lundi 17 octobre 2011

Les familles des prisonniers se préparent au retour et à l'exil de leurs proches

Ecrit par Pierre Tiercin   
17.10.11
Vendredi dernier, alors que se répandait l'annonce de la publication des prisonniers qui seraient libérés au cours de l'échange de Gilad Shalit, les familles ont réagit avec soulagement et douleur.
par Maysa Abu Ghazala
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Au cours d'un rassemblement devant les bureaux de la Croix Rouge Internationale, un homme tient la photo de son oncle, prisonnier en Israël [photo : Brendan Work, PNN]
L'échange de Gilad Shalit comprend 45 palestiniens de Jérusalem-Est, dont trois femmes, et seulement douze d'entre eux pourront retourner dans leurs foyers. Les autres seront exilés dans la bande de Gaza ou en Syrie, en Turquie et au Qatar, selon les dernières déclarations du Hamas, en application des conditions propres à l'échange.
L'échange doit commencer mardi, et dans les dernières heures qui les séparaient de leurs proches, les familles de Jérusalem-Est ont exprimé espoirs et joie, affirmant que la libération d'un seul prisonnier était une victoire pour tous.
La Famille de Fouad al-Razem
Après avoir passé le principal de sa vie d'adulte, soit 31 ans, en prison, Fouad al-Razem, 54 ans, est connu sous le pseudonyme de "doyen des prisonniers" et a vu passer plus de 20 échanges de prisonniers entre Israël et les Etats arabes. Il est né le 9 décembre 1957 et a grandi dans le district de Silwan, à Jérusalem-Est, dans une maison qui contient encore toutes ses affaires. Il y a été arrêté le 30 janvier 1981 à l'âge de 23 ans, jugé coupable d'avoir tué deux soldats israéliens dans la fin des années 1970 et condamné à une peine de prison à vie.
La soeur de Fouad, Umm Nidal, a exprimé sa crainte qu'Israël ne revienne sur sa parole au dernier moment et maintienne Fouad en détention, comme c'est arrivé en 1985 alors que Fouad avait déjà pris place dans le bus qui le mènerait à l'extérieur lorsque le directeur de la prison avait changé d'avis et lui avait ordonné de quitter le bus et de retourner dans sa cellule. Umm Nidal se rappelle de la "profonde déception" qu'avait alors ressentie sa famille.
Ce sentiment a aujourd'hui fait place à beaucoup d'espoir, alors que la famille de Fouad prépare une fête pour son retour, avec une retenue majeure : Fouad ne reviendra pas à Jérusalem-Est, puisqu'il fait partie de ceux qui seront exilé vers Gaza. Sa photo est visible sur de grandes affiches qui ont été collés tout autour de sa maison à Silwan, mais il ne les verra pas.
La Famille d'Amna Muneh
Amna Muneh, 35 ans, est l'une des trois femmes de Jérusalem-Est qui seront bientôt libérées par Israël. Elle est détenue depuis 2001 pour avoir participé aux actions ayant conduit à la mort d'un jeune israélien âgé de 16 ans. "Je n'ai jamais perdu espoir de voir Amna libéré. Tous les jours, j'étais optimiste", a assuré sa mère, Samira, auprès de PNN.
A la différence des deux autres prisonnières de Jérusalem-Est, Muneh doit être exilée à sa libération. Sa mère a affirmé qu'elle était quand même contente.
"Il n'y a pas de maison pour un combattant de la paix. Et il n'y a rien que nous puissions y faire. Mais au moins en exil, elle pourra travailler, apprendre, et vivre une vie normale", a-t-elle expliqué.
La Famille d'Ibtisam al-Essawi
Ibtisam al-Essawi sera libérée après 10 ans de prison, alors que sa fille Rama devait se marier cette semaine. Lorsqu'ils ont reçu la nouvelle, la famille d'Ibtisam a décidé de changer ses plans.
"Après avoir eu confirmation de la nouvelle", a déclaré Ruba, la seconde fille d'Ibtisam, "nous avons décidé de reporter le mariage jusqu'à ce que notre mère soit libérée. Mais alors nous avons reçu une lettre d'elle, nous priant de maintenir le mariage. Lorsqu'elle sera libérée, nous aurons deux grandes fêtes à célébrer".
La Famille de Sana Shahadeh
La famille de Sana a commencé les préparatifs dès qu'elle a reçu la nouvelle de sa libération. Sa mère a déclaré à PNN : "dès que nous avons reçu la bonne nouvelle, j'ai commencé un maftool [un plat palestinien] pour les femmes de la maison et nous avons décidé de nous cotiser pour lui octroyer une nouvelle chambre dans la maison. Nous commencerons bientôt à mettre des photos d'elles dans la rue et à organiser de grandes fêtes".
"Les membres de la famille ont vécu dans le malheur depuis qu'elle a été emprisonné, il y a 11 ans", a ajouté sa mère. "Je souhaites que tous les autres prisonniers soient libérés et pas seulement ma fille. J'espère que chaque maison puisse partager cette joie".
La Famille de Lu'ay Awdeh
"J'ai pleuré des larmes de douleur et de joie lorsque j'ai appris que mon fils Lu'ay serait libéré et exilé à Gaza", a révélé la mère de cet homme de 33 ans, condamné à 28 ans de prison en 2002.
"L'accord ne satisfait pas tous nos espoirs, et ma joie est incomplète parce que mon fils ne reviendra pas dans son foyer, ici à Jérusalem. Je ressens en même temps la douleur des autres mères et épouses qui n'ont pas entendu le nom de leurs fils et de leurs maris [lors de la publication officielle de la liste], leur déception après tant d'années d'attente", a-t-elle ajouté.
Amjad Abu Asab, chef du Comité des Familles des Prisonniers de Jérusalem
"En dépit de la taille de cet échange et de l'envergure de son succès, il ne résout pas le problème des prisonniers", a confié Abu Asab à PNN. "Notre grande joie se mêle de douleur, parce que tant de prisonniers restent, et parce que ceux qui sont libérés laissent derrière eux des amis de longue date qui purgent de longues peines. Il ne tient qu'à nous de continuer nos démarches et de persévérer dans notre mobilisation jusqu'à ce que la question des prisonniers reçoive une conclusion acceptable".
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