — et je n’en suis même pas sûr — il n’existe aucun pays arabe qui ne soit préoccupé à l’idée de voir l’Iran se doter de l’arme nucléaire. Et, bien sûr, les grandes puissances en Europe en ont compris le danger. S’il y parvenait, ce serait un tournant historique.

On dit qu’Israël pourrait se préparer à une frappe contre l’Iran. Je ne suis pas responsable des rumeurs. Nous pensons qu’il s’agit d’un problème international. La communauté internationale étant concernée, l’effort international emmené par les Etats-Unis est le meilleur moyen de mettre fin à cette menace.

Selon vous, que faut-il faire vis-à-vis des Palestiniens ?

Pour résumer, je dirais que les négociations de paix doivent s’ouvrir sans conditions préalables, et que le résultat des négociations devrait être un Etat palestinien démilitarisé qui reconnaît l’Etat juif. Une courte phrase qui reprend l’essentiel du problème et l’essentiel de la solution. L’essentiel du problème est que depuis 62 ans, les Palestiniens refusent de reconnaître Israël comme l’Etat-nation du peuple juif.

Ils déclarent avoir reconnu Israël, mais qu’on leur demande aujourd’hui de le reconnaître en tant qu’Etat juif.

C’est exact. Israël n’est pas un état binational. Y vivent des non-juifs, qui disposent des mêmes droits intégraux, mais deux éléments garantissent son caractère spécifique. C’est le pays natal de tout Juif. Et un large consensus en Israël convient que le problème des réfugiés palestiniens doit être réglé hors des frontières d’Israël. Les Juifs viendront ici et les Palestiniens iront là. À vous de choisir. C’est le socle d’une solution [3].

Que pensez-vous du président Obama ?

Entre l’administration Obama et mon gouvernement, il y a bien plus de coopération et de transparence qu’on le sait. Nous parlons ouvertement, et j’apprécie beaucoup ce qu’a entrepris l’administration Obama pour lutter contre la présentation faussée des faits du rapport Goldstone, les pressions exercées sur l’Iran afin d’obtenir qu’il mette fin à son programme nucléaire militaire, et les efforts continus que nous menons pour relancer les négociations de paix entre Israël et les Palestiniens.

[1] ce "point de vue" est une leçon de choses sur l’art de la désinformation, sur la permanence de la falsification historique et sur le déni arrogant et cynique de responsabilité des autorités israéliennes. C’est ce qui fait l’intérêt de cet entretien. Note : CL

[2] Les 21 jours de l’offensive terrestre et aérienne menée par l’armée israélienne sous les ordres alors du trio criminel Livni-Barak-Olmert, ont fait plus de 1400 morts et 5000 blessés parmi la population de Gaza -dans l’immense majorité des civils- et causé des destructions immenses de biens, maisons, infrastructures...

[3] Le cynisme intolérable de cette affirmation est dans le droit fil de la position sioniste dès le départ, en 47-48, avec la terreur imposée par les milices juives puis l’armée israélienne qui ont chassé près de 900 000 Palestiniens de chez eux pour s’approprier leur terre et leurs biens. Cette volonté de l’oppresseur de maintenir les réfugiés palestiniens dans l’inexistence et la misère, de faire perdurer la dépossession 61 ans après la terreur de l’exode contraint et de l’exil, affiche le mépris du droit international qui est la constante de la politique israélienne. Politique d’oppression et de destruction réitérée par le criminel Sharon en 2001-2 ("finir ce qui ne l’a pas été en 48" ) lors de la réoccupation de la Cisjordanie et qui se perpétue aujourd’hui par le siège mortifère de Gaza, la colonisation illégale galopante de la Cisjordanie dont Jérusalem-Est et la situation discriminatoire imposée aux Palestiniens d’Israël, ceux qui ont pu rester au moment de la Nakba.

Entretien mené par Lally Weymouth

Publié par Newsweek le 24 octobre.

http://www.newsweek.com/id/219375/

et en français par le Nouvel Observateur

http://tempsreel.nouvelobs.com/actu...

Traduit de l’anglais par David Korn

Notes et traduction du titre : C. Léostic, Afps