dimanche 27 avril 2014

Les Gazaouis rêvent de pouvoir un jour prier à la Mosquée Al-Aqsa

samedi 26 avril 2014 - 07h:10
Rasha Abou Jalal - Al Monitor
Ville de Gaza, Bande de Gaza – C’est en 1999 qu’Oum Aref Yusef a visité la Mosquée Al-Aqsa pour la dernière fois. Depuis, elle n’y a plus remis les pieds à cause des restrictions de voyage compliquées mise en place par Israël à l’encontre de la population de Gaza.
JPEG - 96.1 koLe 31 décembre 2013, un Palestinien fait sa prière à l’extérieur de la Mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, après sa libération d’une prison israélienne - Photo : Reuters/Ammar Awad
Âgée de 72 ans, Yusef contemple avec nostalgie et avec regret la photo du Dôme du Rocher doré, accrochée sur le mur de sa maison du quartier Nasr, dans la ville de Gaza. Elle confie à Al-Monitor : « J’arrive encore à sentir le parfum de ses vieux murs. Je n’oublierai jamais cette sensation forte qui accompagne la prière en son sein. Je me souviens de ce moment comme si c’était un rêve que j’espère revivre avant que la mort ne m’emporte à jamais. »
En effet, Israël n’autorise plus les habitants de Gaza de voyager à Jérusalem depuis le déclenchement de la seconde Intifada palestinienne de 2000. Israël a également limité le nombre des personnes pouvant traverser le passage frontalier d’Erez à une minorité comprenant des étrangers, d’importants industriels et des malades.
Les nombreux récits de Yusef au sujet de sa dernière visite à Al-Aqsa ont cultivé une ambition et un désir chez ses petits-enfants, nés sous la décision d’Israël d’interdire les Gazaouis de voyager à Jérusalem. Sa petite-fille Samah, 19 ans, a confié à Al-Monitor qu’elle ne connait Jérusalem qu’à travers les images de la télévision et les récits de sa grand-mère.
Samah représente toute cette génération qui rêve de partir dans cette ville qui, pour longtemps, est considérée comme la principale cause du conflit israélo-palestinien persistant. Cependant, les restrictions israéliennes font obstacle au rêve de ces jeunes qui ont appris à concevoir et à imaginer d’autres moyens leur permettant de vivre et de maintenir le lien avec les monuments sacrés de Jérusalem.
La jeune Sajeda Abu Ouda habite à Khan Yunis, dans le sud de la Bande de Gaza. Elle entretient une passion pour le lieu saint de Jérusalem au point où elle a demandé à ses amis de Jérusalem d’écrire son nom sur une feuille, de prendre une photo du nom avec le Dôme du Rocher en arrière-plan et de lui envoyer le résultat par courriel. Bien évidemment, son rêve est de prendre une photo en personne devant ce lieu saint, et le plus vite possible.
« Ma joie fut indescriptible lorsque mes amis de Jérusalem ont accédé à ma demande. J’ai pleuré d’émotion et j’ai senti que c’est moi qui marchais dans les vestibules de la mosquée. J’ai mis ma photo dans un cadre en bois orné et je l’ai accroché au mur de la maison, » raconte Abu Ouda à Al-Monitor.
Et d’ajouter : « C’était une joie hors normes, j’ai senti l’espoir couler dans mes veines. Il est vrai que je n’ai jamais été là-bas physiquement, mais grâce à cette photographie, c’est mon âme qui a été transportée pour danser dans les cours de la mosquée. »
Le jeune Ahmed Zeituneh a vécu la même expérience et a publié sur Facebook la photo de son nom devant le Dôme du Rocher. Il a précisé : « Nous les Gazaouis, nous sommes interdits de nous rendre à Jérusalem. Toutefois, en réussissant à avoir nos noms inscrits là-bas, nous avons prouvé aux occupants israéliens que Jérusalem est Arabe, Musulmane et Palestinienne. »
Il a également expliqué les restrictions imposées par l’occupation israélienne constituent le principal obstacle qui l’empêche de se rendre à Jérusalem. Il a indiqué que l’objectif d publier ces photos était d’affirmer le dévouement et l’attachement de « tous les Gazaouis » à la Mosquée Al-Aqsa face aux tentatives de judaïsation entreprises par les Israéliens. »
L’idée s’est très vite répandue et a fait son chemin chez les habitants de Jérusalem et de Gaza qui ont lancé des campagnes à travers les réseaux sociaux sous le slogan « Aujourd’hui ton nom, demain toi-même. » Les Gazaouis ont vite adopté le concept et tout le monde a tenu à avoir son nom photographié devant Al-Aqsa dans le but de signifier leur espoir de pouvoir un jour prier dans ce lieu saint.
Parmi les pages Facebook dédiées à ces campagnes, nous citons « Ton nom à Al-Aqsa » [Your name at Al-Aqsa] et « Ton nom d’Al-Aqsa » [Your name from Al-Aqsa]. Les personnes qui consultent ces pages peuvent voir des centaines de photos de noms des Gazaouis devant Al-Aqsa ou le Dôme du Rocher, prises par des bénévoles de Jérusalem.
Salah Khudeir est le modérateur de la page « Ton nom à Al-Aqsa ». Ce jeune habitant de Gaza a informé Al-Monitor qu’il reçevait quotidiennement des centaines de demandes. Il a souligné : « Beaucoup de Gazaouis désirent voir la Mosquée d’Al-Aqsa et on peut concrètement ressentir l’impact de cette privation. C’est pourquoi, je tiens à répondre aux attentes des centaines de personnes sans exception et gratuitement. »
Il a ajouté : « Au lancement de la campagne, nous avons reçu entre 50 et 100 demandes chaque jour. Mais plus tard, le nombre a grimpé à 1000 demandes dans une seule journée. Actuellement, nous cherchons des bénévoles à Jérusalem pour photographier tous les noms des Gazaouis qui rêvent de visiter Jérusalem. »
La propagation des photos des Gazaouis à travers les médias sociaux a incité les jeunes Palestiniens de Gaza à réclamer leur droit de visiter Jérusalem. Plusieurs campagnes et sit-in ont été organisés à travers la Bande de Gaza sous le slogan « Je suis Palestinien de Gaza, et je demande mon droit de faire ma prière à Jérusalem. »
Raid Moussa est l’un des organisateurs de ces campagnes. Il a précisé que l’objectif était d’exercer une pression sur toutes les parties concernées afin de permettre aux Gazaouis de visiter Jérusalem et de prier à Al-Aqsa qui est en soi un rêve difficile à réaliser du fait des intransigeances israéliennes.
Se confiant à Al-Monitor, Moussa a expliqué que son jeune groupe s’est chargé de transmettre les centaines de demandes de personnes désirant visiter Jérusalem à l’Autorité Civile de la Bande de Gaza ; l’administration chargée de la gestion du voyage via le passage d’Erez.
« Les responsables nous ont informés que les Israéliens ont rejeté ces requêtes ; un refus qui nous a amenés à protester devant les bureaux de l’autorité dans une tentative vaine de recouvrer nos droits, » a-t-il souligné.
Interrogé sur les raisons qui ont poussé Israël à interdire aux Gazaouis de voyager à Jérusalem, Maher Abu Aref, président de l’Autorité Civile dans la Bande de Gaza, a refusé de répondre.
Toutefois, il avait, en août 2013, abordé ce sujet dans une interview accordée au journal local Felesteen : « La question de permettre aux civils de voyager via le passage d’Erez n’est pas discutée. Il s’agit d’une question politique et l’Autorité Civile ne s’immisce par dans ces affaires. »
Israël continue d’interdire aux Gazaouis de voyager par le passage d’Erez. Malgré cela, les citoyens n’abandonnent pas le rêve de voir un jour toutes ces restrictions levées et ces obstacles franchis pour arriver enfin au bout du tunnel qui les transportera en toute sécurité à Jérusalem où ils pourront enfin prier à Al-Aqsa.
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* Rasha Abou Jalal est écrivain et journaliste à Gaz, spécialisée dans les nouvelles politiques, les questions humanitaires et sociales liées à l’actualité.
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Traduction : Info-Palestine.eu - Niha