jeudi 31 juillet 2014

La Résistance palestinienne est une icône pour tous ceux qui aspirent à la liberté

Susan Abulhawa - Middle East Eye
Il existe des nations et des peuples autres que les Palestiniens, qui comprennent ce que signifie préférer mourir en combattant que mourir en étant à genoux.
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Gaza, 29 octobre 2010 - Les partisans du Djihad islamique palestinien marquent le 23e anniversaire de la création de leur mouvement, en même temps que l’assassinat de Fathi Shiqaqi, son fondateur - Photo : demotix.com
Alors que Palestiniens saignent et brûlent dans l’obscurité, sans eau, sans abri, sans nourriture ni médicaments sous l’assaut barbare d’Israël, la propagande israélienne est propulsée avec force à travers le monde - dans les médias occidentaux en particulier - et la liste habituelle de politiciens américains et magnats de la presse en sont les acteurs enthousiastes. Le thème central consiste à accuser les victimes. Ils sont cyniques et leurs propos sont surréalistes, mais beaucoup de gens avalent le tout sans se poser de questions.
Le lèche-bottes d’Israël, Bill Clinton, reprend le vocabulaire de l’occupant en le résumant : « [le Hamas a] une stratégie pour forcer Israël à tuer ses propres civils. » Certainement que Clinton tente de fournir quelques gages politique à l’AIPAC au profit de sa femme qui vise la présidence... mais le cynisme abject d’une telle déclaration s’apparente à la pire des propagandes depuis l’époque de Goebbels (*). C’est l’équivalent de dire qu’une femme dans une robe moulante oblige les hommes à la violer. Personne ne force les Israéliens à tuer des civils non armés dans leurs maisons. Personne ne les force à bombarder les hôpitaux, les centres de réadaptation, les usines de traitement de l’eau, les boulangeries, ou les enfants jouant au football sur la plage. Ils font d’eux-mêmes. Volontairement et délibérément. Ils utilisent des fusils et des bombes et des avions et des navires de guerre et des drones et des tireurs d’élite de leur propre gré, contre une population civile sans défense dans un des endroits les plus densément peuplés du monde. Avec l’Égypte, ils ont assiégé le territoire en bouclant toutes les frontières, et les gens n’ont nulle place où aller et se mettre à l’abri. Il est tout simplement impossible de réfuter ce simple fait.
Les Israéliens disposent du matériel militaire et des équipements de surveillance les plus sophistiqués au monde et ils voient avec une grande précision ce qu’ils vont frapper. Impossible de croire que les navires de guerre israéliens se seraient trompés en voyant quatre enfants jouer au ballon sur une plage grande ouverte. Imaginons qu’ils aient fait une erreur avec le premier tir (une hypothèse vraiment très généreuse), le second tir d’artillerie - tandis que les garçons fuyaient, complètement terrorisés - ne pouvait l’être. Ce tireur d’élite a lui aussi bien vu qu’il tuait un homme désarmé qui fouillait les décombres à la recherche de sa famille lors d’un cessez-le feu humanitaire de 2 heures.
Benjamin Netanyahu s’est vu donner des heures de temps d’antenne pour y verser ses messages racistes, déshumanisants et répugnants dans tous les salons à travers les États-Unis. Parmi les plus fallacieuses et les plus choquantes était son affirmation selon quoi il est très triste d’avoir à tuer autant de bébés ; Israël essaie de protéger les Palestiniens, mais le Hamas les pousse dans les combats. « Quel choix avons-nous ? » demande-t-il. Ensuite, reprenant les images coloniales de l’indigène sauvage, il affirme que les Palestiniens veulent plus de morts afin de pouvoir les empiler et les exposer pour la télévision. Le Hamas utiliserait donc des « Palestiniens télégéniquement morts », pour la cause... La suggestion est que les Palestiniens, contrairement à toutes les créatures de notre planète, ne seraient pas dotés de l’impulsion humaine si fondamentale qui est de vouloir protéger ses enfants. Le pire, c’est que Wolf Blitzer (lui-même un pro-sioniste et pro-Israël notoire) ne contredit absolument pas une propagande si obscène.
« Que feriez-vous ? »
Les médias occidentaux continuent de présenter la tuerie hystérique perpétrée par Israël comme de l’auto-défense. Des sommes énormes ont été dépensées pour des campagnes de propagande avec des images de roquettes pleuvant sur des villes occidentales et accompagnées d’une légende : « Que feriez-vous ? » En effet, je voudrais poser la question : « Que feriez-vous ? » si une occupation militaire oppressante vous maintenait vous et tous ceux que vous aimez enfermés dans une petite enclave, de sorte qu’il soit interdit d’entrer aux produits et biens les plus élémentaires pour vivre ? Lorsque vous ne pouvez pas partir, ni même espérer partir, jamais ? Lorsque les navires de guerre vous tirent dessus et coulent votre bateau si vous essayez de pêcher dans la mer qui appartient à Dieu ? Où si vous deviez creuser des tunnels sous la terre et ramper dans des conditions dangereuses, comme des rongeurs, pour faire passer des livres, des couches, des pâtes et des crayons ?
