vendredi 18 juillet 2014

Pendant que la guerre sévit à Gaza, les affrontements s’intensifient en Cisjordanie

Ahmed Melhem - Al Monitor
Ramallah, Cisjordanie – Dans la nuit du 11 juillet et tôt dans la matinée du 12, les villes de la Cisjordanie et les villes Arabes se trouvant à l’intérieur de la Ligne Verte ont enregistré de violents affrontements, y compris au niveau des checkpoints et des camps militaires israéliens. Ces endroits n’ont pas connu de pareilles scènes d’accrochages depuis plusieurs années.
JPEG - 76.4 ko
Des manifestants Palestiniens affrontent les soldats israéliens lors d’une manifestation contre l’action militaire israélienne à Gaza, près de la ville de Naplouse en Cisjordanie, le 14 juillet 2014
Ces heurts qui ressemblent à ceux de l’intifada dans les villes de Cisjordanie se sont exacerbés concurremment avec l’escalade de la guerre sur Gaza qui entre dans sa deuxième semaine, et avec les possibles crimes de guerre commis contre la population civile là-bas.
En effet, c’est depuis l’enlèvement et l’assassinat du jeune Mohamed Abu Khdeir par des colons, le 2 juillet dernier, que les affrontements se poursuivent à Jérusalem et dans les villes et villages Palestiniens situés à l’intérieur de la Ligne Verte. Les heurts ont pris de l’ampleur, se sont diversifiés et se sont intensifiés.
Sur le terrain, on peut clairement sentir que la situation en Cisjordanie est en proie à la tension et ce, depuis que la vague de manifestation s’est propagée à travers les villes et les villages. Bethléem, Hébron, Jérusalem et Ramallah sont les villes où l’on a enregistré les affrontements les plus violents. Durant la manifestation du 11 juillet, des jeunes Palestiniens ont incendié le checkpoint militaire de Qalandia, ce qui a poussé les soldats israéliens à évacuer les lieux pour une courte période, permettant aux jeunes gens Palestiniens de prendre contrôle sur l’endroit.
Durant les journées du 11 et 12 juillet, Al-Monitor a recensé plus de 30 villes et villages qui ont connu de violents affrontements, impliquant des milliers de jeunes personnes. Des douzaines de Palestiniens ont été blessés par des balles réelles et des balles en caoutchouc. Un jeune homme ayant participé aux accrochages non loin de la colonie de Bethel a confié à Al-Monitor : « Nous nous soulèverons contre Israël. Nous organiserons des actions de protestation quotidiennes en face des colonies de Bethel et d’Awfar et nous lancerons des pierres et des cocktails Molotov. »
Un autre homme en possession d’un cocktail Molotov prêt à être tiré a déclaré à Al-Monitor : « Nous voulons les brûler comme ils ont brûlé Mohamed Abu Khdeir et les enfants de Gaza avec leurs missiles. L’intifada doit être déclenchée pour soutenir Gaza et pour soulager ses habitants des affres de la guerre. » Un autre homme qui brûlait les pneus sur une route mitoyenne à Bethel a indiqué : « L’Autorité [Palestinienne] nous met en garde contre toute altercation et tout accrochage avec les forces de l’occupant et nous obsèdent, mais nous continuerons notre combat et poursuivrons les heurts avec les soldats, » et d’ajouter : « Nous prenons part à ces affrontements durant la nuit et jusqu’à l’aube depuis le début du mois de Ramadan, avec des températures très élevées durant la journée. »
Il y a lieu de préciser que les affrontements qui opposent les jeunes Palestiniens aux forces Israéliennes interviennent spontanément et sans planification ni appels des forces politiques, factions ou partis et ce, faute d’une direction populaire nationale unie devant prendre en charge le développement d’un programme de lutte nationale. A travers son appareil sécuritaire, l’Autorité Palestinienne (AP) cherche à avoir le contrôle sur les affrontements en érigeant des postes de contrôle de la sécurité, et en déployant massivement ses agents à proximité des checkpoints et des camps de l’armée israélienne afin d’empêcher les gens d’avancer. Cette mesure a également conduit à des heurts avec les jeunes Palestiniens, comme la dispersion d’une manifestation à Hébron le 11 juillet.
Dans une interview accordée le 11 juillet à la chaîne de télévision libanaise Al-Mayadeen, le Président Palestinien Mahmoud Abbas a déclaré qu’il n’acceptera pas que le gouvernement Israélien pousse au déclenchement d’une troisième intifada. Hamas a trouvé que les propos du Président Abbas « mettent la victime et le bourreau sur un pied d’égalité. » Dans un communiqué de presse publié le 12 juillet, le Hamas a indiqué : « Nous appelons nos compatriotes de la Cisjordanie, de Jérusalem et des Territoires Occupés de 1948 à un soulèvement populaire de masse dans la journée du vendredi, en solidarité avec la Bande de Gaza. Ce soulèvement sera synonyme de loyauté envers le sang de nos martyrs qui a été versé à travers toutes les villes Palestiniennes, en soutien à la résistance Palestinienne. Nous voulons exprimer notre rejet à tout type de complot tracé contre la Bande. »
Al-Monitor s’est approché d’Ahmed Zaki, étudiant à l’Université de Jérusalem et qui assiste quasi-quotidiennement aux affrontements. Au sujet de la montée des tensions en Cisjordanie à cause de la guerre sur Gaza, il a affirmé : « Les jeunes gens sont très en colère contre les massacres en cours dans la Bande de Gaza, contre la position de l’AP qui reste passive les bras croisés en maintenant la coordination sécuritaire avec Israël et en tentant d’empêcher ces jeunes d’arriver jusqu’à ces points de combats. La guerre sur Gaza a accéléré le rythme des affrontements qui ont éclaté suite à l’assassinat du jeune martyr Mohamed Abu Khdeir. »
Pour la parlementaire et membre de l’OLP Khalida Jarrar « Les Palestiniens se dirigent vers une situation permanente de confrontations avec l’occupation, depuis qu’Israël a intensifié ses crimes, ses arrestations, ses bombardements, ses assassinats et ses activités d’expansion de colonies. » Elle a précisé : « Les affrontements auxquels nous assistons aujourd’hui sont un prélude à une prochaine explosion. Nous devons avoir une direction populaire nationale capable de communiquer et d’obtenir des résultats positifs pour le meilleur intérêt du peuple Palestinien. Tout type de coordination sécuritaire doit être cessé, une protection politique doit être mise en place et aucune forme d’apaisement ne sera acceptée. »
La parlementaire a reconnu que les attaques continues sur Gaza ont augmenté l’intensité des affrontements en Cisjordanie. « Cette agression maintiendra la situation des heurts et accrochages en Cisjordanie et l’exacerbera davantage, puisque nous assistons actuellement à une escalade des affrontements en Cisjordanie, dans la Bande de Gaza et dans les territoires internes [Israël], prenant plusieurs formes de lutte, » a-t-elle souligné.
Al-Monitor s’est par ailleurs entretenu avec Jamal Huwail, représentant du Fatah au Parlement et ancien prisonnier. Il a expliqué qu’une profonde rage accablante habite les Palestiniens en Cisjordanie, à Gaza et dans d’autre villes en Israël contre les pratiques israéliennes à leur encontre. Ancien leader de la bataille du camp de réfugiés de Jénine pendant la seconde Intifada, Huwail précise : « Je suis totalement convaincu qu’aucun soulèvement populaire potentiel ne sera en notre faveur tant que nous ne disposons pas encore d’un leadership national unifié. » Huwail estime que c’est le peuple qui incite à la révolution, et non pas un responsable ou un chef de faction.
S’agissant des derniers affrontements, Huwail explique : « La grande colère des gens est due aux pratiques de l’occupation. L’assassinant du jeune Mohamed Abu Khdeir et la guerre contre Gaza ont poussé les jeunes à affronter l’occupant. Il s’agit là du pouls de la rue car aucun responsable n’a pris position. Notre leadership souffre de décadence et a perdu la confiance qui lui a été confiée par la rue Palestinienne. Personne ne saura décider si une nouvelle Intifada aura lieu ou non. Seul le peuple décidera. »
JPEG - 9.6 ko
* Ahmed Melhem est journaliste et photographe, basé à Ramallah et travaillant pour Al-Watan News
14 juillet 2014 – Al Monitor – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha