lundi 17 octobre 2011

La récolte des olives en Palestine : un acte national de résistance, 16.10.2011

Naplouse - 17 octobre 2011
Par Anne Paq
Les trois derniers jours, j'ai rejoint un groupe d'internationaux qui, en solidarité avec les fermiers palestiniens, les accompagnent et les aident lors de la récolte des olives. Le but est aussi de s'interposer et de mener un rôle de protection en cas d'attaques de colons. La cueillette des olives est toujours un moment critique pour les Palestiniens. Beaucoup de ces agriculteurs dépendent de la récolte des olives pour leur revenu. Dans la seule Cisjordanie, quelque 100.000 familles dépendent des ventes d'olive.
La récolte des olives en Palestine : un acte national de résistance, 16.10.2011
Récolte des olives à la lisière de la colonie illégale Yitzhar, à Burin (Naplouse)
Aujourd'hui, la récolte des olives fournit aux fermiers palestiniens entre 25 et 50 pour cent de leur revenu annuel, et alors que la crise économique s'aggrave, la récolte apportent pour de nombreux Palestiniens leur seul moyen de survie. ("Heritage uprooted", Sonja Karkar, The Electronic Intifada, 3/9/2007)
La récolte est censée être un grand moment de joie et de partage, pendant lequel les liens sociaux et familiaux se renforcent. Habituellement toute la famille participe ensemble à la récolte, et il n'est pas rare de voir trois générations qui travaillent sur le même arbre. Mais, malheureusement, il n'y a aucun aspect de la vie palestinienne qui ne soit affecté par l'occupation et la colonisation, et la récolte des olives est désormais associée non à un moment de joie, mais à la peur. Habituellement, la récolte correspond en effet à une recrudescence des attaques des colons contre les Palestiniens et les activistes qui travaillent à leur côtés. L'armée israélienne harcèle aussi les fermiers, souvent les empêchant d'atteindre leurs terres, en prétextant qu'ils ont besoin d'un permis spécial, ou que la zone est trop dangereuse en raison de la proximité des colonies de peuplement. Cette année, de nombreux permis n'ont été émis que pour une durée de trois jours. Dans la plupart des cas, trois jours ne sont certainement pas suffisants pour récolter toutes les olives. Dans certains endroits, ils ont dû ramasser ainsi les olives à la hâte, même si elles ne sont pas mûres, ce qui aura une conséquence négative sur la qualité de l'huile d'olive.
Le jeudi et le samedi je suis allée participer à la récolte des olives dans la région de Naplouse, dans des villages qui sont sous la menace directe des attaques des colons. Jeudi était à nouveau une journée très ensoleillée en Palestine. Nous sommes allés rejoindre les fermiers de Burin et avons récolté des olives dans un terrain très proche de la colonie de Yitzhar, réputée pour être une des colonies les plus violentes de Cisjordanie . Le champ était d'ailleurs entouré par de terres brûlées suite à des attaques des colons il y a environ un mois. Zidane, un des propriétaires de l'oliveraie, nous a raconté comment il avait déjà perdu beaucoup de terrains et des centaines de pommiers en raison des colonies. Il nous a aussi avoué que de nombreux autres villageois sont terrifiés à l'idée de venir sur leurs propres terres à cause des colons, mais que lui persiste à venir parce que "si nous n'utilisons plus les terres, les colons vont les prendre".
La veille, Zidane, sa famille et les internationaux ont été repoussés par les soldats israéliens. Mais nous avons été en mesure de récolter toutes les olives sur ce terrain sensible, du moins sur les arbres qui n'avaient pas été brûlés. De Zidane émergeaient une grande force intérieure et de la sagesse qu'on trouve chez de nombreux Palestiniens. Il était résolu à ne pas perdre d'autres arbres ni un centimètre carré de ses terres. Nous avons eu droit au plus merveilleux des petits déjeuners sous un olivier. Zidane a abord préparé le thé dans une théière traditionnelle, noircie par le feu. Le petit déjeuner était aussi très traditionnel avec le délicieux houmous, une purée de haricots (foul), des tomates et des concombres, zeit et zatar (huile et thym) et quelques aubergines frites. Ce fut l'un de ces moments parfaits qui vous font réaliser à quel point la Palestine pourrait être belle, si seulement l'occupation et la colonisation pouvaient disparaître. Un de ces moments qui vous aide également à surmonter toutes les difficultés inhérentes à rester en Palestine parce que oui, nous avons des moments difficiles, même en tant qu'internationaux, mais nous avons aussi heureusement nos beaux moments qui nous aident à garder notre santé mentale.
A Burin, les fermiers ont également reçu un permis pour trois jours seulement pour cueillir les olives. Cependant, ils ont l'intention de continuer au-delà de ce délai totalement injuste.
Lire la suite du témoignage d'Anne Paq et ses photos sur son blog, "Chroniques de Palestine".

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