Lorsque vous êtes soumis à des assassinats ciblés, des bombardements réguliers, de l’eau potable polluée, des enlèvements et des arrestations arbitraires ? Que feriez-vous si vous étiez soumis à des raids de nuit, des points de contrôle sans fin et le harcèlement quotidien et constant des soldats et des colons enragés de Brooklyn qui viennent réclamer votre maison parce que, parait-il, Dieu les aime plus que vous ? Que feriez-vous si votre fils avait été contraint d’avaler de l’essence, puis brûlé vif parce qu’il est né dans votre famille, laquelle est, selon les lois de l’État oppresseur, indigne de jouir de l’égalité des droits. Une sorte d’humain inférieur avec un dieu de second rang.
Que feriez-vous si vous deviez passer deux heures à faire un voyage qui devrait normalement prendre 10 minutes, parce que vous n’êtes pas autorisé à voyager par certaines routes ? Si la couleur de votre carte d’identité ne vous permet de circuler que dans un faible rayon et que vous serez emprisonné si vous sortez de l’espace réduit qui vous est alloué ? Que feriez-vous si vous ne pouviez pas travailler, si vous étiez empêché d’aller prier dans votre ville sainte qui est à seulement 10 minutes de chez vous ? Que feriez-vous si vos enfants, dès l’âge de 10 ans, étaient enlevés par des soldats lourdement armés pour être interrogés, seuls, emprisonnés, torturés, forcés à signer des aveux dans une langue qu’ils ne peuvent pas lire ni comprendre, puis emprisonnés par les tribunaux militaires ? Que feriez-vous si les oliveraies ancestrales de votre famille avaient été confisquées par l’État ou brûlées par des colons illégaux, votre vie et votre histoire rayées de la carte ?
Que feriez-vous si vous aviez été expulsé de votre maison et poussé dans un camp de réfugiés afin que des Juifs venus de partout dans le monde puissent prendre votre place et avoir un pays de plus, avec une double nationalité, une dans leur pays d’origine et une dans le vôtre ? Que feriez-vous si l’ensemble de votre nation était terrorisée et brutalisés parce que quelqu’un a tué trois colons juifs, pour lesquels aucune preuve n’a jamais été présentée et aucun procès conduit ? Si les dirigeants de cette occupation militaire, dans les plus hautes fonctions, appellent à verser votre sang et le sang de vos enfants, qu’ils appellent « petits serpents », et que leurs intellectuels appellent au viol de vos mères et vos sœurs pour dissuader votre tendance naturelle qui est de vous battre pour résister ?
Ne souhaiterez-vous lancer des pierres et des cocktails Molotov à leurs blindés ? Ne souhaiteriez-vous pas tirer des roquettes sur leur dôme de fer ? Ne voudriez-vous pas marcher chaque semaine, pacifiquement, contre la construction du mur en béton qui traverse votre village ? Ne souhaiteriez-vous pas boycotter, désinvestir et sanctionner ? Souhaiteriez-vous négociez avec vos bourreaux la liberté et tout ce qui est non-négociable ? Voudriez-vous plaider auprès des Nations Unies ? Aller au tribunal international ? Rédiger des essais de ce genre destinés à tomber dans des oreilles de sourds ?
Le droit de résister
Les Palestiniens ont tout fait. Nous choisissons la résistance, toujours, sous toutes ses formes. Nous résistons parce que c’est notre droit. Parce que nous sommes les natifs de cette terre et que nous n’avons nulle part ailleurs où aller. Parce que nos parents, grands-parents, arrière-grands-parents et encore bien d’autres avant eux sont enterrés dans ce sol. Parce que nous avons raison et que notre cause est juste. Nous résistons passivement et activement. Nous résistons violemment et de manière non violente. Il est de notre droit légal et moral de résister avec les moyens dont nous disposons contre ce qui a été nommé fort justement le « génocide incrémentale. »
Nous avons tout essayé pour gagner la plus simple des dignités humaines. Nous avons renoncé à notre droit juridique, historique, moral, culturel, ethnique sur 78% de la Palestine historique pour former un État sur ​​les 22% restants, sur lesquels Israël ne peut pas demander un iota de souveraineté. Mais Israël n’a jamais agi de bonne foi, choisissant plutôt de coloniser plus de la moitié de ce territoire dans le laps de temps où nous avons tenté de négocier l’indépendance. Aujourd’hui, certains Palestiniens ont choisi de reprendre les armes.
Bien que les roquettes lancées depuis Gaza soit avant tout des pétards qui ne nuisent à personne, les envoyer est parfaitement logique. Si cette perturbation minimale de normalité dans la vie des Israéliens est tout ce que nous pouvons faire, alors c’est ce que nous devions faire. Si le maximum que les Palestiniens puissent faire est de rendre malaisé pour un couple d’Israéliens de profiter d’une journée à la plage, d’aller dans une salle de gym ou un café pendant que leur armée déchiquète les corps de nos enfants à l’extérieur, alors c’est ce que nous devions faire. Ces roquettes sont des affirmations symboliques et radicales de la volonté inflexible d’un peuple autochtones à vivre avec dignité dans sa patrie ancestrale. Ce sont des actes minimum d’auto-défense d’un peuple contre qui des crimes innommables n’ont jamais cessé depuis plus de 60 ans.
Il y a des gens dans le monde qui comprennent ce que je dis. Des gens qui ont vécu sous les terribles, cruelles, humiliantes bottes d’un autre peuple. Des gens qui rêvaient et languissaient pour le doux souffle de la liberté et de la justice. Qui ont dû se battre et mourir pour cette liberté contre une force militaire très supérieure. C’est pourquoi l’Afrique du Sud est avec nous. Pourquoi les Irlandais sont avec nous. Pourquoi la Bolivie, le Venezuela, le Chili, Cuba, la République démocratique du Congo, et d’autres sont avec nous. Les sociétés civiles, à défaut des gouvernements, dans toutes les parties du monde sont avec nous. Nous disons, merci ! À vous, nos frères et sœurs. Merci pour votre solidarité. Nous ne l’oublierons pas.
Il y a ceux qui comprennent ce que signifie préférer mourir en combattant que mourir à genoux. Qui comprennent pourquoi les habitants de Gaza, dans leur douleur ineffable, la peur, l’insécurité et la misère ont choisi de soutenir la muqawama, la résistance. Certaines personnes se souviennent de l’insurrection de Varsovie où les Juifs ont envoyé leur propre version de pétards inoffensifs vers leurs bourreaux surarmés, et donc, beaucoup de nos frères et sœurs juifs du monde entier sont debout avec nous, témoignant de ce qui est noble et humain.
Mais les puissants de cette planète nous accusent de notre propre misère. Ils se tiennent debout derrière Israël, un État colonial terroriste, armé avec les meilleures des machines de mort, et ils nous demandent de désarmer. Nous savons que ces mêmes gouvernements stimuleront bientôt les exportations d’armes israéliennes qui peuvent maintenant porter l’étiquette lucrative : « Testé sur le terrain. » Nous savons qu’ils savent qu’Israël exploite les corps des Palestiniens comme chair à canon pour en faire son profit.
Nous savons aussi, plus clairement que jamais, que ne pouvons compter que sur nous-mêmes et les gens de conscience pour imposer notre propre libération. Gaza nous l’enseigne tous les jours. Ces gens de conscience nous enseignent également que nous pouvons mettre nos différences de côté et nous unir en tant que peuple.
Ce que nous savons aussi, c’est que les tables tournent rapidement dans notre partie du monde. Israël n’a pas été ici assez longtemps pour comprendre cette vérité fondamentale de notre pays. Un jour, le soleil brillera à nouveau sur la Palestine et elle sera à nouveau le lieu pluraliste, multi-religieux et multi-culturel, qu’elle avait été avant Israël. C’est la paix pour laquelle nous nous battons. Nous nous battons pour une paix faite de justice et de dignité qui accorde la vie et l’espoir aux êtres humains, sans égard à leur religion ou à toute autre caractéristique arbitraire.
Et un jour, nous gagnerons. Nous irons nager à nouveau sur les rives de Haïfa, regarder les vagues se jeter contre les murs de Akka. Nous irons pêcher aussi loin que nos bateaux ont besoin d’aller. Nous irons prier à Al-Aqsa et au Saint-Sépulcre. Nous irons récolter nos oranges de Jaffa, les raisins d’Hébron, et les olives partout ailleurs. Cette vieille image de patriarches, musulmans et juifs et chrétiens, les cartes à jouer à la main à Jérusalem, sera une fois de plus une réalité. Et nous allons honorer ceux qui sont morts, ont combattu, résisté, et payé un prix tellement élevé pour cela.
Note :
* Goebbels (1897-1945) a réussi à faire de la propagande une véritable technique, exerçant ainsi sur les Allemands de l’Allemagne Nazie une influence considérable. Il a depuis fait de nombreux émules... dont les thuriféraires pro-israéliens.
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* Susan Abulhawa est l’auteure de Les Matins de Jénine (éditions Buchet-Chastel, 2008) et la fondatrice de « Playgrounds for Palestine ».
http://www.middleeasteye.net/column...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach