vendredi 18 juillet 2014

Gaza brûle et les Arabes se contentent de regarder

Dr Mohammed Al-Misfer
Il est arrivé à maintes reprises que des peuples opprimés résistant à leurs oppresseurs rallient à leur cause la solidarité internationale, parce que l’opinion publique balançait en leur faveur. En continuant à résister à leurs ennemis ils deviennent l’incarnation du courage. Nous en avons vu l’exemple le plus manifeste au Vietnam quand le peuple a combattu la plus grosse superpuissance du monde.
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Le 17 juillet, un enfant blessé et traumatisé est emmené à l’hôpital de Rafah après une frappe israélienne, juste avant une "trêve humanitaire" de 5 heures. [Said Khatib/AFP/Getty Images]
Les Vietnamiens ont démontré comment ils se sont soutenus les-uns les-autres quand la ville de Hanoi est devenue un phare pour sa sœur méridionale Saigon. Peu après, le peuple sud-vietnamien incarnait l’esprit de la résistance et atteignait tous ses objectifs.
Quand il s’agit de la Palestine, la situation est totalement différente, car dans la bande de Gaza (le sud de la Palestine), nous voyons une vraie résistance armée engagée dans la bataille contre l’ennemi sioniste, lequel se sert de l’armement le plus sophistiqué et utilise toute sa puissance et son influence dans le monde pour cadrer ce conflit comme il le juge bon. C’est bien cela qui piège le peuple palestinien à Gaza.
Gaza brûle, et ses partisans naturels, les Arabes dans la région, restent assis à regarder.
L’Autorité Palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas, basée dans la ville cisjordanienne de Ramallah (qu’on peut considérer comme la partie nord de la Palestine), devrait être le meilleur avocat de son peuple à Gaza. Et pourtant, tout ce que nous entendons n’est que murmures et déclarations futiles prononcées ici et là.
Le premier jour de l’agression israélienne contre Gaza, mardi dernier, le président Abbas était entendu à une conférence sur la paix à Tel Aviv. Il n’a pas prononcé un seul mot sur ce qui se passait à Gaza. Nous avons été très optimistes quand nous avons appris la formation d’un gouvernement d’union entre la Cisjordanie et Gaza et nous avons cru à la fin définitive de la division nationale. Nous avons cru que ce nouveau gouvernement travaillerait à empêcher une agression israélienne de toucher tant la Cisjordanie que la bande de Gaza, et nous nous sommes dits que bientôt ce gouvernement œuvrerait à lever le siège égyptien de Gaza. Hélas, tout ce que nous avons vu c’est un silence assourdissant de l’actuel « gouvernement d’union nationale » à Ramallah.
L’ennemi israélien poursuit son agression contre Gaza l’esprit tranquille parce qu’il sait que l’Égypte de Al-Sissi ne s’offusquera d’aucune forme de destruction ou d’agression qui puisse mettre fin à la résistance palestinienne dans la bande de Gaza. Cela ne dérangera pas la nouvelle Égypte si la résistance palestinienne est réduite au silence à jamais, parce que selon la nouvelle vision de Al-Sissi pour la république, la bande de Gaza et le Hamas sont des sympathisants, sinon des rejetons, des Frères Musulmans, qui cherchent à faire tomber le nouveau leader égyptien.
Bien plus, Israël est très conscient du fait que la direction de l’Autorité palestinienne à Ramallah n’aimerait rien autant que clouer les ailes politiques du Hamas. C’est sur cette base qu’Israël a cherché la première excuse venue pour lancer une offensive généralisée contre la bande de Gaza.
Le prétexte avancé est que des membres du Mouvement de Résistance islamique sont le cerveau derrière l’enlèvement de trois colons israéliens en Cisjordanie. Les colons ont finalement été retrouvés morts et les Israéliens ont accusé le Hamas d’être responsables alors même que le bastion du mouvement est à Gaza. C’est à partir de cet élément qu’Israël a entamé son agression contre la bande de Gaza.
