jeudi 30 octobre 2014

Nouvelle escalade des tensions à Jérusalem

Les policiers israéliens ont tué jeudi matin à Jérusalem un Palestinien soupçonné d'avoir tiré sur une figure ultranationaliste juive quelques heures auparavant, dans une nouvelle escalade des tensions dans la Ville sainte.
Devant cet accès de fièvre, les autorités israéliennes ont pris la décision rare de fermer l'ultra-sensible esplanade des Mosquées jusqu'à nouvel ordre, à la veille de la grande prière hebdomadaire du vendredi. La police a été placée en état d'alerte sur tout le territoire, a indiqué un porte-parole.
Jeudi matin, de jeunes Palestiniens échangeaient avec les policiers israéliens des pierres et des grenades assourdissantes aux confins des quartiers d'Abou Tor et de Silwan, épicentre des troubles au pied de la Vieille ville et de l'esplanade des Mosquées depuis une semaine, a constaté un journaliste de l'AFP.
Jeunes Palestiniens et policiers israéliens en décousaient près des lieux où les policiers avaient tué tôt jeudi Muataz Hijazi, soupçonné d'avoir tiré mercredi soir sur Yehuda Glick et de l'avoir grièvement blessé.
«Le Palestinien qui était le principal suspect de l'attaque mercredi soir a été éliminé à son domicile dans le quartier d'Abou Tor à Jérusalem par une unité des forces spéciales de la police à la suite d'un échange de tirs», a dit à l'AFP un porte-parole de la police, Micky Rosenfeld.
Selon la radio publique israélienne, ce Palestinien avait passé dix ans dans une prison israélienne «pour activités terroristes».

Yehuda Glick est un rabbin, colon et personnalité de l'extrême droite israélienne qui milite depuis des années pour que les juifs puissent prier sur l'esplanade des Mosquées.
PHOTO MIRI TSACHI, ARCHIVES AFP


«Un assassinat pur et simple»
Les résidants ont entendu les coups de feu à 5 h 50. Muataz Hijazi a été tué sur un toit, selon les témoins. Les policiers sont «arrivés pour arrêter le type qui avait tiré sur le rabbin, ils se sont tiré les uns sur les autres, les heurts ont éclaté après», a relaté Mahmoud Bazlamit, un habitant de 18 ans.
«C'était un assassinat pur et simple. Ils l'ont tué de sang-froid», a dit un autre habitant sous couvert de l'anonymat.
Les policiers israéliens ont pris le contrôle de l'ambulance qui transportait le corps, selon des témoins.
Yehuda Glick a été visé, semble-t-il, par un homme à moto à Jérusalem-Ouest alors qu'il sortait d'un débat au Centre de l'héritage de Menahem Begin (du nom d'un ancien premier ministre israélien) sur le mont du Temple (le nom donné par les juifs à l'esplanade des Mosquées) dans la Vieille ville.
Yehuda Glick est un rabbin, colon et personnalité de l'extrême droite israélienne qui milite depuis des années pour que les juifs puissent prier sur l'esplanade des Mosquées. Il a été expulsé à maintes reprises de l'esplanade des Mosquées par les policiers israéliens.
Cette revendication, qui s'est fait entendre de manière accrue ces derniers mois, est une cause majeure des tensions auxquelles est en proie Jérusalem-Est, partie palestinienne de la ville occupée et annexée par Israël.
Celles-ci se sont encore aggravées depuis le 22 octobre. Ce jour-là, un jeune Palestinien de Silwan est, délibérément selon les autorités israéliennes, entré au volant de sa voiture dans un groupe de voyageurs du tramway et a tué un bébé américano-israélien de trois mois et une Équatorienne dans ce que les Israéliens ont qualifié d'attentat terroriste.
Plusieurs quartiers ont depuis été le théâtre d'affrontements quotidiens faisant redouter une troisième Intifada.
«Ligne rouge»
Les juifs sont autorisés à visiter l'esplanade des Mosquées, mais pas à prier, par crainte des incidents. L'esplanade des Mosquées est sacrée pour les musulmans et les juifs.
Le statut de l'esplanade des Mosquées est une source de tensions permanentes. Les musulmans s'alarment de l'intention prêtée au gouvernement israélien d'autoriser les juifs à y prier. Ils redoutent qu'une telle autorisation constitue le premier pas vers la destruction des mosquées en vue de bâtir le «troisième temple» juif.
Le premier ministre Benyamin Nétanyahou s'est de nouveau défendu lundi de vouloir changer le statut de ce lieu saint.
Le statut de l'esplanade des Mosquées est, pour les Palestiniens, la plus cardinale des sources de tensions, une «ligne rouge» selon les autorités palestiniennes. Mais les crispations ont été exacerbées par une série d'évènements depuis juin, la guerre de Gaza, la poursuite de la colonisation par Israël, les brimades permanentes auxquelles les Palestiniens se disent en butte, et plus globalement la poursuite de l'occupation.
La mort d'un Palestinien, l'attaque contre un ultranationaliste juif, mais aussi la fermeture de l'esplanade des Mosquées sont susceptibles d'échauffer encore davantage les esprits.
Une porte-parole de la police a indiqué que cette dernière se tenait «prête à faire face à tout scénario pour maintenir l'ordre».
Une «déclaration de guerre»
Le président palestinien Mahmoud Abbas a qualifié jeudi de «déclaration de guerre» aux Palestiniens et aux musulmans la fermeture par Israël de l'esplanade des Mosquées et les récents agissements israéliens à Jérusalem-Est, a indiqué un porte-parole.
«La poursuite de ces agressions et cette dangereuse escalade israélienne constituent une déclaration de guerre au peuple palestinien, à ses lieux sacrés et à la nation arabe et musulmane», a dit M. Abbas selon son porte-parole Nabil Abou Roudeina.
Le président Abbas a appelé à une «action immédiate» de la part de la communauté internationale pour faire cesser les agissements israéliens.
Jérusalem-Est, annexée et occupée par Israël, est en proie à des tensions qui sont allées grandissant depuis une semaine. Devant cet accès de fièvre, les autorités israéliennes ont pris la décision rare de fermer l'ultra-sensible esplanade des Mosquées, jusqu'à nouvel ordre.
«Nous tenons le gouvernement israélien responsable de cette dangereuse escalade qui a atteint son comble avec la fermeture de l'esplanade des Mosquées. Cette décision est un acte dangereux et une provocation flagrante, source de tension et d'instabilité», a dit M. Abbas.