Il est vraiment décevant que le gouvernement à Ramallah n’agisse pas comme une source de soutien aux gens de Gaza confrontés à l’agression israélienne. Au lieu de cela, il a choisi d’alimenter la haine et le blâme à leur encontre. L’AP a interdit toute manifestation ou autres activités de soutien à la résistance palestinienne à Gaza, ce qui, évidemment profite à Israël.
La plupart des Arabes aujourd’hui sont préoccupés dans leurs capitales par des guerres sanglantes lancées par leurs propres dirigeants qui veulent maintenir leur empire et leur autorité malgré la volonté du peuple. Ces batailles s’étendent de Sanaa à Damas, de Beyrouth au Caire, de Tripoli à la docile Autorité Palestinienne qui n’a pas l’intention de résister à l’occupant israélien.
C’est dans ce contexte régional qu’Israël a lancé la première menace et entamé son offensive militaire.
Quelle étrange et bizarre époque que la nôtre. Étrange aussi que l’Amérique fasse une proposition pour qu’une troisième partie, sans doute arabe, serve de médiateur entre Israël et le Hamas, parce que les États-Unis n’ont pas de relations formelles avec le mouvement. Toutefois l’Amérique a le pouvoir et le dernier mot dans virtuellement tout conflit armé au Moyen-Orient et elle ne semble pas vouloir dissuader Israël de s’en prendre aux Palestiniens de Gaza. En fait, le Secrétaire d’État à la Défense Chuck Hagel a dit récemment qu’Israël a le droit de se défendre par tous les moyens nécessaires. Le Président français François Hollande a affirmé sa solidarité avec Israël dans sa confrontation avec les Palestiniens. Le Secrétaire Général des Nations Unies a également exhorté les deux côtés à faire preuve de retenue das des circonstances qui suscitent énormément de questions.
Que se passerait-il au moyen-Orient si Mahmoud Abbas annonçait que l’Autorité Palestinienne va se dissoudre ?
Après tout, l’AP n’a d’autre objectif que de mendier et de dépenser l’argent pour ses affiliés et faciliter la tâche à Israël par la « coopération » sécuritaire.
Que se passerait-il si Abbas annonçait, étant donné que la Cisjordanie et Gaza sont sous occupation, qu’Israël doit assumer ses responsabilités en tant qu’occupant ?
Que se passerait-il si la Jordanie cessait d’appliquer les conditions du traité de paix de 19994 avec Israël ?
Que se passerait-il si le Hezzbollah ouvrait un front au Liban sud contre Israël en signe de solidarité avec Gaza ?
Que se passerait-il si l’Égypte ouvrait le passage de Rafah sans conditions et levait le siège de Gaza ?
Tout cela n’est que rhétorique, mais nous pouvons deviner quelles seraient les réponses. Pour commencer, la réalité de la situation actuelle changerait et l’Orient et l’Occident ne demeureraient plus silencieux quand il s’agit de la violence d’Israël contre le peuple palestinien. Un certain nombre de ministres étrangers prendraient le chemin des capitales arabes, cherchant leur approbation et leur assentiment, comme cela s’est déjà produit dans un passé récent.
Si vous luttez et que votre sang coule, si les Arabes soutiennent la lutte palestinienne et si la bande de Gaza et la Cisjordanie sont unies, tous ces facteurs contribuant ensemble au bénéfice de la cause, le monde n’aura d’autre choix que de respecter tout le cadre national palestinien. Si l’union nationale se réalisait, peu importerait alors l’opinion d’un médiateur européen ou américain sur ce qui se passe à Gaza, parce qu’il n’y aurait pas de différence entre ceux qui sont engagés dans le combat et ceux qui agissent comme piliers de soutien.
Le peuple de Gaza a une volonté invincible, malgré les nombreuses souffrances qu’il endure. Est-il possible que les Arabes un jour s’unissent pour soutenir leur courageuse résistance contre l’agression israélienne ? En ce moment, tout ce que nous pouvons dire, c’est que ce n’est pas impossible. L’avenir nous le dira.
(Cet article est paru initialement dans Al-Araby Al-Jadid le 13 juillet 2014)
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* Mohammad Al Misfer est professeur de sciences politiques à l’Université du Qatar
14 juillet 2014 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
https://www.middleeastmonitor.com/a...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM